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the waiting is the hardest part (circe)

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the waiting is the hardest part (circe) Vide
MessageSujet: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptySam 4 Nov 2017 - 14:40

« Mon père souhaite te parler. » Helana n’a rien dit de plus à Circe lors de son retour. Comme beaucoup d’autres choses, elle a passé son inquiétude sous silence, et tant pis s’il peut lire en elle. Le Mêlé s’est absenté pendant longtemps – trop pour ne pas éveiller un peu plus les soupçons de Balian, dont la curiosité concernant l’adiutor de sa fille a crû depuis leur retour à Biogehira. Helana lui a proposé un entretien avec Circe. Si la démarche, trop honnête pour éveiller une méfiance à son égard, avait à moitié convaincu le patriarche pendant un temps, l’absence du Mêlé avait fini par peser trop lourd. Il n’est donc pas vraiment question de laisser au télépathe l’occasion de se reposer. Elle estime qu’ils n’en ont pas le temps. Sans oublier qu’elle n’en a pas l’envie. Elle a passé plusieurs jours à s’empêcher de tourner en rond dans les couloirs des monastères des Wheatdrop, habituée qu’elle est à tenir. Le retour de Circe est soulagement et source d’inquiétude. S’il ne revient que maintenant, c’est parce qu’il n’a pas pu le faire avant. Helana le connait trop bien pour ne pas remarquer instinctivement sa démarche alourdie par des blessures fraichement guéries. Elle ne peut que s’en soucier, traduction des sentiments qu’elle a envers l’homme. Mais elle a aussi d’autres points sur lesquels elle doit se concentrer. L’esprit de son père est aiguisé. Il peut finir par considérer l’adiutor et sa propre fille comme de terribles erreurs de jugement. Pour Helana, ce jour arrivera probablement. Mais elle a confiance en son adiutor et ses capacités. Il est fort probable qu’il s’en sorte et quelque part, cette option n’est pas non plus entièrement satisfaisante. La lionne tait son soulagement de le revoir et lui serre un regard froid et farouche. Elle s’est inquiétée. Elle a craint pour lui et, par extension, pour elle. Des émotions fréquentes et insupportables. Elle ne montre pourtant pas le moindre signe de fatigue alors que le poids de son idéal, de sa foi et de ses contradictions est plus lourd chaque instant. Ses épaules demeurent fières et droites, sa démarche presque rigide. Helana conduit Circe, bien installé dans sa tête. Ils s’arrêtent sans surprise devant la porte du bureau de Balian. Ses yeux noirs échangent un bref regard (un réflexe fréquent) avec ceux si familiers du Mêlé. Dans la terre, elle a instinctivement senti son père se lever – il a dû deviner aussi bien qu’elle la présence des deux corps devant la pièce puisqu’il s’est déjà levé. Helana prend les devants et ouvre la porte. « Père, » le salue-t-elle. L’homme, constamment dans la bienveillance à l’égard de sa fille, lui offre toujours le même sourire. L’enfant le lui rend, confiante. « Helana ! Et Circe ! Tu fais enfin ton retour. » Balian Wheatdrop n’est pourtant pas surpris ; il était déjà convaincu que l’adiutor finirait par revenir auprès de son maître. Il adresse à sa fille un regard sans équivoque : elle lui a promis cet entretien et le patriarche ne souhaite pas attendre non plus. « Je vous laisse. » Une fois l’évidence prononcée, la lionne s’efface sobrement du bureau en refermant la porte derrière elle.

Et elle attend. Les secondes deviennent des heures et les heures deviennent des minutes. Elle connait bien cette sensation. Le temps est une notion toute relative, une mesure particulière. Elle a l’habitude de ne pas savoir – Helana sait déjà le principal. Elle contient la terre grondante et demeure adossée à la pierre froide du couloir aussi sombre et austère que le reste de la demeure. Elle ne donnera pas à son père des arguments supplémentaires et laisse la liberté à Circe de révéler ou de dissimuler. Elle n’a pas le moindre doute quant à son choix, mais il est important que cela le reste. Le choix est le luxe des hommes libres. Elle lui en veut tout de même – toujours – de l’avoir laissée si longtemps. Mais elle a l’habitude du fil du doute et s’y meut en équilibriste chevronnée. Elle a souhaité un nombre incalculable de fois que les choses soient plus simples ; tout cela pour se rappeler à chaque fois que du fait de leur propre existence, il ne pourrait jamais en être ainsi. C’est grâce à Helana que la terre supporte le poids de Circe. C’est grâce à Circe que la terre n’a pas englouti Helana. La porte s’ouvre enfin sur le Mêlé. C’est les bras croisés que la Wheatdrop l’accueille. Elle devine que les choses se sont bien passées : son père ne l’a pas demandée et la musique du télépathe dans sa tête n’a pas changé. Soulagement. Comme souvent, il n’est jamais complet. Et Balian est un homme sage. Sans doute gardera-t-il un œil sur l’adiutor. Les deux âmes s’éloignent ensemble du bureau pour rejoindre l’extérieur : Helana ressent le besoin irrésistible de sortir de la demeure. Soulagement, encore, lorsque le vent frais lèche enfin son visage. Autour d’eux, il n’y a personne. Le domaine ne grouille pas d’une activité tourbillonnante comme ceux des autres familles. La plupart des gens de la maison s’occupent des gens du peuple et tente, malgré les temps qui courent, de donner un peu plus de confort à leur quotidien. « Ne fais plus jamais ça. » Nul besoin de lui balancer que c’est impossible : Helana le sait déjà. Mais elle s’octroie le droit de laisser sa colère s’exprimer. C’est un échantillon, un rien d'un tout monstrueux. Elle soupire rageusement, comme pour faire disparaitre d’un souffle ce qu’elle garde en elle. Mais elle a appris grâce – ou à cause – de l’homme face à elle qu’elle ne peut que faire avec et l’accepter. « Alors ? » Une claque dans l’air, comme chaque parole prononcée par la lionne. « Que sont devenus les doutes de mon père ? » Apaisés. Elle le sait, cela aussi. Mais Helana souhaite que Circe lui explique. Elle a encore mille questions à poser, qui rejoindront les milliers d’autres qu’elle a tues ces dernières années.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyMar 7 Nov 2017 - 16:46

quand je pense à toi rachel
esmeralda
j'en ai la gorge serrée, mais bon
j'ai des valda


Launondie résonne de bruits et de sons populaires, c’est si pittoresque que c’en deviendrait presque touristique, s’il n’avait pas encore si mal au dos et à la cuisse – recousue pour la troisième fois ce matin. Alors qu’il s’évade de l’antre de Feyre pour se faufiler dans les rues, il lui semble qu’il marche sur du fil et évolue dans un décor de coton. Ça sent la viande grillée des marchés, les hurlements de fausse peur et les cris de rire des gosses qui jouent contre les pavés, un flux épais de pensées et d’émotions s’introduit en lui – il est habitué. Au loin, les notes d’un air qu’on joue à la guitare. Longtemps, il a eu cette envie, celle de déserter. Cette ville, cette vie, la perspective d’un attachement – à un être humain quel qu’il soit, car tous sont des maitres en puissance et toi toujours la proie d’un autre. Les mains enfoncées dans les poches, les boucles légères qui terminent les mèches de ses cheveux dansant dans le vent, il laisse un chien franchir au grand galop l’obstacle de ses jambes, sauter par-dessus sa chaussure droite, son halètement débile lui rappelant ses propres fuites dans la capitale. Ces kilomètres incomptables de pavés avalés par son enfance traquée ; comme le chien, il courait sans savoir pourquoi, sans pouvoir se le rappeler, parce que les ennemis, les voleurs, étaient partout, tout le temps. Il fuyait parce qu’il fallait fuir, comme une fin en soi. Il avait voulu fuir l’académie, fuir les maitres qui tentaient d'étouffer son indépendance, fuir ceux qui avaient peur de lui, de sa liberté provocante, effrayante. Il avait voulu la fuir, parce qu’elle l’entravait, l’attachait, puis avait réalisé qu’il ne l’avait pas fait. Jamais. Chacun de ses départs n’avait été que la promesse d’un retour, et elle le savait. Plus il y pensait, et plus il le sentait. Helana avait été sa première et unique raison de ne pas fuir. Lui dire au revoir chaque matin, c’était répéter le rituel rassurant de son quotidien, comme un jeu qu’on joue tout en sachant que ce n’est qu’un jeu. Elle feignait de craindre qu’il ne revienne pas, elle jouait le jeu pour lui, pour le sauver et se sauver elle-même. La terre écartait les bras face au cavalier enfui dans le couchant, l’air de le retenir sans y parvenir.
Comme si on pouvait quitter la terre.

Il y retourne avec l’envie de gerber au creux des entrailles, avec cette sensation profondément ancrée dans sa chair d’être un chien qu’on siffle et qui rentre au bercail, contre les jambes de son maitre, se repaissant de son regard posé sur lui qui semble dire « te revoilà ». D’une main, il abaisse la vitre du wagon de train qu’il occupe et qui file à toute vitesse en direction de la nation de l’éternité. En face de lui, deux lambdas, une mère et son enfant – petit garçon de, quoi, six, sept ans ? Le dos rond, les mains croisées entre les jambes, Circe sait qu’il a l’air mal en point. Son regard bleu métallique croise celui de l’enfant. Les enfants ressemblent à des chiens. Fidèles à ceux qui les nourrissent, capables de les suivre n’importe où, même dans un train inconnu en direction de l’inconnu. Il s’était nourri seul, s’était suivi lui-même toute son existence, courant après sa propre queue et s’en repaissant, parce que ça suffisait au chien pour vivre, à l’enfant pour survivre. Sans cesse, ce goût amer dans la bouche, cette sensation d’être devenu le chien d’un autre que lui. Pourtant, c’était indéniable : il n’y avait pas de fuite possible. Même la mort n’était pas une fuite envisageable, parce qu’elle l’aurait suivi même là, par la force des choses. Il aurait voulu ne plus jamais la voir, et l’aurait retrouvée dans l’autre monde, blafarde et furax, comme à son habitude. Furax et aimante, glaciale et brûlante. Il y a quelque chose qui remue en lui tandis qu’il se perd dans les yeux du gamin, que la mère arrache soudain à sa vision. Elle jette un regard hostile au poignet de Circe, en direction de son bracelet orange, puis le dévisage façon tigresse, d’un air qui dit si bien ce qu’elle n’ose pas prononcer. « Sors de l’esprit de mon fils, salaud de télépathe. » Elle pourrait se battre pour ça. Elle pourrait crever pour ça. Il quitte des yeux l’enfant et dépose ses pupilles sur l’horizon – tout semble aller au ralenti au-dehors, tandis que le train martèle les rails comme un furieux. Chaque kilomètre le rapproche d’elle, de ses insupportables peurs, de sa détresse exaspérante, de sa chaleur paradoxale qui seule a ce pouvoir de l’envelopper de le bercer de le dévorer pour l’avaler et le faire naitre nouveau au monde qui, lui, n’a pas changé. Ne change jamais.

La connaître par cœur lui sort par les yeux. Anticiper chacune de ses paroles, lire ses pensées comme un livre en braille, le rend agressif de lassitude, l’éreinte et l’abrutit. Il s’installe pourtant dans l’esprit d’Helana Wheatdrop à peine entré dans la résidence immense de la famille, à peine aperçue sa silhouette se détachant au milieu des arbres aux teintes automnales de jaune iridescent et d’orange feu. Leurs domestiques (qu'ils appellent protégés) ont déserté les murs de la propriété et s'affairent autour des vergers : grandes lessives, purges pré-hivernales et fabrication de confitures ; les odeurs s’entremêlent dans une buée épaisse qui fait d’Helana une vestale tandis qu’elle la traverse et qu’il la suit, marchant en elle, voyant en elle, habitant ce fantôme de tout son être. Il bondit de son esprit à celui de Balian a peine a-t-elle refermé la porte sur eux. L’homme est prévisible, autant que sa fille, comme le sont les gens bons de nature, sages et matures. Bien loin des effusions propres à la nation du feu, loin des caractères emportés et de l’agressivité sourde des chiens errants de Launondie, le calme zen d’Eartanera ne permet pas d’y faire naitre un labyrinthe. Impossible de se cacher derrière des constructions fictives et infinies face à Balian Wheatdrop, qui préfèrera toujours un bon mensonge bien ficelé à une ribambelle d’historiettes divertissantes. Le regard de Circe posé sur lui semble dire, dénué de tout espoir et profondément cynique, « depuis le temps que je te connais, que je te travaille. » Le regard de Balian posé sur Circe semble dire, dénué de tout espoir et profondément cynique, « depuis le temps que je te connais, que je te travaille. » Il referme soigneusement la porte derrière lui, et n’est pas surpris de tomber sur Helana à peine a-t-il relevé la tête. Les pupilles de ténèbres de la maitresse de la terre pourraient l’envelopper au chaud en elles, mais il s’y refuse, se retient au crépi blanc du mur, aux marches de pierres claires que le soleil a tiédies, au parfum de cette vapeur de draps propres et de pommes cuites pendant des heures. Le nombre de lambdas qu’emploient les Wheatdrop atteste de leur générosité traditionnelle. Mais c’est en dehors des sentiers battus qu’Helana l’entraine, et il la suit sans réfléchir. Tandis qu’ils avancent, la plaie sur sa cuisse le lance et il lui semble qu’il ressent chaque modulation du sol, que chaque gravier qu’il écrase s'introduit par la plante de son pied et remonte jusqu’à la racine de ses dents. Elle en profite pour lui dire qu’elle l’aime, et qu’il lui a manqué. A moins que ce ne soit « ne fais plus jamais ça », peu importe. Il écoute sans entendre, le regard rivé sur le paysage de la nation de la terre à mesure qu’ils fuient les hommes pour regagner la nature. Il pose enfin un regard sur elle lorsque le temps qu’il a laissé s’écouler après sa dernière question risque de devenir trop large pour qu’elle en supporte davantage. — Toujours là. Il n’avait qu’une crainte : que j’essaie de les faire disparaitre. Ce qu’il n’a pas fait, parce qu’il n’est pas stupide – et Balian s’en doutait. Helana en attend plus, son esprit danse toujours la même chorégraphie d’impatience butée. — Il espère que je reste le même. Inchangé, autant que possible. Il a un léger sourire en la voyant ciller. — Jusqu’ici, j’ai été difficile, mais pas impossible. Les Wheatdrop n’avaient jamais reculé devant l’adversité, tout emplis qu’ils étaient de bonne volonté quasi mystique. Aide-toi, et Wheatdrop t’aidera. Mais il ne fallait pas demander l’impossible. Sans quoi Wheatdrop serait obligé de punir, en némésis incarnée, l’hybris de ceux qui tentaient de s’inscrire dans une éternité qui ne leur appartenait pas. Il soupire et hausse un sourcil sous le regard de la louve noire. — Détend-toi, maintenant, ordonne-t-il avec tant de légèreté qu’on dirait qu’il lui suggère simplement de se faire une tartine de confiture pour le goûter. Il la sent en lui trembler sous les coups de son insolence, sa dérision devant tout ce qui est important et grave et fatal. Il sourit, tandis que l’envie de mordre sa nuque et plonger dans son cou, alerte et tendu, vient l’électriser doucement.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyJeu 9 Nov 2017 - 22:22

Ni possible, ni impossible. Ni facile, ni difficile. Circe Thorsten est un monstre. Une chimère. Une hérésie nécessaire. Ses mots dégoulinent d’insolence. Son sourire l’insulte. Sa légèreté la hérisse. Sa dérision l’exaspère. Son être tout entier est tourné vers Circe. Un chien ? Ca ? Mais un chien, ça suit son maitre, alors qu’en réalité, c’est elle qui le suit. Elle le suit en le laissant faire, elle le suit dans son silence. Et ce n’est pas parce qu’elle est son ‘’maitre’’ qu’elle espère qu’il lui revienne. Heureusement que la lionne ne lit pas les pensées du mêlé. Certes : elle serait à l’instant trop prise par sa colère pour y prêter attention. Détends-toi, maintenant. Et il sourit, l'insolent. Vraiment. Vraiment ? Se rend-il seulement compte ? Il y a quelques minutes à peine, il était dans le bureau de Balian. Balian qui n’avait jamais écouté les conseils qu’on lui avait donné concernant le choix de sa fille, mais qui les avait laissés là, de côté. Balian qui lui accordait une confiance mesurée, et ce simplement pour celle infinie qu’il plaçait en elle. Et elle qui le trahit toujours, inlassablement, mue par une colère dont Circe, finalement, n’est pas responsable. Il n’a pas tort. Ce n’est pas pour autant qu’il a raison. Mais finalement, ce n’est pas si important. C’est même dérisoire. Qu’est-ce que ça représente, deux, sur des millions d’âmes vivantes ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Et changer ? C’est quand même un coup à tenter. Un défi vain, une ambition vaine. Tant pis. Tant pis ? Hors de question. Helana Wheatdrop n’abandonne pas. « Tu n’es pas possible. » Elle ne tente pas de lancer cela avec indifférence ; elle n’a de toute façon pas ce luxe. Elle est fière, toujours, parée de sa contradiction puérile, coincée dedans comme si elle se foutait de tout. Alors qu’elle ne se fout de rien. Elle s’agace – elle s’agace souvent. Elle se sent constamment indécise alors qu’elle s’oblige à ne pas céder. Aucun doute, Circe est bien de retour. Il n’y a que lui pour le lui rappeler si bien, alors même qu’il ne fait rien. Elle s’oblige à tenir ? Bien. Alors qu’elle tienne. Elle tiendrait au moins cela. Elle repense à Balian et ses doutes, dus à l’absence du télépathe. Et maintenant qu’il est revenu, elle ne peut que constater son état. On ne trompe pas un maitre de la terre. La démarche trahit souvent – toujours si l’on connait bien la personne. Et Helana connait bien Circe. Elle connait ses idées et leur complexité, et son âme presque aussi bien que la sienne. Elle connait son corps et ses reliefs, ses contours et ses traits. Elle sent le poids de ses pas presque aussi lourd que les siens. La cadence est moins rythmée. Elle l’a déjà bien vu, qu’il est blessé. Il ne serait pas revenu s’il ne s’était pas soigné. Helana l’observe, le détaille. Ses yeux noirs ne s’en cachent pas. Elle a le réflexe de vouloir voir. Ou questionner. Ou les deux. Elle se retient. Il ne serait pas revenu s’il ne s’était pas soigné. C’est vrai, elle le sait. S’il souhaite se reposer, il le fera. Elle ne demande donc rien. En colère ; toujours. Elle s’interroge sur d’autres points. Naturellement, le peu de détails dont lui a fait part Circe concernant son entretien avec son père fait naitre d’autres questions. Il peut s’en moquer. Pas elle. Et puisque les Wheatdrop vont droit au but, elle demande : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Rien. Quelque chose. Elle préférerait rien, mais elle préférerait mieux qu’il lui dise la vérité. Il le sait. Elle attend, le regard franc et sévère, tout en s’attendant à ce qu’il lui réponde, simplement, rien. Ses mains sont posées sur ses hanches, le menton et les yeux relevés droits vers lui. Elle n’est pas lui. Elle ne fait pas comme lui. Circe part et revient. Elle, elle reste. Il ne pouvait que finir par lui tomber dessus. Et tant mieux. Ou tant pis. Elle soupire une nouvelle fois. Oui, Circe est bel et bien de retour. Elle finit par s’amuser du ridicule. Fierté : il est hors de question que le télépathe le perçoive. Evidence : il est impossible que ce ne soit pas le cas. Par les Sept ! Qu’il soit maudit. C’est un cercle vicieux dont elle a l’habitude. Elle hausse les épaules et affiche un air qui se veut stoïque. Elle a d’autres choses auxquelles penser. Certes, il est de retour. Et oui, elle en est heureuse et il le sait bien. C’est une bonne chose, un soulagement. « Les choses ont évolué pendant ton absence. » Il doit être au courant du principal. Il connait peut-être même les détails pour Eartenara. Et s’il fouille un peu plus dans la tête d’Helana (s’il ne l’a pas déjà fait), il en saura toujours plus. Ou bien sait-il déjà tout. Elle, elle n’en sait rien. C’est ainsi, elle l’a accepté. Toujours est-il que son père, et par extension les Wheatdrop, se sont ralliés aux Griffith pour proclamer l’indépendance de la nation de la terre. En tant qu’enfant de celle-ci, Helana ne peut qu’en être fière. Mais il n’y a pas de quoi éprouver de la fierté dans une guerre. Son regard dévie ; elle s'installe à même le sol, mains posées, jambes croisées et tête droite. Peu importe que ses vêtements se salissent : elle les lavera. Circe peut rester debout s’il le souhaite, ou s’adosser, ou s’asseoir où il veut. Elle s’en moque. Elle éprouve de la fatigue pour toute la tension qu’elle a eue et qui retombe maintenant qu’il est là. « Tu me fatigues déjà. » Ils savent tous les deux qu’il n’a (presque) rien à voir avec cela, mais elle ne peut se priver de ce (presque) agressif trait d’humour.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyMar 14 Nov 2017 - 11:40

Il y a peu de chiens errants à Eartanera, du moins, en comparaison de Launondie. Est-ce parce que la crasse est plus nourrissante à la capitale qu’ici, où tout semble trop pur, trop propre, ici dont même la misère a l'air saine ? Là où dans Launondie, vous pourrez voir des chiens faméliques creuser leur tombe dans des poubelles éventrées, lever la patte contre les murs au crépi ruineux, Eartanera abrite les moutons, les chèvres, de beaux chevaux aux robes lisses sur lesquelles glissent des rayons d’un soleil indulgent. Terre sanctifiée, bénie des Sept, il l’a quittée riche de rien et la retrouve dénudée, comme si une main griffue et sans pitié lui avait arraché son voile de simplicité pieuse, douce ; déchiré pour laisser la place à une nudité qu’on ne voudrait pas regarder. Le viol d'Eartanera est contre-nature. Les impôts ont encore augmenté, et la guerre a amené l’insécurité par-dessus l’absence d’énergies premières. Si cela s’était produit à Launondie, les gens seraient devenus fous, se jetant sur les réserves restantes et protégeant leurs biens avec une rage toute pleine d’agressivité. Mais les gens de la terre sont mystiques, et les greniers de l’Empire ne sont pas dépouillés par eux. Le pauvre se fait à l’idée de la faim, le riche à celle du partage. Etrange Eden aux couleurs automnales presque irréelles, dont même les nations du feu ne peuvent se targuer. Plus le train s’est avancé dans le ventre d’Eartanera, et plus le wagon est entré dans le soleil, avalé par sa tiédeur, doré par son souffle impassible. L’atmosphère de ces lieux semble accompagner leur déclin. Déjà, une lueur vespérale tombe sur les champs désertés comme une oraison mélodieuse et triste, la fumée qui ondule hors des toits des maisons ressemble à un soupir las. Le bois a été dérobé sur les réserves de l’état, les habitants de l’éternel ont été forcés de souiller leurs forêts vierges, de dénaturer leur paradis pour suivre la marche des hommes. Il y a tout ça en elle, qui a toujours eu ce don prodigieux de savoir incarner l’histoire en un regard posé sur l’horizon, un battement de cils. Elle a rarement été aussi grave, aussi tourmentée, et il sait que ce n’est pas sans rapport avec la douleur d’un peuple, la souffrance d’une terre, et les enfants retenus prisonniers dans l’enceinte de l’académie. Quand elle ne gronde pas, elle s’épuise, son énergie toute entière aspirée par un ailleurs auquel personne hormis elle n’accède. Alors elle se laisse tomber au sol et plonge ses mains dans la terre, plus profond que vous ne pourrez jamais le voir, ses doigts partent fouiller les intestins boueux, s’enroulent autour de racines fébriles, puisent en elles et leur donne en retour son souffle de vie. Helana nourrit la terre, et l’univers se repait d’elle. Qu’est-ce que tu as fait, elle demande, comme si elle savait déjà que tandis qu’elle vit pour faire vivre, lui survit pour détruire. Gaïa choisit Ouranos, non pas parce qu’elle l’aime, non pas pour se reproduire – Gaïa a-t-elle jamais eu besoin pour cela d’un autre qu’elle-même – mais parce qu’elle sait ce qu’il veut dire. Ouranos le Firmament, le Démiurge, l’Esprit du monde. Demiourgos, le peuple, l’homme du commun à la tâche. Elle sait qu’il crée et détruit ce qui est créé, c’est pour ça qu’elle se lie à lui et personne d’autre : pour sauvegarder ce qui peut l’être. Pour cette occasion unique de faire naitre la vie et la mort entrelacés. Elle sait, également, que c’est elle qui l’a créé lui. Ensemble, ils donnent au monde les géants aux cent bras, laissent tomber lourdement sur la terre les pas immenses de cyclopes, déchainent les titans puis les titanides qui dévoreront les poèmes cosmiques. Pendant tout ce temps éternel, Gaïa souffrira sans discontinuer. Et dans son souffle de mort elle sèmera la vie, les monstres comme les dieux, le jour comme la nuit. Etait-il Ouranos avant d’être lié à elle ? Aurait-il été porté par cette implacable volonté de dé-créer si Helana n’avait pas existé pour le retenir de le faire ? Qu’est-ce que tu as fait, elle demande comme si elle l’ignorait. Uniquement pour lui laisser, encore et toujours, cette fausse liberté de se réaliser. Les yeux de Circe aux teintes métalliques d’un vent froid se posent sur la blessure recousue de sa cuisse, invisible sous le tissu de son pantalon, avant de se diriger vers ceux d’Helana. — Tu l’as senti ? Un murmure. Une véritable question. Avait-elle senti, non pas sa douleur pendant l’attentat, non pas les heurts et les coupures des pierres, des graviers et des vitres pendant l’explosion du château de la ligue, mais son désespoir. Lorsqu’il s’était agenouillé devant le maitre ; alors que Mance Cahow s’était fait reconnaître, dieu du chaos dans une enveloppe de chair, et qu’il avait illustré à Circe sa faiblesse, son insignifiance. Créateur, mais avant tout créature. Avait-elle pu sentir, par-delà la douleur, l’absence d’espoir qui soudain s’était révélée en lui, plus éclatante et nette que jamais ? Le rien était venu se manifester dans ce qu’il croyait déjà déserté par tout. Ainsi, il avait été sur le point de renoncer, tendant sa nuque au Chaos incarné, se laissant dévorer par celui-qui-a-faim, cette bouche d’ombre dans laquelle il se prévoyait alors. Avait-elle perçu l’étouffement de son esprit manquant d’oxygène, s’était-elle sentie, elle aussi, abandonnée de ses forces ? Avait-elle, comme à cet instant, plongé dans la terre pour tenter d’y puiser un dernier secours ? Il est curieux de le savoir, et il ne lit pas dans son esprit une réponse trop nette, préférant de loin son interprétation à elle, sa manière de le dire. A cet instant, il a besoin de savoir s’ils ont été deux à vivre cet ultime abandon. Ou s’il peut encore exister quelque part une expérience personnelle. La tombée du jour recouvre le paysage eartanerain, les rougeoyances du soir se reflètent dans les teintes brillantes du bracelet qui entoure son poignet. A l’entente de sa remarque au sujet des changements survenus, il a un mouvement de désintérêt tandis que son regard parcourt le paysage. — Plus que d’ordinaire ? Il est ordinaire que les choses changent. Les choses changent par habitude. Et le temps se mord la queue, l’avale, meurt en elle et renait et tourne encore. Soudain, il se détourne de l’horizon et pose sur elle un regard intrigué. Une idée comme ça. Aurait-elle été fiancée en son absence ? Encore une fois, il se retient de lire en elle une réponse qu’il n’est pas certain de vouloir connaître. La résistance de cette Gaïa aux mœurs (reproductrices) de son espèce était sans doute l’une des plus extraordinaires du royaume. Elle avait trente-deux ans, à peine quelques mois de moins que lui, d’un sang qu’ils appelaient « argent », et elle était célibataire. L’indulgence de son père allait bientôt passer pour de la stupidité si cet état de fait venait à persister. Il esquisse un sourire à son trait d’humour, et s’accroupit à son tour au-dessus du sol par réflexe et mimétisme – sans même réaliser ce qu’il peut y avoir de familier à le faire. Il est avec elle. Chez elle. En sa terre. Depuis le temps qu’ils sont liés, ils ont acquis une certaine synchronisation. — Je viens à peine d’arriver, signale-t-il dans son sourire, comme pour la mettre face à son exagération, et aussi pour s’excuser. Son index se dépose contre le sol, y trace un sillon poussiéreux, mais la terre lui résiste et ne s’ouvre pas à son contact. Ni attendrie ni amollie par la pression de son doigt, elle laisse Helana nager en elle et darde sur Circe son regard moire, impossible à lire, impossible à deviner.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyMar 14 Nov 2017 - 22:28

La Terre oblige l’Homme à se souvenir d’où il vient. Elle supporte son poids. Elle lui offre l’opportunité de créer, de détruire, de créer encore. L’eau la rend vivable. L’air la rend respirable. Le feu la rend fertile. Mais la terre est la base. Elle est le soutien. Le premier socle des ambitions de l’être humain, qui ne cherche qu’à la conquérir. On ne conquiert pas la terre. On ne possède pas la terre. On oublie trop souvent qu’elle demeurera après le trépas. On oublie que le Temps est son allié et qu’il ramène toujours à elle. Et du cadavre décomposé de l’homme nait la vie. La terre est le principal ustensile ; c’est en son sein que les mélanges se font et se défont. C’est sur sa surface que l’activité se développe (ou non). La terre porte le Monde que l’homme s’approprie. Il n’y a pas que par ses mains qu’Helana l’habite. Chaque cellule de son corps est reliée à elle et chaque millimètre de sa peau en est une extension. Mais poser ainsi ses paumes sur elle lui a toujours permis de se centrer sur le fait de lui prendre et de lui donner. Elle sent l’énergie de la terre circuler plus intensément en elle tandis que la sienne l’imprègne à son tour dans une communion naturelle. La conscience de sa profondeur n’est jamais vraiment entière, et il n’y a que dans ces instants qu’elle en prend la pleine mesure. Elle pourrait se laisser aller au désespoir tant l’humanité lui parait dérisoire. Et elle, alors ? Si petite, face à l’immensité de ce qui soutient tout – il y a tellement à soutenir ! Mais les gens de la terre sont humbles et Helana s’oublie. Elle a voué sa vie aux Sept et à leurs préceptes. Elle n’est peut-être pas la plus fidèle – trop habitée par sa colère élémentaire – mais elle s’y plie tout de même. Elle a assisté aux derniers événements comme une spectatrice détachée, impuissante. Elle n'a pas joué le moindre rôle, comme si elle ne pouvait rien faire, et a suivi Balian et les Wheatdrop selon le cours naturel des choses. Elle laisse Circe faire ce qu’il souhaite, le devine évidemment, et l’accepte fatalement. Elle ne peut que gronder de colère quand elle constate les méfaits de la guerre. Ce n’est pas parce que les pauvres d’Eartanera acceptent la faim qu’ils n’en souffrent pas (certes moins que ceux de la Nation du Feu et ses alliés). Eux ne bénéficient plus d’une électricité devenue nécessaire ; d’autant plus que le froid s’apprête à les mordre violemment. A Aksana, la guerre fera plus de morts dans ses lits que sur ses champs de bataille.  L’ambition de l’homme décapite les ressources de la terre pour cette chose infâme. Inévitablement, Helana s’isole ; non pas qu’elle se refuse à accepter ce qu’il y a devant elle, mais l’ensemble fait naitre en elle une colère telle qu’elle en devient infatigable et épuisante. La seule présence de Circe lui fait naturellement accepter cette évidence. Et elle se sent presque régresser. Comme si elle retournait des années en arrière, quand elle était encore dangereuse pour elle et les autres, habitée par une destruction qu’elle ne désirait pas. Vraiment ? Vraiment. Le chemin réalisé est long et n’autorise pas de retour. Elle s’isole donc. Non pas par la présence – elle se plie à ses obligations, tout du moins le minimum exigé –, mais elle se contient. De façon infime, son regard est plus sombre et sa démarche plus rigide. Elle se dit qu’elle a peut-être contribué à faire naitre des doutes sur Circe. Son changement, aussi discret soit-il, n’aura certainement pas trompé son père. Et pourtant, le télépathe n’a rien à voir avec cela. Presque. Parce que son absence l’a aussi inquiétée. Parce qu’elle a craint de finir par craquer. Parce qu’elle peut finir par basculer. Un frisson la parcourt tandis qu’elle perçoit le murmure de Circe. C’est une réponse qu’elle n'attendait pas. Ou plutôt : ce n’est pas une réponse. Elle comprendrait bien qu’elle a posé une question qui n'en est pas une, puisqu’elle sait déjà. Mais elle ne prend pas le temps de comprendre, l’attention centrée sur le murmure. Tu l’as senti ? Ses yeux trouvent sans détour ceux du télépathe. Quoi ? Où ? Quand ? Elle devine sans difficulté qu’il fait référence à quelque chose d’important. De grave ? Sa mâchoire se crispe. Elle s’est toujours tenue à ne pas savoir, ainsi qu’à ignorer ce qu’elle sait déjà – quand bien même elle crèverait de lui dire. Circe en est conscient. Alors, qu’aurait-elle pu sentir ? Qu’aurait-il pu sentir de si fort qu’il imagine possible le fait qu’elle l’ait perçu ? Qu’y a-t-il de pire ? Sa gorge se noue ; ses sourcils se froncent. « Qu’y avait-il à sentir ? » Sa voix est profonde. On dit qu’elle l’a hérité de son père. Circe a commencé à parler : libre à lui de continuer. Ou non. Helana ne peut que deviner et devine déjà trop. Ses mains se rejoignent finalement. Elles se frottent l’une contre l’autre sans que la terre s’en détache. Ses yeux lâchent ceux de Circe pour se poser sur elles. Elle n’a pas besoin de regard pour le voir. Leur présence mutuelle fait naitre une alchimie unique, si bien que l’un et l’autre ne peuvent qu’avoir conscience de cette même présence. C’est au tour du télépathe de poser une question. Décidément. Circe la rappelle constamment à considérer de nouvelles échelles. Qu’est-ce que c’est, l’ordinaire ? Ce qui n'est pas extraordinaire ? Mais qu’est-ce que c’est, l’extraordinaire ? Pour qui et pourquoi ? Et elle soupire, agacée, avant de répondre tout aussi vaguement que la question : « J’imagine que c’est le cours naturel des choses. » Elle conclue que Circe sait au moins le principal. Et quand bien même il ne le saurait pas, il n’a pas besoin d’elle pour l’apprendre. Mais c’est important pour elle. Elle ne supporte pas de savoir la jeune génération de la terre enfermée où que ce soit. Elle ne tolère pas de voir l’orgueil et l’avidité provoquer des guerres de pouvoir. Elle n’accepte pas que sa propre sœur soit emprisonnée. Et elle gronde d’impuissance. Ses jambes se replient légèrement vers son buste, qu’elle redresse. Ses mains se reposent sur le sol. Elle sent l’énergie la régénérer. Puisque Circe ne se plie à rien, pas même à la terre, celle-ci refuse de se plier sous ses doigts. A moins que ce ne soit Helana. Et elle sourit à son tour à la réponse du télépathe, avant de lui retourner, las : « Il ne t’a jamais fallu bien longtemps. » Terriblement vrai. Et pourtant, Circe lui est indispensable. Elle dissimule un regard plus doux, qu’elle se refuse toujours de lui montrer (et par les Sept, eux vivants, elle ne lui offrira jamais ce spectacle !). Elle sait bien que le lien qui les unit n’est pas dû à une cérémonie ; il était là, avant. Il est toujours là, maintenant. Oui, elle profite d’une complicité rarement exposée et qui dure systématiquement trop peu de temps. C’est d’ailleurs elle qui y met fin. « Tu t’en doutes sûrement, mais mon père n’est pas le seul à se poser des questions te concernant. » Ce qui l’agace passablement. Helana ne tient pas à se trouver dans une position délicate, quand bien même son propre équilibre penche et menace toujours de la faire tomber. Qu’importe. Comme ça, elle a déjà tenu des années. Elle ajoute néanmoins : « Plus qu’avant. » Parce que des questions, on s’en posait déjà beaucoup sur lui. On s’en est toujours posé.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyMer 29 Nov 2017 - 17:03

D’habitude, il la retrouve presque électrique. Dans l’idée, il la voit sautiller autour de lui comme une petite chèvre à chaque fois qu’il rentre. Cette fois ne ressemble pas aux autres, Helana a l'air épuisée. La preuve : elle trouve à peine la force de l’engueuler, elle se replie sur des détails inutiles qui autrefois n’auraient pas attiré son attention : les on-dit, l’avis d’autrui. Il sait ce qui la ronge : cette guerre la mine plus qu’elle ne devrait. Elle prend sur elles toutes les morts, de faim ou de sabre, d’amis ou d’ennemis. Elle souffre avec la terre, quand la terre ne fait que supporter un sang dont il se fiche, car il ne la nourrit pas. Incarner la terre, la faire chair et la rendre humaine, c’est prendre ce risque de souffrir intensément. Il aimerait lui dire que les choses sont bien faites telles qu’elles sont : la terre ne souffre pas, seuls les hommes le font – et avec une ardeur propre à leur race. Helana n’est pas obligée de métamorphoser en elle des souffrances qui, si elles existaient dans la terre, pourraient anéantir des armées. Il l’observe de côté, tandis que ses yeux sont fermés et qu’elle a posé ses deux mains à plat contre un sol qui lui rend bien quelque chose dont lui ne sent rien. Autrefois, il la savait débordée par un déchainement intérieur. A présent, c’est comme si elle avait refermé les vannes. Son châtiment est muselé, se fait le plus discret. Durant sa prime jeunesse, il s’était montré exaspéré par cette incapacité à retenir ses démons par la laisse, ou par les doigts glissés autour du collier. Ceux qui se laissaient aller à de tels débordements le faisaient parce qu’ils se donnaient en spectacle, à la recherche pathétique de réactions évaluant l’ampleur des dégâts. Tout ça le révulsait, allant à l’encontre de sa conception de l’humanité : la solitude la plus plate et dénuée d’aspérités, sans arrêt décorée, habillée, parce qu’il était bien normal qu’on se fasse croire qu’un « ensemble » pouvait exister. La dépendance l’avait toujours fait gerber. Elle avait été la seule à le comprendre vraiment. Et même plus : à décider de vivre avec. Elle jouait, elle aussi, à ces constructions de sable sur un désert plat, mais elle savait parfaitement qu’il aurait très bien fait sans. Sans décor, et sans elle. Et sa manière de ne pas se laisser avoir par les illusions qui dansaient sur les murs grotesques, ça faisait toute la valeur d’Helana Wheatdrop. Alors puisqu’aujourd’hui, elle semblait dévorée de l’intérieur, le poing résolument scellé contre les lèvres pour s'éviter de rendre, il pouvait lui accorder, il le lui devait bien, son indifférence. Il hausse un sourcil à sa question et s’abstient d’y répondre. Elle n’a pas senti, c’est tout. Il y avait donc encore une parcelle de chance de posséder quelque chose pour soi. Son désespoir, elle l’avait compris, frôlé, deviné, mais jamais habité. Il répond à son agacement – et à sa remarque sur le cours naturel des choses – par un air intrigué. Elle « imagine » seulement ? Comme si elle se forçait à croire en cette marque de logique, alors qu’elle n’a rien d’un mythe qu’on se propose pour rendre les choses moins obscures. C’est un fait. La nature (de l’homme) a horreur du vide. Il faut que les choses finissent et se transforment en d’autres choses. Il faut que nos querelles, nos péchés, donnent lieu à une histoire. Une évolution (ou une régression, peu importe finalement) capable de donner un sens à toussa. Il esquisse à peine un regard par l’entrebâillement de son esprit pour y apercevoir le visage de Hissa Griffith. S’inquiéter pour de la famille, s’obliger à aimer des êtres qui ne sont même pas des amis choisis, est un sentiment dont il ignore tout. Il ne cherche pas à comprendre, cependant. Il sait qu’il ira chercher la sœur d’Helana même si elle ne lui en fait pas la demande : simplement parce qu’il en a les capacités, et que faire ça ou autre chose, ça ne change pas le cours de l’histoire. Ça ne change pas le sens qu’on veut donner à tout ça. Les yeux d’Helana ne croisent pas les siens lorsqu’elle décide de lui annoncer sans détour qu’elle va avoir besoin de réponses. « Plus qu’avant », assène-t-elle, le connaissant suffisamment pour savoir qu’il allait lui répondre qu’elle sait déjà tout. Elle prend cependant le soin de ne pas préciser « qui » se pose plus de questions qu’avant, et dans un mouvement de tête sur le côté, il se demande pourquoi. Pourquoi n’est-elle pas plus frontale ? Pourquoi préfère-t-elle parvenir par des chemins détournés à une finalité qui serait la même quelle que soit la route qui y mène ? Croit-elle… Non… Croit-elle pouvoir obtenir une parcelle de vérité plus facilement en se cachant à moitié ? — Eh bien, ton père a posé ses questions. Pose donc les tiennes, suggère-t-il, aimable et sur le ton de l’évidence. En mettant sur le même plan l’interrogatoire de Balian et celui d’Helana, Circe annonce très clairement qu’il n’a pas l’intention de mentir à l’un plus qu’à l’autre. Ni plus, ni moins. Juste ce qu’il faudra pour que les questionnements prennent fin, et qu'alors puisse éclore ici une fleur d’un silence soudain, éminemment bon, éminemment loin du bruit.

(après la libération de hissa griffith)

Balian Wheatdrop a attendu qu'Helana s’enferme dans l’une des salles de bain du rez-de-chaussée (ces êtres de la terre ne semblent pas supporter bien longtemps l’altitude) pour se jeter sur lui. Les bras ouverts, la démarche conquise, il s’est avancé avec tant d’entrain que Circe a bien failli prendre peur. Se dérobant juste à temps en prétextant avoir cru entendre son prénom appelé un peu plus loin, il est parvenu à éviter l’accolade du maitre des lieux. Trop heureux et trop reconnaissant de l’intervention salvatrice de l’adiutor de sa fille dans la libération d’Hissa : trois mercis de la part de Balian, c’était comme si l’univers s’était soudain mis à genoux pour lui baiser la main. Il lui suffit de regarder le vieil homme, encore altier, aux épaules carrées et à la peau aussi sombre et brillante qu’une pleine lune dans la nuit noire, pour savoir que tout est pardonné. Un trait vient d’être tiré sur ses griefs passés, ses absences autant que ses fuites, ses secrets comme ses mensonges. Et Circe ne ressent pas en lui une once de soulagement. Pas un pourcentage de fierté ne vient animer son regard. Privilégiant entre Balian et lui une distance raisonnable, il reçoit la gratitude de l’homme comme un mur pourrait le faire, jusqu’à ce que le temps juge acceptable qu’il tourne le dos et prenne un chemin opposé. Il parcourt les couloirs du château Wheatdrop en direction de la chambre d’Helana, un trajet qu’il connaît par cœur pour l’avoir poncé tant et tant d’années sur les mêmes dalles pierreuses. La plupart des lambdas et des mêlés qui travaillent ici (ou plutôt qui « participent », comme ils aiment à le dire) sont tous réunis pour le goûter festif en l'honneur du retour de la prisonnière saine et sauve. Une victoire à leurs yeux, une avancée, un… bond dans le temps. Il sait qu’Helana est partie prendre une douche, avant de s’habiller dans sa chambre pour retourner auprès de sa famille et serrer cette sœur hypocrite entre ses bras. Dans une supplique muette et grave, il lui demandera de le dispenser du spectacle. Une partie de lui est restée là-bas, auprès du soldat mutilé dans le visage duquel il a enfoncé le poing, dans ce cerveau rose et mou qu’il a explosé de ses phalanges crispées, simplement parce qu’il ne s’est pas laissé pénétrer par l’esprit. Il sait qu’une partie d’Helana est restée là-bas aussi. Il a encore mal à la tempe, là où le caillou qu’elle lui a envoyé pour le faire s’arrêter l’a heurté. Sa main pousse la porte close et elle sursaute : elle était nue, sa robe posée sur son lit aux draps faits, sa serviette de bain tombée à terre. Le regard du télépathe n’aurait pas été différent s'il avait trouvé Helana emmitouflée dans une triple fourrure. Il entre et referme derrière lui, insensible à son courroux dérangé par l’intrusion. Il ignore ce qu’elle lit de lui lorsqu’elle croise son regard. Il ne sait pas si elle ressent l’étendue du vide qui, plus que jamais, l’habite depuis la dernière mission. Il se passe une main contre la nuque et la masse légèrement. — Je participerai aux combats qui s’amènent sous la bannière Wheatdrop, annonce-t-il sans la regarder. Elle comprendra qu’il a fait ce choix au détriment des autres – dont elle ne peut que se douter puisque lors de leur dernière discussion, il ne lui a donné aucune clé de compréhension à ce sujet. — Ça répond à une partie des questions que tu te poses, me concernant ? Demande-t-il en écho à ses dernières paroles. Celles d’avant la scène des souterrains. Avant qu’il ne se mette terriblement à nu, plus qu’il ne l’avait jamais fait.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyJeu 30 Nov 2017 - 14:52

L’accueil de son père a été à la fois grave et heureux. Naturellement, le retour de Hissa Griffith, anciennement Wheatdrop, au bercail l’emplit de joie. Et si elle doit bientôt retourner à Greenstall auprès de son époux, le patriarche compte profiter de la présence de sa cadette avant tout ici, à Biogehira. Mais évidemment, il n’approuve pas qu’Helana se soit mise dans cette situation. Ses sentiments à son égard ne sont donc pas clairement définis, mais Balian Wheatdrop ne peut qu’être heureux de revoir ses deux filles saines et sauves. Après une accolade affectueuse et quelques échanges rapides avec les membres de la demeure, la maitre de la terre n’a pas tardé à aller se prendre une douche. Comme tout Eartanerien, les voyages et les variations de climat la font greloter et lui donnent mal au cœur. Et en cet instant, elle ne pense à rien d’autre qu’aux bienfaits de l’eau chaude. L’effervescence de la maison Wheatdrop ne lui fait pas oublier les événements de la libération de Hissa. Elle n’efface pas l’image de Circe frappant frénétiquement jusqu’à ce que le crâne d’un soldat ne soit plus qu’une bouillie infâme de cervelle et de sang coagulé. Mais plus que l’image, c’est surtout ce qu’elle a senti qui lui importe. Elle a senti que Circe craquait au plus profond de lui. Elle a senti le vide abyssal qui l’habite. Elle a senti que sa seule présence avait été le déclencheur. Fatalement, elle se sent responsable, d’abord. Parce qu’un homme est mort et que sa propre absence lui aurait peut-être épargné ce triste sort. Puis elle s’agace de cette pensée : avec des si, on refait un monde en réalité inchangé. L’eau chaude coule sur sa peau. Ses yeux noirs sont fermés. Elle soupire. Elle a eu peur. Une peur intense, presque paralysante. Si tu continues, on est perdu. On ? Vraiment ? Ne parlait-elle pas surtout d’elle ? Son poing, serré et fermé, se colle contre la paroi. Helana a la tête baissée. Oui, elle aurait été perdue. Il aurait fallu qu’elle choisisse entre Circe et Hissa et elle n’aurait pas eu besoin de réfléchir. C’aurait été lui. C’aurait été lui et elle se serait perdue elle. C’aurait sonné l’heure du début de la fin – sa fin, à elle. Mais le télépathe s’est repris. Il a entendu sa voix et, lui aussi, a effectué un choix. Il aurait pu sombrer dans un vide infini et ne jamais en ressortir. Il avait repris ses esprits et continué la mission. Parce qu’elle l’a appelé. Parce qu’il a dû la sentir en miroir. Et parce qu’elle l’aime, elle en ressentirait presque de la joie. Son estomac se noue un peu plus. Helana se redresse. Circe n’a jamais été un grand démonstratif, si bien qu’une partie d’elle a toujours douté de ce qu’elle sait. Puis elle se demande, à son tour, si cela aussi, il l’a senti. Elle en ressent presque de la honte, parce qu’il n’y avait rien de beau dans cet instant. On parle de mort. On parle de sang qui gicle – qui a giclé aussi sur elle. De cervelle étalée. De visage qui n’en a plus que le nom. On parle de vide. D’esprit qui se perd. De choix réalisé. Circe ne s’est-il pas ramené tout seul ? Helana ne l’a-t-elle pas simplement appelé ? Mais elle a senti. Ca ne peut pas mentir. Au milieu du chaos, elle s’est dressée comme un phare et le télépathe l’a rejointe quand il pouvait s’enfoncer un peu plus dans celui-ci. Elle le sait habité par lui. Elle le sait possédé par lui. Elle l’a toujours su et une telle démonstration n’a pu que renforcer son idée. Le laisserait-elle pour autant ? Helana en est incapable.

Une fois sa douche terminée, elle se rend dans sa chambre et y trouve une robe sur le lit. Elle est encore nue lorsque la porte s’ouvre, provoquant un sursaut de sa part. Mais Helana n’a pas à se retourner pour deviner qu’il s’agit de Circe. Elle n’a pas non plus le réflexe de dissimuler son corps derrière le tissu. Le télépathe l’a déjà trop vue dans le simple appareil pour qu’elle en soit gênée. La lionne s’indigne tout de même. « Décidément, tu n’as jamais su frapper avant d’entrer. » Et elle se tourne finalement vers lui, le regard farouche et les sourcils froncés. Il s’en fout, elle le sait bien. Avoir Circe face à elle, c’est raviver des souvenirs qui n’ont rien d’oubliés. Ils sont encore intensément vécus et partagés. Lui ne la regarde pas encore. Elle devine qu’il est marqué. Elle aussi. Elle ne saurait le nier. Il lui annonce qu’il combattra aux côtés des Wheatdrop. Il demande si cette réponse suffit à ses questions. Circe lui donne la sensation de remonter le temps tout en restant terriblement ancré dans le présent. Avant qu’ils ne partent secourir Hissa, avant même qu’Helana ne lui en parle, elle lui avait indiqué qu’on se posait des questions. C’est vrai. Elle n’a pas précisé qui. Elle n’a pas précisé quoi. Et finalement, elle s’est trahie seule. Elle soupire. « Des questions, j’en ai des milliers, tu sais. » Pourtant, elle s’est toujours refusée de les poser. Elle s’est toujours refusée d’interroger Circe parce qu’elle estime que s’il le souhaite, il saura le faire. Elle s’est toujours refusée à le forcer d’une quelconque manière et a l’impression désagréable de ne jamais pleinement y parvenir. « J’ai fait le choix de ne pas te les poser. Et ce n’est pas toujours facile. » Ce ne sont pas des excuses puisqu’elle n’a pas à s’excuser. « Mais je suis heureuse que tu le dises. » Et elle espère qu’il l’a bien fait de lui-même, et non pas à cause d’elle. Elle se retourne, prend sa robe et l’enfile enfin – elle constate avoir un peu minci, dernièrement. Puis elle fait face à nouveau à Circe. Ses yeux trouvent automatiquement les siens. Il lui fait face, maintenant. Il la regarde. « J’ai senti. » Il fallait bien qu’elle le dise. Elle répond, elle aussi, à une question qu’il a posée avant qu’ils ne sauvent Hissa. Alors que le télépathe entrait enfin et qu’elle ne l’avait pas accueilli comme d’habitude, fière et terrible, dévorée par la guerre et ses propres incertitudes. Elle lui confirme qu’elle l’a bien perçu au plus profond d’elle-même, qu’elle a eu l’impression de se faire avaler par un vide intangible. Qu’en l’assommant lui, elle s’assommait elle.
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MessageSujet: Re: the waiting is the hardest part (circe) the waiting is the hardest part (circe) EmptyMar 12 Déc 2017 - 16:17

Un sourcil haussé devant le mouvement de la patte esquissé par la lionne pour châtier son indignité. Qu’est-ce qu’elle lui reproche vraiment, d’être entré en elle, dans l’antre sacré de sa chambre sans avoir eu la courtoisie d’attendre sur le palier, ou bien d’avoir dénigré et refusé la moindre œillade à une nudité pourtant offerte à sa contemplation ? Il la connaît suffisamment pour savoir qu’elle se fiche entièrement qu’il entre sans frapper. Il est comme son ombre, une partie d’elle à laquelle elle est plus habituée qu’à son propre reflet. En revanche, le désintérêt nonchalant dont il fait preuve depuis les premières années de leur fréquentation a toujours eu pour effet de l’agacer. Mais il sait aussi qu’elle sait d’où provient cette désuétude. S’il n’avait pas été lié à elle contre son gré, presque forcé de l’aimer comme lui-même, peut-être l’aurait-il désirée ardemment. Jusqu’à lui courir après dans l’espoir de la posséder. La loi avait rendu cette course vaine et ce lien trop évident, si évident qu’il lui était apparu détestable, puis inutile. A quoi bon faire ce qu’on vous demande de faire, à quoi bon réaliser un destin si vous pouvez le lire sur un livre ouvert juste sous votre nez. Il voyait d’autres hommes la dévorer des yeux, lui faire prendre part à leurs fantasmes – parfois il en était envieux, parfois exaspéré, d’autres fois jaloux et mu par l’envie soudaine et sauvage de la posséder à son tour, et de tenter de goûter à ce parfum de désir fou entre ses cuisses. Des effluves qu’il n’était jamais parvenu à attraper, la faisant sienne à sa manière ; sauvage, mécanique. — Pour quoi faire ? Il est paré à tout entendre, n’importe quelle justification pouvant trouver sa révélation à sa question. A cet instant, frapper avant d’entrer, il n’en a jamais saisi l’utilité. Mais qu’elle n’hésite pas à la lui faire savoir, suggère sa question. Circe n’est pas du genre à s’annoncer avant quoi que ce soit, qu’il s’agisse d’entrer dans une pièce, de pénétrer une femme, de frapper un homme. S’annoncer est un truc créé pour les peureux et les bourgeois. Quand un homme entre sans s’annoncer, on dit de lui qu’il fait comme chez lui. Et c’est le cas. Circe est chez lui partout, chez Helana comme en elle. Fut un temps, au tout début de leur lien après l’académie, où elle avait tenté d’exiger de lui qu’il n’entre pas dans son esprit sans lui en demander au préalable la permission. Elle avait juré de l’ensevelir sous la terre s’il désobéissait, et il avait demandé à voir. Un combat entre des milliers d’autres, une défaite à son avantage, mais combien d’autres victoires pour Helana Wheatdrop, moins éclatantes, plus sourdes et chthoniennes, plus profondément enfoncées à l’intérieur de lui comme… comme cette sensation qu’elle avait eu le culot de ressentir aussi alors qu’il en était prisonnier, dans les douves du palais des flammes. Il fuit ses paroles et se réfugie dans son esprit, là où fourmille une telle immensité d’autres langages qu’il y trouve aisément de quoi plonger pour s’oublier. « Et ce n’est pas toujours facile. » Son ouïe capte ses mots, mais son esprit tend l’oreille à d’autres vérités internes : elle a minci. Pas énormément, mais suffisamment pour le remarquer au moment où elle se glisse dans sa robe. Sur les hanches. Et le ventre est encore plus rentré, raide de muscles dus à l’entrainement que l’énervement de la guerre a creusés. Elle s’arrête là, n’ayant jamais été femme à se regarder trop longtemps, à s’inspecter en pure perte de temps, mais lui va plus loin. Il sonde chaque organe vital, suit les courbes et les lignes vastes de ses terminaisons nerveuses, vérifie ce qui fonctionne plus rapidement qu’à l’ordinaire – le système nerveux épuisé par le manque de sommeil, les nerfs chauffés à blanc par l’arrivée de la guerre, la bile amère et les intestins plus repliés sur eux-mêmes. Mais le sang est fluide, le cœur le pompe avec ardeur. L’énergie est là par-dessus la fatigue. Il s’extrait de son esprit après s’être assuré de son état général, pour la retrouver face à lui, ses yeux dans les siens. Il avait à peine remarqué qu’elle s’était retournée pour le regarder, trop enfoncé en elle. Il voudrait qu’elle ravale les deux mots qu’elle s’apprête à faire sortir de son ventre, et sa mâchoire se crispe lorsqu’il réalise qu’il ne peut l’en empêcher. Il sait qu’elle a senti, il a posé la question la dernière fois parce qu’il existait une chance, une seule quelque part, qu’elle n’ait pas senti, mais à présent il sait que c’est le cas et il ne veut pas le savoir. Il se détourne, sans doute plus brutalement qu’il ne l’aurait souhaité, pour se diriger vers la fenêtre. Son regard au bleu que les nuages du temps ont rendu khesebedh fait semblant de se fixer quelque part dans l’horizon. Tout ça n’était qu’une banale question de proximité géo-spaciale. Elle n’avait pas senti la dernière fois, uniquement parce qu’il n’était pas juste sous son nez. Elle avait senti la seconde fois parce qu’elle avait eu l’idée brillante d’être là. Leur lien, qu’il avait imaginé transcendant l’espace de quelques heures de délire, ne tenait finalement qu’à ça : un putain de placement géographique. Elle n’avait pas vraiment senti, se persuade-t-il, elle avait simplement vu. Et déduit de ses visions des sensations. Il avait pensé qu’à son tour, Helana était devenue télépathe. Qu’elle avait pu le sentir quasi mort face à un mêlé plus fort que lui. Qu’elle aurait pu avoir peur pour lui. Conneries. Leur dernière mission avait été une réussite sur le plan politique – ils avaient libéré les otages – et un échec cuisant sur le plan de leur relation. Elle l’avait vu se heurter à un esprit impénétrable, elle avait cru comprendre son désarroi lorsqu’elle avait ressenti les gouttes de sang éclabousser son visage tandis qu’il enfonçait les mains dans de la chair mutilée. Il avait fallu qu’il lui fasse la démonstration de son vide croissant, qu’il la lui joue comme sur une putain de scène de théâtre, pour qu’elle le sente enfin. Il avait fallu qu’il mime, qu’il dessine ce qui aurait dû être évident, passer entre eux à des kilomètres, des jours de distance. Il avait eu besoin de lui montrer cette violence dépourvue de toute chair, de toute humanité – pourquoi ? Pourquoi lui avoir infligé la vision d’un meurtre sauvage, la vision de lui déshumanisé et animal ? Peut-être parce qu’il avait besoin de la mettre en garde. Parce que les jours passaient et que jamais l’amour qu’elle lui portait ne faiblissait ni ne se laissait entraver par son ignominie. Peut-être ce meurtre n’avait-il été rien d’autre qu’un hurlement jeté à la face de cet amour qu’il ne méritait pas, ne mériterait jamais, lui suggérant dans le sang le plus inutilement versé de le garder pour elle. — Je n’ai pas envie d’en parler. Sa voix est un électrum froid et implacable. Rarement il n’a aussi peu prêté attention au décor stupéfiant d’Eartanera, de ses dorures héraldiques ancrant les arbres dans le gris du ciel comme des sillons sableux par-dessus un lac aux reflets métalliques. — N’en parlons pas. Lui tournant résolument le dos, il feint d’ignorer le génie malicieux perché sur son épaule, lui murmurant qu’il n’y a que les idiots qui croient qu’un sujet disparaît parce qu’on a l’idée naïve de le taire.

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