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still i ache for the way we were. (reynir)

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still i ache for the way we were. (reynir) Vide
MessageSujet: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyLun 30 Oct 2017 - 22:41

Can you save my soul, can you make me whole
And the wind will blow but I won't let go
Try to remember.
reynir / asha
- - - - - - - ❖ - - - - - - -


Elle l'a retrouvé. L'idée peine encore à se frayer un passage, s'imprégner dans un cerveau qui s'obstinait jusqu'alors à ne plus y croire. Pas de désillusion, rien d'autre qu'une enquête méticuleuse menée année après année pour trouver une trace de lui quelque part. Elle l'a cherché partout, autant qu'elle l'a pu lorsqu'Andrei l'autorisait à ne pas être à ses côtés. Elle l'a cherché si ardemment, a cru l'apercevoir si souvent que son cœur a cessé de s'agiter dans sa poitrine à chaque faux espoir, a cessé de se morceler à l'idée qu'il n'était rien d'autre qu'un mirage, un souvenir que son esprit tentait maladroitement de recréer dans sa réalité. C'était la condition qu'elle avait donnée à son Maître, à peine sortis de Koldoveretz. Elle le servirait, le protégerait, l'aimerait inconditionnellement si, et seulement si, il acceptait qu'elle mène sa propre quête, continue de traquer inlassablement celui qu'elle avait perdu. Andrei n'a pas pu refuser la seule demande qu'elle ait jamais faite, et Asha n'a eu de cesse de mener de front son rôle d'Adiutor et son devoir de sœur. Le retrouver, coûte que coûte, au péril même de sa propre vie car Reynir Einarson a toujours été le seul capable de faire vaciller ses intentions nobles, son honneur, son sens du devoir. L'absence de son Maître, plongé dans le coma, lui a donné l'opportunité d'accélérer l'enquête, de prendre contact avec des personnages peu recommandables de Launondie, des vauriens, des voyous aux langues acérés, aux confidences jamais échangées sans rien en retour. Du donnant donnant ma grande, lui avaient-ils dit avec un sourire carnassier. Asha leur a donné, des informations, de l'argent, tout ce qui lui était nécessaire pour obtenir un nom, un endroit, quoi que ce soit qui puisse lui permettre de l'atteindre. Et elle a fini par décrocher le graal, le nom d'un Maître, un prêteur sur gage originaire d'Eartanera, un type lui aussi peu recommandable, craint de beaucoup pour ses tendances sociopathes. Liet Sydow. C'est le nom qu'on a accepté de lui donner, la délivrant au passage de l'essentiel de sa bourse. La première information valable qu'elle ait reçue, la plus importante, le nom qu'elle a cherché année après année, sans relâche. Le nom de cet homme qui lui a pris le frère, l'ami, le tout, qui l'a arraché à elle quand elle n'était encore qu'une adolescente en plein apprentissage. Elle sait de lui ce qu'on a bien voulu lui dire, c'est-à-dire peu. Liet Sydow semble être un homme à la fois extrêmement charismatique et étonnamment discret sur sa personne et ses activités. Dans la nuit launondienne, tout le monde le connaît, on le trouve pour échanger des objets précieux contre de l'argent, et la pauvreté provoquée par la guerre, si elle a fait le malheur des uns, a indéniablement fait le bonheur d'un autre. On le dit enrichi sur le dos des malheureux, résidant dans une villa de la capitale, protégée mais pas imprenable. Son interlocuteur a mis l'emphase sur ce mot, comme s'il devinait que derrière les yeux sombres d'Asha Verhoffin se trouvait l'âme intrépide de la gamine qu'elle avait été. Il lui a dit d'un air désinvolte qu'elle devait s'attendre à ce que ça ne soit pas facile, parce que Liet Sydow accordait une importance démesurée à sa sécurité. Elle a voulu tenter sa chance, malgré tout. Je n'ai rien à perdre, a-t-elle soufflé à l'homme qui a répondu d'un haussement d'épaules, parfaitement indifférent au sort d'une mêlée, même au service d'un noble reconnu de tous.

Asha a menti. C'est la seule chose à laquelle elle parvient à penser quand deux gardes patibulaires l'attrapent, alors qu'elle vient de franchir avec trop d'aisance sans doute l'un des murs ceignant la villa sécurisée de Liet Sydow. Elle a menti. Elle a tout à perdre, à présent qu'Andrei est sorti de son coma. C'est vers lui que ses pensées se tournent quand elle est jetée dans une pièce froide, humide et sombre au cœur du domaine. Le Maître, dont elle a ignoré les conseils, des conseils qui étaient sans doute des ordres à présent qu'elle y réfléchit. Aksana est en guerre, le chaos tombe sur les rues de Launondie, sur les villes de province, chacun tente de tirer son épingle du jeu et Asha Verhoffin a choisi ce moment pour se faire attraper. Peut-être que ça en vaut la peine, tente-t-elle de se convaincre, le menton appuyé contre ses genoux. Elle l'a retrouvé, se rappelle-t-elle. Elle l'a retrouvé. C'est la certitude sur laquelle elle peut s'appuyer, en laquelle elle peut encore croire. Si elle a pu le retrouver après plus de dix ans passés à le chercher, alors rien n'est perdu. Elle est enfermée, mais Sydow n'a sans doute aucune idée de son identité. Peut-être sait-il qu'elle est l'adiutor d'un noble, d'un homme proche du pouvoir dont il serait bon de ménager la sensibilité à présent qu'il est hors de danger. Mais de la femme, il ne sait rien. Cette pensée la rassure. L'objectif est accompli, sans doute pas de la façon dont elle l'aurait imaginé, mais les Sept l'ont guidée jusqu'à lui. Rey la fera sortir. A quoi ressemble-t-il désormais ? Quel homme est-il devenu ? Se souvient-il seulement de la sœur dont il berçait les nuits, apaisait les cauchemars ? Elle tente de l'imaginer, de vieillir le souvenir du jeune homme qu'il était lorsqu'elle l'a vu pour la dernière fois. Est-il heureux ? Peut-il l'être, au service du Maître que l'on décrit comme sadique et violent ? Livrée à elle-même dans ce qui s'apparente à une cellule, elle n'a de cesse de penser, son esprit lancé dans un incessant jeu de questions-réponses adressées à elle-même. Personne pour lui répondre. Rey la fera sortir. La certitude vacille mais ne disparaît pas. Il viendra et la fera sortir. Et il sortira avec elle. Il abandonnera ce Maître, et la suivra. Il lui en a fait la promesse. Je ne t'abandonnerai jamais, Asha, a-t-il soufflé à son oreille en la serrant contre lui. Le souvenir de leur dernière entrevue à Koldoveretz fait partie de ceux qu'elle garde précieusement en elle. Elle ne lui a pas donné la possibilité de l'abandonner, même s'il ne l'a pas trouvée. L'a-t-il seulement cherchée ? Les heures défilent, mais Asha a perdu la notion du temps. La salle est vide de tout, seule sa présence lui donne un semblant de vie. La faim fait grogner son ventre mais elle ne peut faire venir à elle aucune nourriture : la porte est hermétiquement scellée. Pour un peu, elle croirait presque que l'endroit lui était destinée, pour l'empêcher précisément de faire cela. C'est sans doute le cas, d'ailleurs, son bracelet bleu au poignet trahissant sa maîtrise de la télékinésie. Lorsque la porte s'ouvre enfin, ses réflexes sont en alerte, prêts à faire léviter la clé jusqu'à elle, ou bien à obtenir quoi que ce soit susceptible de la faire s'évader. Mais ce n'est pas un garde qui entre dans la pièce. Elle pose les yeux sur Lui, et malgré les années d'absence, elle reconnaîtrait entre mille le visage qui lui fait face. « Rey » souffle-t-elle. Un sourire soulagé étire ses lèvres, et elle se lève, secoue ses membres engourdis par la position adoptée. Elle prend le temps de l'observer, de le dévisager, de se réapproprier chaque détail de son visage. Pour la première fois depuis longtemps, son cœur se serre, son esprit accepte la réalité qu'elle repoussait si violemment jusqu'à présent. Il est là. Réel. Tangible. Si proche qu'il lui suffirait de lever la main pour caresser sa joue sur laquelle s'étale une barbe de plusieurs jours. Elle ressent sa présence dans chaque fibre de son être, reconnaît son parfum, le seul souvenir qui n'ait jamais fluctué avec le temps. « Rey... » répète-t-elle, la voix fébrile. Elle l'a retrouvé.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyVen 10 Nov 2017 - 15:47

eyes i dare not meet in dreams, un death's dream kingdom
these do not appear : there, the eyes are
sunlight on a broken column
there, is a tree swinging and voices are
in the wind's singing
more distant and more solemn
than a fading star.


Longtemps, elle a été son pansement. Lors de chaque instant de douleur, l’idée d’Asha et de son existence, quelque part à l’abri, avait symbolisé la lueur d’un phare entre les ombres. Longtemps après les prémices de sa lente torture, elle a été un souvenir. Distinct du reste, un regard de chat brillant dans la nuit. Et le simple fait d’être encore capable de faire naitre en lui, venir à lui ce souvenir, c’était apprivoiser une liberté distante et sauvage, entrouvrir une porte de sortie. La voir au fond de la pièce et savoir qu’elle était là, aussi distante qu’une étoile, mais aussi certaine et indéniable. Mais bien, bien longtemps après, le souvenir d’Asha fut englouti. De même l’enfance, de même l’académie, les souvenirs de la joie et des peines, avalés par la bouche immense du chaos destructeur imposé par Liet Sydow. Liet voyait sa folie comme héréditaire, et pensait l’hérédité transmissible en dehors des gênes. L’homme, selon lui, façonnait l’homme à sa manière, de façon qu’il n’y avait qu’un seul dieu ; une projection de l’homme par lui-même. Son autoconstruction, toujours aux yeux de Liet, terrifiait l’homme comme un demi-dieu effrayé par son propre pouvoir. Il fallait toujours l’Autre – dieu, ou l’humain d’en face, ou soi-même à l’intérieur de soi (l’âme), pour se délester de ce don prodigieux, et éminemment démesuré. Sa punition consistait à être l’esclave de lui-même (en soi, celui de ses infinies projections), et il avait détruit Reynir consciencieusement avec la certitude d’être dans le vrai. Sa propre folie, il la savait universellement vraie : il était simplement plus conscient et plus intelligent que les autres. De fait, prendre pour glaise malléable un homme au bracelet vert lui avait évoqué l’évidence. Aujourd’hui, alors que Reynir avait accepté son destin et revu sa définition de la liberté, Liet Sydow affirmait être un homme comblé. L’arrivée dans sa villa de la mêlée Asha Verhoffin sonnait le glas de la dernière épreuve, la consécration de l’œuvre de toute une vie : Reynir était-il enfin et pour toujours sa créature ?

Il fallait être résolument stupide pour imaginer qu'on avait une chance de passer à travers la sécurité de la villa Sydow. C'est du moins la première conclusion que son cerveau lui adresse, comme s'il éludait toute autre explication possible, notamment celle que quelqu'un, sur terre, puisse avoir un motif suffisamment fort pour prendre ce risque évidemment stupide. Il a pris son temps avant de descendre rejoindre l'intruse sur les ordres de Liet. Le temps de se préparer, de réunir le mental et les outils nécessaires, de savoir quoi dire, quoi faire. Son intelligence a paré à toutes les difficultés et résolu tous les problèmes pouvant s'amener au-devant de lui tandis qu'il s'agira de la faire parler. Le coup de l'espionne tout droit venue de la nation de l'air chez un homme de la terre, il y croit totalement, en bon idiot. Comme si Liet Sydow avait cru un seul instant cet énoncé probable. Il décide d'y aller sans clé, sans armes ; uniquement sa parole et son art de la manipulation. Elle finirait par craquer rapidement : elle avait démontré une faiblesse certaine en se laissant capturer si facilement, et elle était enfermée là depuis quelques jours déjà, de quoi avoir eu le temps de faire trois fois le point sur ses options. Lorsqu’il pousse la porte de la salle d’expérimentation, improvisée cachot, il s’arrête quelques secondes, interloqué. Il ne s’attendait pas à une femme aussi jeune, et il s’était dessiné un physiquement autrement moins avantageux. Plus encore, il y a quelque chose qui le perturbe dans le regard que lui jette la femme en face de lui. Elle semble, en le voyant, sous le choc, comme face à une apparition. Il fronce légèrement ses sourcils tandis que, se sentant stupide, il décide d’avancer et refermer la porte derrière lui. « Rey », murmure-t-elle d’une voix qui lui hérisse l’échine. Elle se permet de l’appeler par un surnom alors qu’ils ne se connaissent pas. Il s’approche doucement, presque avec précaution. Quelque chose en lui n’a pas envie d’être là, pas envie de faire ce boulot. Pas envie de lui parler, de l’écouter prononcer encore une fois son surnom de cette même voix révélée, éthérée, c’est presque douloureux d’être observé par ces yeux-là. Une voix sonne à son esprit comme un éclair : « C’est une manipulatrice professionnelle ». Elle arrive à le mettre mal à l’aise par sa simple présence, elle le tétanise par sa seule intonation. Il se reprend brusquement et s’accroupit devant elle, mains croisées l’une dans l’autre. Ils s’observent, elle extatique, lui de marbre. Leurs yeux possèdent de mêmes teintes marrons et ambrées, mais ceux de la femme semblent pleins, tandis que ceux de Reynir sont creux et voilés, comme ceux d’un aveugle. — Tu n’es pas venue ici pour souffrir, murmure-t-il en cernant son regard, du mieux qu’il le peut tout en luttant contre l’envie de le fuir. — On sait tous les deux que ce serait une perte de temps, de chaque côté. Il marque une autre pause, laissant l’effet de ses paroles se répandre en elle façon lent poison. — Qui t’envoie espionner Sydow ? Elizaveta Valaeris ? Tu n’es pas obligée de le dire, tu peux simplement hocher la tête. Il y a définitivement quelque chose qui ne va pas chez cette femme. Une innocence si pure, si intense qu’elle lui paraît démente. Il recule légèrement la tête. Si elle possède une once de bon sens, elle lui dira tout ce qu’elle sait. Elle a vu, elle a forcément senti à quel point cette villa toute entière transpire l’hostilité.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyDim 12 Nov 2017 - 23:53

Chaque parcelle de son corps s'est mise à vibrer, grisées par les retrouvailles auxquelles elle ne croyait plus. Si longtemps qu'elle le cherchait, pour enfin le voir là, face à elle, si semblable et à la fois si différent de celui qu'elle a perdu bien des années plus tôt. Reynir a conservé la beauté virile qui lui valait l'attention de beaucoup de jeunes femmes à l'époque, une attention qui l'irritait sans qu'elle ne comprenne l'origine de ce sentiment. A présent, bien sûr, elle sait pourquoi le fait de le savoir désiré par d'autres l'agaçait : parce qu'il réveillait chez elle un instinct de possessivité, une jalousie corrosive à l'égard d'autres femmes, plus âgées, plus matures, capables d'apporter quelque chose qu'Asha ne possédait pas. Elle enviait leur sensualité, leurs traits d'esprits, mais ne trouvait jamais la capacité de redoubler d'efforts pour préserver l'intérêt de Rey pour elle, peut-être par gêne, par impression de désirer quelque chose de répréhensible. Aucun lien du sang ne les entravait, mais il était pourtant un frère, quelqu'un l'ayant vu grandir, faire ses premières bêtises, découvrir les joies de sa télékinésie. Il l'avait vue aux pires heures, mais avait disparu avant de voir la femme sous l'adolescente. L'idée la fait sourire à présent, tant le questionnement sur la nature de ses sentiments lui paraît dérisoire. Qu'importe les mots qu'elle placera dessus, la seule réalité tangible à laquelle se rattacher est qu'il se tient face à elle et l'émotion la submerge. Son visage n'en laisse pourtant rien paraître : Asha a toujours montré une capacité étrange à conserver le flot à l'intérieur d'elle-même, comme si son visage avait été un barrage infranchissable pour la préserver de toute perte de contrôle. Alors elle se contente de l'observer avec curiosité, de retrouver dans le regard qu'il lui rend la flamme familière. Mais elle ne l'y voit pas. Le constat ne l'alarme pas, pas encore du moins : ils ont passé plus de dix ans séparés, elle ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il la reconnaisse. Et puis il se met à parler, d'une voix distante, détachée, le timbre grave et professionnel. Il s'accroupit face à elle, elle peut presque sentir son souffle sur elle lorsqu'il s'adresse à elle. Le sourire sur ses lèvres s'efface avec une lenteur qui aurait pu être comique, si la compréhension du contexte ne rendait pas la scène tragique. Plus que le contenu des propos, c'est le regard qui la perturbe. En lieu et place des prunelles ambrées qu'elle lui a toujours connues, véritable passage sur son âme, elle ne trouve qu'un vide glaçant. Il la regarde sans la voir, lui parle comme l'on parle à un inconnu, tout chez lui crie qu'il pourrait être n'importe qui d'autre que Reynir Einarson. Asha fronce les sourcils, soudain perdue, presque inquiète. Ce n'était pas le plan. Le plan était de venir, de retrouver Rey, de quitter l'endroit avec lui. Trois étapes simples, d'une simplicité affligeante même. Mais quelque part dans l'équation, un truc a foiré. Comme un mauvais mécanisme qui vient dérailler l'engrenage, l'imprévu se glisse dans la situation et fait perdre ses moyens à l'acharnée de contrôle, de réflexion, qu'est Asha Verhoffin. « Je ne... » balbutie-t-elle, incapable de savoir quoi répondre à une question qui défie toutes les lois de la logique sur lesquelles elle comptait en venant ici. « Je ne suis pas ici pour espionner... » répond-elle d'une voix hésitante, tandis qu'elle cherche en lui la moindre étincelle de compréhension, un retour à la raison qui viendrait rendre les choses plus simples. Mais l'homme qui lui fait face n'est pas Rey. Il est automate creux, robot mécanique, et ses yeux ne laissent entrevoir que les rouages de l'esprit autrefois si vif. « Qu'est-ce qu'il t'a fait... » murmure-t-elle, pour elle-même plus que pour lui. Elle lève la main pour l'apposer contre la joue ombrée, espérant peut-être que le contact physique remettra du sens à la situation, mais abandonne à mi-chemin, la laisse retomber mollement contre elle. « Rey... c'est moi. Asha... » Elle sait avant même d'avoir ouvert la bouche que cette information ne sera d'aucune utilité. S'il avait du la reconnaître, il l'aurait fait à présent, et l'ignorance totale de son visage ne peut signifier qu'une seule chose : il n'a pas la moindre idée de son identité et de ce que cela devrait lui évoquer. Dans sa poitrine, son cœur se contracte, comme empoigné par une main invisible dans le seul but de l'empêcher de respirer. Et l'air vient à lui manquer, prémices de la panique qui l'enserre dans son étau. Elle s'échappe de sa proximité, recule de quelques mètres comme si son esprit percevait la menace qu'il fait peser sur elle de sa voix inquisitrice. « C'est pour toi que je suis venue. Pour te sortir de cet endroit » explique-t-elle, désireuse de réveiller quelque chose chez lui, au risque de se mettre davantage en danger. Car elle le voit à ses yeux froids, ce n'est pas la réponse qu'il attend, pas la réponse qui le satisfait. Une ombre prédatrice passe dans le regard de Reynir, la faisant se sentir infiniment apeurée, fragile et sans défense dans une pièce où rien ne peut lui servir d'arme. « Je ne sais pas ce que Sydow t'a dit mais il ne faut pas le croire. Rey, surtout n'en crois pas un mot. » L'intonation est presque suppliante, à présent, comme pour se préparer mentalement à l'inévitable. Rey ne la reconnaît pas. Il ne sait ni qui elle est, ni pourquoi elle est là. La dureté de ses traits ne laisse entendre qu'une chose : elle vient de donner la mauvaise réponse, et son salut risque de se transformer en un cauchemar éveillé.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyMar 14 Nov 2017 - 17:39

En un sens, elle était devenue immortelle. Ce souvenir d’une enfant joyeuse et boudeuse à ses petites heures, à jamais éteint, s’était ancré dans une éternité qu’il avait certes oubliée, mais qui possédait, quelque part, son existence. Peut-être que l’oublier avait été une manière de la préserver, de la sauver de la souillure dont tout son corps et son esprit allaient bientôt s’emplir jusqu’à en déborder. Regardez-le, le soldat d’un fou. Rien de ce qu’il avait aimé un jour ne pourrait plus être violé. Parce que plus rien du passé ne subsistait en lui. Oh, il avait tant voulu les protéger. Elle, ses parents, des amis autant que des tuteurs. Elle, l’amour d’une vie pareillement qu’une sœur. Comme il avait eu peur pour eux, dans ses heures les plus douloureuses, comme la crainte de les savoir en danger l’avait plus blessé que tous les chocs activés par Liet ! Il s’en était libéré. Comme un soldat traversant le champ de bataille et gagnant l’autre rive, réalisant dans un éclair mystique qu’il est vivant, vivant, il avait traversé le champ de ses souvenirs pour les laisser derrière lui. L’autre rive, c’était l’enfer. Mais quelle importance, puisqu’il avait laissé les autres là-bas, à l’abri ? Longtemps, il avait été gentil. On le disait sain et généreux, ouvert et tolérant. Personne à ses yeux n’était tout noir, ou tout blanc, mais bien tout en nuances. Ces palettes, il les voyait chez les autres avec plus de netteté que la plupart des êtres. Asha rayonnait comme un prisme qui avale le soleil et le relâche ensuite encore plus grand, encore plus beau. Encore plus empreint d’elle. Il y avait eu des femmes pour le désirer, toutes avec ce même attrait pour son joli visage, son corps de jeune homme bien dessiné, son bracelet, laissant supposer une vivacité supérieure, une compréhension plus large d’un tout qui pouvait s'agrandir ou rétrécir selon les gens. Le regard d’Asha posé sur lui avait changé avec le temps, quand d’autres choses, d’autres états étaient venus s’entremêler à sa vision. Alors qu’il lui disait à bientôt, la veille de la dernière cérémonie à l’académie et la répartition dans ce qui deviendraient leur foyer respectif, il avait su qu’ils s’aimeraient. Qu’ils en étaient tout proches, qu’ils le frôlaient du doigt. Il l’avait su avant elle, comme il savait beaucoup de choses toujours plus tôt. Sans doute trop tôt. A présent, il ne savait plus rien, et peut-être était-ce trop tard.

— Ne m’appelle pas “Rey”, sonne le métal de sa voix, acéré, tranchant. — Tu ne me connais pas. Que croit-elle ? Que parce qu’il est jeune, en bonne santé, il tombera forcément dans son piège ? Cèdera sous les assauts de son charme naturel évident ? Combien d’hommes se servent de belles femmes pour corrompre, pour espionner, et combien d’idiots succombent à une chose aussi pathétique que le sexe ? L’idée qu’elle soit l’envoyée d’une maitresse est de plus en plus probable : seule une femme aurait pu monter un plan ainsi ficelé. Lui faire croire qu’ils se connaissent et se sont aimés un jour. Lui raconter qu’elle est venue pour lui, qu’ils pourraient fuir ensemble et vivre une idylle. Ça aurait pu fonctionner avec le garde de base, le demeuré latent d’apparence vive, mais ça ne prendra pas avec lui. Quand bien même cette espionne est d’une beauté presque cruelle pour le reste du genre féminin. Qu’on puisse l’imaginer aussi stupide, qu’elle le croit assez stupide pour insister, fait naitre dans son regard des orages inquiétants. Elle se recroqueville sur elle-même dans une position de crainte assumée, ce dont il la remercie intérieurement. — Tu ferais mieux de te demander comment tu vas te sortir d’ici, toi et pas moi. Il est grand temps qu’elle se réveille, et laisse tomber le masque. A l’écoute de sa dernière supplique, il ne peut réprimer un rire triomphant. Elle vient de se contredire toute seule, et de révéler son mensonge criant, son jeu d’actrice insipide. — Je vais te décevoir : Liet Sydow ne m’a rien dit du tout. Il attend, tout comme moi d’ailleurs, de savoir ce que tu es venue faire ici. J’entends : ce que tu es réellement venue faire ici. Ses mots sont détachés comme un tissu qu’on couperait à l’aide d’une lame glacée, le timbre de sa voix agacée contraste avec son rire précédent, déjà évanoui dans la petite pièce absorbant toute résonnance. Elle a peur. Et il comprend sa peur de travers, l’anticipe comme une compréhension de sa part du fait qu’elle est désormais coincée. Faite comme un rat. Comme tous ceux qui entrent ici et n’en ressortent pas, idiote. Lentement, il lève une main, et du bout de l’index, il redresse avec une douceur dénuée de sincérité le menton de la jeune femme pour l’obliger à le regarder. Il connaît le pouvoir d’un tel contact, il sait à quel point ce dernier peut en dire bien plus que ce qu’il ne fait que suggérer dans l’acte. C’est toute une vie de cauchemar qui attend Asha Verhoffin si elle ne se décide pas maintenant, tout de suite, à lui livrer tout ce qu’elle sait. — Allez, Asha, murmure-t-il pour eux deux. — Sois raisonnable, et dis-moi ce que j’ai besoin de savoir.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyMer 15 Nov 2017 - 0:01

Peut-être a-t-il raison. Elle ne le connait pas. Plus. L'homme qui lui fait face ne pourrait être plus différent de l'homme qui l'a laissée. Celui-là, il était affable, doux, rieur. Ses yeux laissaient entrevoir la vivacité de son esprit lorsqu'il les plissait en souriant. Il la regardait toujours avec un mélange de tendresse, d'affection, mais aussi de moquerie. Elle aimait qu'il se moque d'elle, ça lui donnait l'impression d'être proche de lui, de partager un secret avec lui, ou plutôt une connivence, fraternelle sans l'être tout à fait. C'était à ce genre de moments qu'elle s'était raccrochée toutes ces années, le souvenir de lui, d'eux, d'une vie passée à deux, destins entrecroisés toujours destinés à se rejoindre un jour ou l'autre. Et pourtant, l'homme qui l'observe à cet instant précis n'a rien du Reynir dont elle se souvient. C'est ça qui lui fait le plus de mal. La désillusion de se confronter à un étranger, mais surtout l'impossibilité de l'atteindre, d'éveiller chez lui l'étincelle qui brillait autrefois dans son regard. Ce Reynir-ci est une ombre, une coquille vide, semblable d'apparence. Il est un sosie, un clone dont on aurait repris les traits les plus caractéristiques en espérant que personne ne se donne la peine de creuser plus loin pour découvrir qu'il n'est qu'une vulgaire réplique, à mille lieux du modèle original. La vision est effrayante. « Tu te trompes. Je pourrais te donner des détails de ta vie que je suis la seule à connaître » répond-elle d'un ton calme, masquant le gouffre sans fin qui s'est ouvert dans sa poitrine. Elle pourrait lui raconter comment ses parents ont décidé de l'adopter. Que c'est lui qui a choisi son prénom à elle quand elle est née, parce qu'il avait lu dans un livre trop complexe pour un gosse de son âge l'histoire d'une princesse qui s'appelait Asha. Qu'il a couvert plus d'une fois ses bêtises pour ne pas qu'elle se fasse punir. Qu'il lui a mis le bracelet bleu autour du poignet quand elle refusait de le faire. Elle pourrait lui raconter aussi les cauchemars dont il refusait de parler mais qui le réveillaient en pleine nuit, dont elle n'a jamais su la teneur. La première fois qu'il a embrassé une fille, et à quel point la nouvelle a perturbé Asha. Le goût de ses lèvres, à peine effleurées, lorsqu'il lui a dit au revoir, et qu'il a promis qu'ils se retrouveraient. Elle pourrait lui raconter que c'était un accident, une embrassade fraternelle qui dérape, mais qu'en fait c'est faux, c'est elle qui a tourné la tête parce que l'idée de le laisser partir comme ça la rendait malade. Reynir se trompe, et a raison tout à la fois. Elle connait le vrai, mais ne sait rien de l'ombre qui lui fait face. Il s'adresse à elle d'une voix calme dont elle perçoit pourtant la menace, toujours latente, qu'il fait planer au-dessus d'elle comme une épée de Damoclès. Une seule mauvaise réponse et il l'abattra sur elle. Asha tente de garder contenance, de ne pas se laisser atteindre par la violence qu'il cache sous un timbre faussement posé. La dernière chose dont elle ait besoin, c'est d'admettre que la vision qu'il lui offre la terrifie. Qu'elle a peur pour elle, mais surtout pour lui. Les questions brûlent ses lèvres, mais aucun ne les franchit. A quoi bon, lorsqu'il ne sait même plus qui il est. Mais ce qu'elle craint le plus, ce n'est pas le monstre, c'est la pensée qu'il ne reste plus rien de l'homme sous le masque. Que Reynir est peut-être mort, à jamais disparu, qu'elle ne le retrouvera pas et qu'elle ne lui aura jamais dit tout ce qu'elle a réservé pour leurs retrouvailles. « Si tu attends de moi une autre réponse que celle que je viens te donner, c'est toi qui vas être déçu. » Mais la réplique manque cruellement de mordant, elle qui a pourtant le sarcasme facile. « Je t'ai déjà dit pourquoi je suis ici. » Ses yeux ne parviennent pas à se poser sur lui, la vision de cet homme-là lui tord le ventre. Mais il l'y oblige en forçant son menton à se relever. Le regard qu'il ancre dans le sien est effrayant. L'espace d'une seconde, elle oublie même qu'il est un vert, le prend pour un orange capable de lire dans son esprit, d'en tordre chaque élément pour l'interpréter de la façon qui lui conviendra le mieux. Ce serait presque préférable, car elle pourrait ainsi forcer ses propres souvenirs à rejaillir dans l'esprit de Rey. Mais c'est impossible. Il est vert, l'a toujours été, et s'il la fixe sans ciller, c'est seulement pour instiller la peur en elle. Avec succès. Elle se dégage de sa prise, lui offre un visage fermé, aux traits sévères. « Je suis venue pour toi. J'ai passé des années à te chercher, Rey, j'ai voulu honorer la promesse qu'on s'est faite de ne jamais s'abandonner. Il n'y a pas de plan, pas d'objectif caché, je ne peux rien te dire de plus, parce que je n'ai rien de plus à dire. » Ca ne suffira pas. L'ombre d'un sourire vorace passe sur les lèvres de Rey, comme s'il se régalait de ne pas obtenir la réponse désirée. La discussion lui fait l'effet d'un préambule, dont elle ne comprend l'objectif que trop tard. Reynir n'est pas là pour poser des questions, encore moins donner des réponses. Il est là pour le prétexte, dont il se servira pour assouvir les pulsions violentes qu'elle distingue dans son regard. Elle est arrivée trop tard.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyVen 17 Nov 2017 - 15:44

Des détails sur sa vie qu’elle est seule à connaître. L’espace d’une demi-seconde, son regard se pose sur son bracelet, comme pour se rassurer implicitement, vérifier qu’elle est bien une bleue, et pas une orange. Soudain, il se demande s’il est possible de « teindre » un bracelet. Pourquoi la perspective qu’elle puisse entrer dans son esprit le panique-t-elle autant ? Il l’ignore. Un réflexe. Il sait que cette boite-là, derrière son regard, est une Pandore qu’il ne doit surtout pas, jamais ouvrir sous aucun prétexte. La paranoïa (et si elle avait changé de bracelet pour cette occasion ?...) s’empare de lui, lui fait oublier qu’on ne peut pas changer de bracelet. Mais si c’est une orange, qu’est-ce qui l’empêche de modifier sa pensée pour le persuader qu’il est en face d’une bleue ? L’intérieur de son ventre durcit et se glace, sa mâchoire se crispe : la crise de paranoïa est en train de grimper en lui. — Ce n’est pas ce que je t’ai demandé, dit-il entre ses dents, toujours aussi froid, aussi métallique. Une agressivité sourde digne d’un animal en danger pour sa propre survie va bientôt s’emparer de tout son être. Elle ne peut pas entrer dans ta tête. Personne ne le peut. Seul Liet y est parvenu. Seul Liet a tout compris de toi, de ton intelligence, de ta futilité, de ta faiblesse. Qu’elle ose seulement… Qu’elle entre… Ce serait la fin… La mort… Il se détache brutalement du fil de son regard, incline la tête pour chasser du mieux qu’il peut les démons de la peur dansant tout autour de ses yeux. Liet Sydow était déjà parvenu si loin en lui… L’accepter s’était fait au détriment de tout ce qu’il possédait. Liet l’avait dépecé de sa peau comme un renard. Comment aurait-il pu supporter l’idée d’une nouvelle intrusion ? La perspective qu’après sa fourrure, on s’attache à arracher sa chair ? Il était nu depuis le début, et elle ne l’avait pas vu. Dépouillé de lui-même et de ce manteau que la vie nous tisse comme un destin. Liet avait voulu faire de lui un éternel embryon, se nourrissant au cordon ombilic pour survivre dans une existence qui n’avait de « vie » que le surnom poétique. Il n’écoute pas Asha Verhoffin lui dire qu’elle n’a pas d’autre réponse à lui donner, et qu’il risque d’être déçu. Il n’écoute pas, parce que ça n’a aucun intérêt comparé à l’urgence de la situation : la blesser, pour se sauver lui-même. Faire taire cette menace qu’elle représentait auparavant en tant qu’espionne, et qui augmente à mesure qu’elle parle. D’espionne, elle devient intruse potentielle dans son équilibre ultra-précaire. Venue le chercher. Venue honorer leur promesse. Elle tisse des souvenirs qu’elle lui prête et qui ne sont pas les siens, qui ne peuvent être les siens, qui ne doivent surtout pas lui appartenir. Dans le silence autistique qu’il s’impose, plongé dans le noir complet dont elle est absente, il entend soudain à nouveau ce surnom résonner. Elle prononce « Rey » et cette simple syllabe se répercute dans son esprit avec une puissance décuplée. Un hurlement assourdissant qui l’aveugle à moitié. Il ne lui laisse pas le temps de finir : sa main empoigne sa gorge avec une violence non préméditée, enserre son cou puissamment, lui rejetant la tête en arrière et plongeant son regard dans ses yeux horrifiés. — Dis « Rey » encore une fois. Dis-le encore une seule fois, martèle-t-il tandis que ses genoux touchent le sol et qu’il appuie toujours plus contre sa gorge. Il n’est plus accroupi mais à genoux face à elle, la force de son bras tendu aux veines saillantes vomissant ce qui s’agite, paniqué, à l’intérieur de lui. Encore une fois une seule et il pourra la tuer. Tuer dans l’œuf ce qui menace de sortir de la boite et de tout détruire. Retour de la douleur. Retour des peines. Se rappeler c’est mourir. NE L’OUBLIE JAMAIS. Des larmes de suffocation perlent dans les yeux de la femme, et il se reprend soudain. Sa main libère sa gorge, son bras retombe le long de son corps. Sa tête s’abaisse, il se fait pensif, ailleurs. A le voir changer d’états à une vitesse alarmante, il ressemble à un fou. Sa gorge s’éclaircit le temps qu’il retrouve ses pensées, se rappelle de l’essentiel. Intruse. Espionne nation de l’air. FAIS GAFFE. Ses yeux, redevenus froids et sombres, se reposent sur Asha avec une douceur modérée, indulgente mais prête à frapper. — Tu n’es pas encore lasse de jouer à ce jeu ? Tu es venue me chercher ? Sache que je ne repartirai pas avec toi. Pour rien au monde. Ses mots fouettent l’atmosphère en claquements brutaux. Il a un rictus en coin, signe de son agacement, mais aussi de son contentement à l’idée de s’en être sorti. D’avoir chassé l’angoisse paranoïaque de lui avec héroïsme. Les Sept savent que ses démons sont terrifiants, et que les maintenir à distance nécessite un apprivoisement constant et ardu. — A présent que la, heu, désillusion est complète des deux côtés, peut-être pourrions-nous envisager d’avancer, suggère sa voix sonore au calme retrouvé. Il hausse un sourcil en réponse à ses airs effarés. — Je suis un prêteur sur gage, Asha, pas un tortionnaire. Un soupir s’échappe de lui, feint de toute pièce car aucune oxygène n’est venue gonfler son poitrail. — Si seulement tu pouvais nous éviter à tous les deux le désagrément de la torture. Ses deux mains s’ouvrent et il les retourne pour lui montrer ses paumes. — Je n’ai pas envie de me salir les mains. Et tu n’as pas envie de perdre du sang. Il se redresse, la dominant de toute sa hauteur, avant de l’attraper par les bras et de la soulever pour la mettre debout. A présent qu’ils sont sur un pied d’égalité, tous deux face à face en bons adultes, il serait préférable qu’Asha se montre un tant soit peu raisonnable. FAIS GAFFE. — Tu es l’adiutor d’Andrei Valaeris, n’est-ce pas ? Il n’attend aucune réponse. — Que nous vaut l’intérêt de la nation de l’air ? Une inquiétante lueur alcaline glisse dans ses prunelles noires, en un seul passage bref et intense. — Répond-moi. Il détache chaque syllabe, de manière à ce qu’elle ne puisse s’illusionner sur le ton de sa voix : il s’agit bien d’un ordre, un simple éclair annonciateur d’un orage qui signera son apocalypse, si tant est qu’elle décide de rester à découvert.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptySam 2 Déc 2017 - 18:07

Ce n'est pas ce qu'il lui a demandé, explique-t-il, les traits de son visage trahissant une émotion qu'Asha est incapable d'interpréter. Il lui semble lire l'espace d'une seconde la peur dans les prunelles sombres qui l'observent mais elle doit se tromper. Elle se trompe forcément. Le monstre qui lui fait face ne peut pas être soumis à des émotions aussi humaines que la peur. Alors ce doit être la sienne, qui se reflète dans son regard, renvoyant à l'infini l'image de terreur qui se dessine petit à petit dans son esprit. « C'est pourtant exactement ce que tu m'as demandé. Tu as dit que je ne te connaissais pas » tente-t-elle d'expliquer d'une voix rauque et dénuée de son assurance caractéristique. Elle voudrait pouvoir en dire plus, mais le sentiment de se heurter à un mur l'empêche. Asha est persuadée qu'à cet instant précis, s'ouvrir à lui ne fera que la mettre davantage en danger. Lui donner un accès à son esprit, ses souvenirs, son âme, c'est lui offrir ses faiblesses, confirmer son ascendant sur elle et une source inépuisable à laquelle s'attaquer. Asha se tait, l'observe encore, ne trouve plus les mots. Elle s'est crue capable de pouvoir l'atteindre, mais elle se trompait. Reynir n'existe plus que physiquement, car tout ce qui faisait de lui l'homme s'est perdu sous les efforts de son tortionnaire. Peut-être se trompe-t-elle sur le moyen, mais certainement pas sur la finalité : il ne conserve rien de son ancienne vie, ni de sa mémoire. Il n'y a qu'un gouffre béant à la place de son âme, alors comment espérer ne serait-ce que l'atteindre ? La chute serait vertigineuse, impossible même pour elle. Reynir lui donne raison, sa main empoigne son cou avec tant de force qu'elle craint l'espace d'une seconde qu'il ne parvienne d'un même geste à lui briser les os. Ce serait la mort soudaine, finalement peut-être un destin plus enviable que l'actuel. Le regard qu'il lui jette glace jusqu'à la dernière fibre de son corps, infiniment plus fragile qu'elle ne l'imaginait. Elle lutte pour conserver la capacité de respirer, mais plus ses efforts échouent, moins elle y parvient. L'oxygène s'évanouit petit à petit, sa poitrine se contracte, se comprime, à la recherche de n'importe quel moyen de trouver l'air qui lui manque presque totalement. Les yeux qui s'embuent n'ont rien à voir avec la peur – elle est bien au-delà d'un tel état, son esprit s'est mis en mode instinct de survie, guidé uniquement par le besoin de respirer – et des étincelles commencent déjà à danser devant elle. Sa vision se fait plus précaire, noircie par un tunnel qui s'agrandit, enserre ses prunelles. Encore quelques secondes, quelques petites secondes de plus, et d'Asha Verhoffin il ne restera plus qu'un cadavre. Il la relâche soudain, aussi soudainement qu'il l'avait empoignée, et elle suffoque, pose une main sur sa gorge, l'autre sur son cœur, pour tenter de retrouver la capacité à respirer. L'air s'engouffre dans ses narines, dans sa bouche, transite jusqu'à ses poumons, abreuve son cœur qui repart brutalement, bat férocement dans sa poitrine pour rattraper son retard. Les yeux d'Asha s'agrandissent, elle ne comprend pas ni le geste, ni l'attitude désinvolte dont il fait preuve à présent, comme s'il ne venait pas d'essayer de l'étouffer, comme s'ils ne faisaient que papoter calmement dans une salle qui ressemble de plus en plus à son tombeau. Reynir a recouvré un calme effrayant, est redevenu maître de ses émotions. Le changement lui fait réaliser quelque chose pour la première fois : elle était en train de réussir. Jusqu'à ce qu'il perde le contrôle, elle réussissait d'une certaine façon à réveiller quelque chose en lui, quelque chose de si profondément enfoui que la seule perspective terrorisait Rey, comme un gosse lancé à pleine vitesse dans un cauchemar dont il essaie de se sortir sans y parvenir. Elle a failli l'atteindre. Mais la fenêtre d'opportunité vient de se refermer brutalement, et elle se confronte de nouveau à l'homme mécanique. Il lui parle avec un désintérêt total, sur le ton de la banalité. « Dans ce cas pourquoi ne pas me laisser partir ? Tu as été très clair sur le fait que tu ne me suivras pas, tu ne veux pas te salir les mains, qu'est-ce qui t'empêche d'ouvrir la porte et de prétendre que tout ceci n'est jamais arrivé ? Tu n'auras qu'à dire que tu m'as tuée et enterrée quelque part, et on fera comme si de rien n'était. » L'offre lui semble ridicule, même à elle, mais elle la tente parce que son cerveau n'est désormais plus capable de réagir avec son caractéristique bon sens. La peur a étouffé la capacité de réflexion, pour ne plus laisser qu'une gosse apeurée cherchant à tout prix l'issue de secours. Elle déglutit, laisse échapper un cri de surprise lorsqu'il l'attrape par le bras pour la relever. L'espace d'une seconde, elle a l'espoir naïf qu'il accède à sa demande. Mais elle se trompe. Rey poursuit sur sa lancée délirante. Il lui ordonne de répondre à une question, mais sent sûrement qu'elle n'est pas en mesure de le faire. La nation de l'Air n'a pas d'intérêt pour lui, Liet est un allié de la couronne, au même titre que les Valaeris. Rey réalise-t-il à quel point sa réflexion est stupide, indigne de l'homme brillant qu'il a été ? Lentement, Asha secoue la tête, imperceptiblement d'abord puis plus visiblement. Elle signe son arrêt de mort, mais refuse d'inventer des mensonges pour satisfaire le délire du monstre qui lui fait face. « Tu te trompes, Reynir. Ils n'ont rien à voir avec tout ça. » Elle l'a appelé de son prénom entier pour la première fois, la marque de la main puissante sur sa gorge trop à vif pour prendre le risque de recommencer. Pourtant il ne lui a jamais semblé si difficile de le dire, les lettres lui écorchent les lèvres, le nom n'a rien de naturel. La lueur prédatrice dans le regard de Rey s'est réveillée, il lui offre un sourire cynique qui lui glace à nouveau le sang. « Tu n'es pas obligé de faire ça. Tu n'es pas obligé de me faire du mal. Reynir, je t'en prie... Laisse-moi repartir... » Sa voix se brise sous l'ombre carnassière qui la domine de toute sa hauteur. Asha ne s'est jamais sentie plus insignifiante qu'à cet instant précis, débarrassée de sa splendeur guerrière, de son assurance, pour redevenir l'enfant apeurée. Mais là où Rey venait la calmer à l'époque, c'est désormais lui à l'origine de la peur.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyMar 12 Déc 2017 - 12:52

Elle ne demande que ça : ses yeux, ses paroles, tout inspire à pleins poumons la supplique de la torture. Non il ne rêve pas : elle la demande, elle l’exige. Elle répond, insolente dans une attitude qui entremêle peur et insoumission, comme ces enfants qui cherchent à tester les limites de l’adulte dans un désir occulte de confirmer les rôles, leur hiérarchie. Qui est le maitre, ici, entre deux mêlés ? Il voit bien qu’il peine à se faire reconnaître en tant que tel. C’est cela, qu’elle n’a pas encore appris à connaître. Cette partie de lui qui le dessus, qui ne souffre aucune contradiction. C’est ce que lui demande son maitre en l’envoyant ici-bas : soumettre à son tour. S’imposer dans la redéfinition d’une nouvelle hiérarchie. C’est brillant, comme tout ce qui vient de Liet, et il compte bien le mettre en œuvre. Encore une fois, son maitre lui a mâché le travail, a superposé les rouages : ne tient qu’à lui de lancer la machine. Alors pourquoi tant de temps avant que l’excitation de l’ascension ne se ressente ? Pourquoi n’y a-t-il que du dégoût et cette peur dévorante, angoissante au fond de lui lorsqu’il se trouve face à cette femme ? Moins de parole, souffle une voix tendue à son oreille. Plus d’actes, et moins de mots. C’est comme ça qu’on s’impose, aux débuts. On parle à l’oreille d’un blessé, d’un mourant, mais on martèle de coups impassibles un être encore trop fort, encore trop plein d’assurance en ses propres croyances. Il allait s’évertuer à la déconstruire. A défaire en elle tout ce qu’elle imaginait être vrai à son sujet. Il allait lui faire tout ce que Liet lui avait fait. Il sourit, mauvais, à l’entente de sa proposition. — Bien sûr, Asha, faisons comme ça, admet-il avec douceur. — Je n’ai pas envie de me salir les mains, alors je n’ai qu’à… comment tu dis ? « Prétendre que tout ceci n’est jamais arrivé » ? Son sourire s’élargit en un rictus que l’agacement et l’impatience empoisonnent. FAIS GAFFE. A quoi, bordel? Fais gaffe, c’est tout. Il vrille et ferme les yeux quelques secondes, s’évitant un vertige étrange. Fais vite avant que ça dégénère et que tu perdes le contrôle et prouve encore une fois que tu ne vaux rien. Prouve quelque chose, n’importe quoi, mais prouve. Tue cette demeurée, qu’on en finisse. Tue-la comment ? Choisis et choisis bien. Il n’écoute pas la suite des paroles d’Asha, ses yeux furètent ça et là dans la pièce à la recherche de quelque chose, d’une idée, de quoi que ce soit qui pourrait bien la tuer de manière à faire naitre dans les yeux de Liet une étincèle d’approbation. « Pas obligé », « Reynir », « Je t’en prie », la musique de fond ne le perturbe pas plus que ça tandis qu’il continue sa course folle, d’idée en idée, de cruauté en cruauté. Il en a oublié la possibilité de l’espionnage, la nation de l’air et tout le reste. La seule chose qui compte est de mettre la main sur l’idée, la création, la mise en scène qui saura satisfaire la volonté implacable de dieu, de Liet Sydow. — Tu m’offres un choix cornélien Asha, murmure-t-il d’un ton neutre, celui d’une conversation de circonstances un peu longue et ennuyeuse. — Faire ou ne pas faire. Il marque une pause, songeur, quand des ténèbres noires recouvrent lentement son expression, viennent ombrager comme l’arrivée d’une tempête l’eurythmie de ses traits. — Tu t’introduis ici en cachette, tente d’entrer sans que personne ne te remarque, et parce que tu n’as pas trouvé ce que tu étais venue chercher, nous te laissons aimablement repartir ? Peut-être devrais-je m'excuser de n'être pas celui auquel tu t'attendais. Cynique, il lui jette un regard perçant. — Tu veux un cake aux olives et une petite laine pour le chemin du retour, ou ça ira ? Il n’arrive même pas à croire qu’un être doué de conscience puisse être aussi stupide. Son regard noir détaille, impassible, sa bouche ronde et tremblante, ses yeux écarquillés par la peur et l’incompréhension – mais il voit au travers. Sans parvenir à distinguer les émotions qui animent Asha, il discerne dans son visage sa propre victoire. Le maitre satisfait, levant son verre à son attention. Un moment, peut-être un jour, même deux, de répit. Il comprend (mais peut-être l’avait-il compris depuis le début) que sa torture d’Asha signifiera une trêve de la sienne. C’est si intelligent, et si facile. Dans sa servitude, il a appris, robotique, à considérer chaque idée et chaque geste de Liet comme supérieur à tous les siens. Liet est le Créateur, lui et les autres ne seront jamais que la reproduction de Ses volontés. Rongé au plus profond de lui par sa culpabilité d’être, si imparfait et si lamentablement infini, le sang et la douleur d’Asha ne sont à ses yeux qu’une épreuve de plus dans ce chemin de souffrances éternelles. — Bien, dit-il d’un ton décidé, se redressant et frappant délicatement ses mains à plat contre ses cuisses. — Attend-moi là, je reviens. Il lui tourne le dos, traverse la pièce et referme derrière lui la porte. Il n’aura aucun souvenir de son trajet jusqu’aux cuisines, où il saisira un long couteau au rebord tranchant, ni même la moindre réminiscence de ses pas le portant en retour. Il referme à nouveau soigneusement la porte, et, couteau en main, observe Asha faire la découverte de ce qui l’attend. Son tremblement de souris prise au piège lui fait lever les yeux au ciel tandis qu’il s’avance vers elle. — Allez, arête un peu. Ça te fera un souvenir, suggère-t-il dans un sourire amiable. — C’est ce que font les gens quand ils visitent un nouvel endroit : ils repartent avec un souvenir. Il s’accroupit à sa hauteur, attrape son poignet avec une force inattendue comparée à son état de calme. Sans s’annoncer, il tranche. Les veines bleutées du poignet d’Asha ruissèlent soudain d’un russati chtonien et huileux. Son sang vient coller le long des doigts de Reynir, enserrant toujours sa chair. Ça s’est passé trop vite pour réagir, le métal a vrillé dans l’atmosphère à une rapidité qui l’a lui-même surpris. Pourquoi ne t’en délectes-tu pas ? Trouve ton plaisir, bordel de merde. Mais l’ombre prisonnière et à demi-morte dans les pupilles de Rey se contente de se détourner, apeurée, écœurée. Il prend une longue inspiration, une raisonnable et profonde capable de balayer d’un coup de grand vent tout ce qui se cache encore en lui et qui ne doit plus exister. — Voilà ce qui va se passer, Asha. Je reviens demain, et je fais l’autre bras. Après-demain, ce sera l’artère, et on verra comment tu t’en sortiras. Il a le ton du professeur patient, expliquant à un étudiant passablement demeuré la même chose pour la dixième fois. Elle entrouvre la bouche, il dépose deux doigts trempés de sang contre ses lèvres pour la museler. FAIS GAFFE. — Non non non non non, Asha, pas de gnan-gnan, pas de s’il te plait, pas de Rey. Sa dernière phase lui arrache un vertige. Pas de. FAIS GAFFE. Il y a un Rey. Je suis. Qui ? Pas de. RESPIRE. Il se relève dans un quasi bond pour s’éviter de vomir. Son regard se perd contre le mur d’en face, barreau d’une cage dont l’épaisseur la plus compacte se situe juste là. Dans ce fil invisible qui relie le prisme de tes yeux à ton cerveau. Elle dit Rey encore, je la tue. Je te jure que je le fais. Son expression, vidée, se pose sur le couteau qui pend entre ses doigts, puis sur le bracelet d’Asha, bleu nuit, puis sur Asha elle-même. — Prend-le si tu veux. Il a soudain l’air ahuri, tandis qu’il répète mot pour mot une scène qu’il a déjà vécu, où Liet était lui, et où lui était elle. — Empare-t-en, fais-le léviter jusqu’à toi. Mais calcule bien. Parce que si je le reprends, je marque le prochain point. Et au travers sa voix résonne celle de Liet Sydow, son intonation devient la sienne, et Rey n’existe plus, dévoré, avalé, rendu par l’existence souveraine du bourreau, conscient du caractère suprême et infiniment beau de la répétition, de la projection, de la répétition de la répétition.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyMar 12 Déc 2017 - 23:18


On l'a préparée toute sa vie, entraînée, poussée dans ses retranchements pour faire d'elle une guerrière. On a façonné son mode de réflexion, développé ses capacités, caché ses points faibles dans le seul et unique but de la transformer en une machine de guerre capable de mettre sa vie au service d'un autre. Mais rien ne l'a préparée à la réalité, à la peur qui tenaille le ventre, à l'aveuglement d'une lumière blanche dans une pièce stérile, à l'appréhension de ce qui se passera après, à l'incertitude de ne serait-ce qu'y survivre. Personne ne l'a préparée à lui.

Jour trois. Quatre entailles sont venues s'ajouter à la première le long de son poignet, cinq traces poisseuses dont l'écarlate a viré au brun. Les saignements se sont enfin arrêtés, mais on en devine la teneur rien qu'à regarder le sol tâché de part en part. Reynir est revenu dans la pièce, et lui demande d'un ton affable comment elle va aujourd'hui. Il pousse le vice en agrémentant la question d'un sourire mauvais, et s'agenouille à côté d'elle pour examiner sans ménagement les blessures. Une lueur de satisfaction traverse son regard entièrement vidé de toute autre émotion. Il n'a pas tremblé une seule fois, pas une seule. Il s'est attelé à la tâche avec un enthousiasme non feint à compter du moment où il a réalisé qu'elle n'opposerait aucune résistance. Il la provoque sans cesse, cherche l'instant précis où elle basculera. Inutile. Asha a été entraînée pour subir la torture, elle grimace à peine lorsqu'il trace une nouvelle ouverture dans sa chair, creusant profondément pour en faire jaillir le sang. La douleur est anesthésiée dans son esprit, sans doute par un mécanisme de défense dont elle ne connaissait même pas l'existence. Elle a le regard vague, observe sans voir le mur qui lui fait face. La peur ne tord plus ses entrailles. Elle n'a plus peur, parce qu'elle n'a plus la force d'avoir peur. Reynir veille à ne pas la saigner au point de lui en faire perdre connaissance, mais c'est tout juste. Elle se laisse faire, docile, apathique, ce qui agace le bourreau et l'oblige à renouveler ses idées. Il murmure à son oreille des mots doux, censés la rassurer. Tout va bien se passer, tu verras. Asha ne répond rien, mais son corps tremble un peu, sans doute de froid. Reynir finit par s'en aller, lui souhaitant une bonne fin de journée avec son écoeurante amabilité. Craquera, craquera pas, craquera, craquera pas, craquera... Elle déglutit en jetant un coup d'oeil au couteau qu'il a laissé à côté d'elle, comme les jours précédents. Craquera pas.

« Fais-le léviter jusqu'à toi », voilà ce qu'il lui a proposé. Elle comprend seulement maintenant la nature du jeu. Ce n'est pas lui contre elle, ça n'a jamais été lui contre elle, c'est elle seule, contre elle-même. Il teste la capacité de résistance, cherche le point de rupture, lorsqu'elle abandonnera tout espoir, le suppliera de mettre fin au cauchemar, lorsqu'il l'aura rendue parfaitement inoffensive. Le sang coule abondamment de la plaie et son instinct l'oblige à découper un morceau de vêtement pour en entourer le bras et l'empêcher de se vider entièrement. « Il va falloir faire mieux que ça » se moque-t-elle en ignorant la proposition indécente qu'il vient de lui faire. Le couteau restera sagement à côté d'elle, elle n'envisage même pas de l'utiliser contre lui, sait qu'il aura calculé chaque coup à l'avance. L'offre est entièrement fausse, aussi s'épargne-t-elle l'humiliation de tenter sa chance.

Jour deux. Il l'a trainée en tirant un bras bleui par les coupures infligées, dont l'une peine à cesser de saigner, insistant sur les entailles pour augmenter la douleur. Reynir a disparu pour de bon cette fois. Il l'a vue sans la voir, l'a transformée en une chose, l'a déshumanisée. Mais Asha n'imagine pas encore jusqu'à quel point le tortionnaire a remplacé l'homme. Les yeux bandés pour l'empêcher d'observer l'extérieur de sa prison, elle l'a suivi sur une distance qu'elle ne parvient pas à estimer, pendant au moins deux longues minutes. Elle le soupçonne de l'avoir faite tourner en rond pour lui faire perdre ses repères. Parce qu'il a été formé, comme elle, à la résistance. A l'Académie, on leur a appris à utiliser tous ses sens pour se repérer, ne jamais se fier seulement à la vue ou à l'ouïe. C'est cet entrainement qu'il utilise contre elle. Naturellement il ne se donne pas la peine de lui dire où ils se rendent. Elle entend le bruit d'une porte que l'on ouvre, et un frisson parcourt son corps. Il la pousse dans une pièce humide, dont l'odeur lui fout la nausée. D'une main, il l'amène jusqu'au mur, le carrelage glace son dos. Il retire brusquement le bandeau, et la violence de la luminosité l'oblige à fermer les yeux. Il lui faut une longue minute pour se réadapter à l'environnement et voir. Reynir lui fait face, le même air affable que la veille gravé sur les lèvres. Elle tourne la tête pour observer la pièce, réalise qu'il s'agit d'une simple salle de bains, privée de tout mobilier à l'exception de douches alignées les unes à côté des autres, comme dans un vestiaire. D'un ton sans appel, il lui ordonne de se déshabiller, et ce qui aurait en temps normal eu une connotation lui paraît étonnement froid, distant. Elle obéit, retire les vêtements tâchés de sang avec lenteur mais conserve les sous-vêtements. Elle a toujours été pudique, et Reynir – le vrai – le sait parfaitement. Il secoue la tête, éclate d'un rire qui lui gèle les entrailles. Tous les vêtements. Elle refuse. Sa main vient à la rencontre du cou frêle et serre avec puissance. Il répète l'ordre, la relâche. Le rouge lui monte aux joues. Elle ne s'est jamais déshabillée devant lui auparavant. Il lui semble que quelque chose entre eux se casse, quelque chose de symbolique dont il n'a sans doute pas conscience. C'est de la pudeur, mais c'est aussi autre chose. De la honte. Mise à nue, dans tous les sens du termes, elle sent le regard de Reynir peser sur elle, mais il n'y a dans ses yeux aucune lueur de désir. Il l'observe comme un scientifique devant un cobaye. Il n'y a pas de retour possible, car il s'attaque à dépecer chaque couche de personnalité. L'Adiutor hier. La Femme aujourd'hui. Personne ne lui avait dit à Koldoveretz que la torture pouvait prendre cette forme. Asha tolère la douleur physique, mais l'humiliation, la dépersonnalisation, est autrement moins tolérable. Craquera pas.

« Tu crois vraiment que je suis assez stupide pour utiliser le couteau contre toi ? » ricane-t-elle, avant de grimacer lorsqu'elle bouge le bras ensanglanté. « Je t'attends sagement demain, dans ce cas. » Elle tente d'être courageuse, plus qu'elle ne l'est vraiment. Il l'effraie, mais elle refuse de lui donner la satisfaction de le montrer pleinement. Elle continue de chercher Rey dans ses mimiques, mais se heurte à l'Autre, le fruit d'un travail de longue haleine de toute évidence. C'est comme si on lui avait ôté l'âme mais gracieusement autorisé à conserver l'esprit. Liet Sydow est homme généreux. Reynir n'apprécie pas la réponse, reste assis face à elle pendant vingt bonnes minutes (ou peut-être sont-ce seulement cinq, mais il est aisé de perdre la notion du temps ici) pour observer sa réaction et finit par perdre patience. Il se lève, et sans un mot quitte la pièce.

Jour sept. La fièvre a fini par l'envahir entièrement. Ses bras ne cicatrisent désormais plus, Reynir a pris un malin plaisir à passer le couteau sur les plaies pour les rouvrir. Il ne cache même plus le plaisir que la vision lui inspire. Elle a le sentiment que plus il s'acharne contre elle, plus il se perd lui-même. S'il la déshumanise jour après jour, il ne semble pas comprendre que c'est aussi lui-même qu'il perd. Les frissons font trembler son corps, réveillent la douleur qu'elle perçoit cette fois pleinement. Son esprit n'est plus apathique, mais est incapable de se défendre. Elle n'a pas dormi plus de deux heures en quatre jours, l'épuisement et la faim commencent à se faire ressentir. Le bourreau possède une précision quasi militaire dans sa façon de l'entailler, elle n'a toujours pas perdu connaissance malgré la quantité de sang perdu. Ca aurait pourtant été bien plus simple pour elle, de fermer son esprit aux attaques incessantes. Elle jette un regard à la plaie infectée. La première entaille. Reynir lui a proposé de la soigner mais elle a refusé, parce qu'il sait que ça aussi ce n'est qu'un jeu pour lui. La soigner, pour mieux recommencer. Elle s'obstine à ne pas vouloir lui donner satisfaction, s'obstine à ne pas se plaindre, ne rien demander, ne surtout pas supplier. Mais les journées n'ont désormais ni début ni fin, elle ne sait plus distinguer le jour de la nuit. Elle a tracé avec son sang des bâtons pour lui redonner un repère temporel mais privée de la moindre fenêtre sur l'extérieur, elle a fini par se perdre et abandonner au cinquième jour. Reynir entre dans la pièce. L'espace d'une seconde, elle croit voir dans son regard quelque chose de différent, une émotion supplémentaire dont il devrait être pourtant dépourvu : de la pitié. Pas celle que l'on éprouve face à plus faible que soi, celle que l'on éprouve par empathie, avec sincérité, celle qui se rapproche de la compassion. Mais l'impression disparaît sitôt qu'il s'agenouille à côté d'elle. Elle retrouve le vide auquel il l'a habituée tandis qu'il inspecte les blessures qu'il a lui-même infligées. Il lui parle, mais n'obtient aucune réponse. Elle n'est même pas certaine que les mots fassent encore sens dans son esprit. Calmement, il l'oblige à se lever, trop rapidement sans doute. Ses jambes la portent à peine, le blanc du mur se teinte de points noirs, entravant sa vue alors que la chaleur se répand avec violence dans sa tête. Elle vacille, incapable de retrouver son équilibre, et heurte le sol brutalement. Le rire de Reynir se répand en écho dans la pièce. Pour la première fois depuis qu'elle est arrivée, elle y songe. Le couteau est toujours là, n'attend qu'un geste de sa part. Asha déglutit péniblement, et sa voix est rauque, brisée, lorsqu'elle laisse échapper les mots qu'il attendait sans doute. Elle n'avait pas parlé depuis le quatrième jour, et le son de sa propre voix à ses oreilles la perturbe. « Pourquoi tu te donnes cette peine ? Tu vois bien qu'il serait plus simple d'en finir. » Ses lèvres tentent d'afficher un sourire, mais il disparaît, englouti par une grimace de douleur. Son corps entier la fait souffrir, depuis ses jambes qui ne supportent plus son poids, à ses bras meurtris, à sa tête enserrée dans un étau. Elle s'oblige à le fixer droit dans les yeux, mais ce qui aurait été un signe de défiance, une provocation, en temps normal n'est rien de plus qu'une supplique à présent. « Fais-le » demande-t-elle enfin. Craquera.
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MessageSujet: Re: still i ache for the way we were. (reynir) still i ache for the way we were. (reynir) EmptyLun 18 Déc 2017 - 11:43

Ses bleus ont un jour été les siens propres, son sang a été son sang. Sa nudité blessée fut la sienne, et l’œil de Reynir posé sur cette construction de chair tout en hauteur pourrait être celui de Liet posé sur lui, fut un temps. Il a oublié que, comme elle, il a frotté d’une main morte sa peau endolorie, son esprit luttant tandis que son corps se laissait aller à l’oubli. Tu oublieras, lui disait-il à demi voix. Les plaies deviendront cicatrices, le sang finira par sécher et s’en aller avec de l’eau. Liet avait-il su déceler dans son regard les prémices de la fin ? L’oubli de lui-même, dans le seul but de parvenir à vivre encore, condition sine qua non, sans quoi les souvenirs l’auraient dévoré pour de bon ? Peut-être. La folie du maitre de la terre se nourrissait du mal qu’il creusait en sa victime. Rey en était incapable. Incapable de réaliser vraiment la douleur qu’il inflige à Asha, il ne réalise pas non plus qu’il pourrait s’en repaitre. Torture inutile, dont tous les bénéfices s’en vont en même temps que des filets sanguinolents dans le siphon de la douche. La souffrance de Rey, qui n’est de toute évidence que souffrance, pure et nue et stupide, devient celle d’Asha. Ses plaies se dessinent sur les siennes, en parfaite mimétique, sa honte devient la sienne et son épuisement, celui qui l’a jadis habité jusqu’à s’installer durablement en lui, s'installe en elle. Elle continue de résister, elle ne vit la torture de Reynir que quelques jours, tandis que Reynir a vécu enfermé ici depuis ses dix-huit ans. Tandis que ses doigts caressent de leur pulpe, là où la peau est la plus fine, les cicatrices nouvellement nées qui ornent les poignets d’Asha, il entend la voix de Liet Sydow contre son oreille, sa joue contre sa joue. Un esprit brillant, n’est-ce pas ? Je n’y toucherai pas, Reynir, je te laisserai toujours ça. Cet esprit brillant. Il avait rogné le corps, pièce après pièce, jusqu’à mâchonner chaque orteil. Tel Cronos dévorant un fils, il avait éliminé l’intégralité de sa volonté de puissance. Il était jaloux. Lui n’était pas « un vert », lui était parti à la recherche d’une victime, insistant sur son bracelet, vert ou orange, avait-il exigé. Ceux dont l’esprit trop vaste et trop adroitement forgé lui faisaient ressentir plus violemment encore sa propre finition, son incapacité. Reynir était incapable de ressentir cette honte de lui-même, ce complexe d’infériorité devant qui que ce soit pouvant sel faire naitre une telle intensité de violences et de cruautés. Il torturait par mimétisme las, par abandon total. La tuer à petit feu était la réalisation d’un nouveau suicide, un pas de plus vers l’oubli définitif.

Jour cinq. Il ne lui donne plus à boire – assez pour la déshydrater et faire grimper sa fièvre, mais quelques gouttes pour la maintenir en vie et consciente de son propre état. Rien n’est pire que l’oubli. Toujours, murmurait Liet, tu devras être conscient de ta situation, de ta peine, de ta douleur. C’est même la seule et unique chose qui doit désormais t’habiter et te concentrer. Et pourtant, tu finiras par le désirer, puis par le faire tien et l'habiter comme il t'habitera. Il part dormir quelques heures, et règle son réveil avec minutie : trois heures. Quatre heures vingt. Aller réveiller Asha et la torturer. Un jour, tu deviendras l'oubli. Quelques fois, le visage de Liet s’est glissé dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre, jamais fermée à clé afin que le maitre puisse y avoir droit d’entrée dès qu’il le désire. Il ne dit jamais rien, se contente de l’observer, l’air satisfait, l’air sournois. Il sait, bien mieux que Reynir, ce qui est en train d’arriver. Il se délecte de cette vision : Reynir s’enfonce. Plus il torture le dernier éclat de joie qui peuple sa vie passée, plus il se perd et devient toujours plus sa chose. La pire partie de lui, matérialisée, vivante, incarnée en la personne de ce qui fut un enfant joyeux et innocent. Presque inconscient de sa capacité immense de destruction. Ça lui donne autant envie de vomir que d’éclater de rire. Mon démon. Mon âme damnée jaillie de moi, faite pour exister et réaliser ma volonté. Jamais il ne s’est senti aussi puissant aussi Créateur. Plus Reynir se hait, et plus Liet s'aime. Des cernes bleuis ont gonflé sous les yeux d’Asha, embués par la fièvre, ses pics mortels de chaleur intense et de froid glacial. Les petits bâtons de sang qu’elle a tracés sur le sol de marbre blanc se sont transformés en une bouillie cramoisie. Il a souri, la première fois qu’il l’a vue compter le temps, et lui a donné une (fausse) date du jour. Il se raccroche à ça : ce qu’elle ignore et pas lui. Ce savoir qui le rend, croit-il, maitre de la situation et pas elle. Il a oublié que lui-même n’est plus maitre de rien, que Liet Sydow et lui seul impose son règne dans chacun de ses gestes, dans l’acte le plus infime qui consiste à se toucher une mèche de cheveux. Il l’a privée de la possibilité d’aller faire ses besoins à l’extérieur. Le pot de fer dans lequel elle peut se soulager déborde, et il contemple, silencieux et souriant tristement, la matière fécale qui vient souiller un peu plus les lieux, et l’âme d’Asha. De la merde et du sang. Quoi que de plus naturel, quoi de plus évident ? Ça ne le dégoûte plus, lui qu’on a forcé à vivre dans ses propres excréments pendant des mois et des mois. L’odeur ne lui soulève plus le cœur. Jour sept. Il marche le long des couloirs menant à sa cellule comme un condamné jusqu’à la potence : la mort semble déjà arrivée, n’existe plus que le chemin jusqu’à elle. Quelques pas brefs et répétés à l’identique, et tout sera accompli, terminé. Le renouveau viendra, mais sans lui. Dieu merci, sans lui. Lorsqu’il ouvre la porte et se glisse à l’intérieur, l’odeur et la vision d’Asha, affalée contre le mur, incapable de se tenir droite, le balayent comme un grand souffle de vent putride ferait tournoyer un tas de feuilles mortes. Elle relève difficilement la tête pour poser sur lui ce regard de plus en plus éteint, cette pupille creusée de l’intérieur dans laquelle se reflètent les parages de voies désertées. Dans une demi seconde électrisante, il voit qu’elle commence à ne plus y croire. Cette désertion de ce qui l’avait toujours habitée jusqu’alors le heurte de plein fouet. Toujours, il y avait eu dans son œil cette détermination farouche à y croire. « Tu n’es pas comme ça, Reynir. Ce n’est pas toi. C’est Lui, pas toi. » Mais cette foi était désormais rongée par la douleur, la honte et la lassitude. La terrible habitude avait commencé à ronger la coque du bateau sur lequel elle voguait jusqu’ici. Ils se regardent un moment et elle redresse péniblement la tête, comme si elle avait décelé quelque chose en lui. Ce qu’elle prendra peut-être pour de la pitié, c’est de la nostalgie. Quelque part, les certitudes qui vivaient Asha et l’avaient faite résister si longtemps à sa torture avaient représenté une raison de continuer à la torturer. Mais si Asha elle-même n’y croyait pas, pas plus que lui ne parvenait à y croire, alors à quoi bon ? FAIS GAFFE. Il prend une longue inspiration, dans laquelle se mêlent les odeurs de merde, de sang métallique, de larmes, de fièvre. Il avance et s’accroupit à quelques centimètres d’elle. Ses doigts s'approchent de son linge, le dernier qui recouvre le bas de son corps et que, par pudeur, elle a refusé de déchirer pour panser ses trop nombreuses plaies. Il est souillé de traces d’excréments qu’elle a tenté vainement d’essuyer. Sans le moindre dégoût, les doigts de Reynir frôlent ce drap, le pincent entre deux morceaux de chair, insensible à sa saleté, le caressent avec une tristesse dont il ne sait plus si elle est feinte ou réelle. La merde d’Asha le souille lui-même, se peint sur ses doigts en même temps que sa rétine tente d’imprimer à la perfection les arabesques qui se dessinent dans celle d’Asha. Il lui parle, répète méthodiquement ce qu’il a entendu et qui est resté gravé en lui à jamais, il ne s’entend pas – il serait incapable de s’entendre, même s'il le voulait. Alternant brutalement entre la douceur et le calme et l’énergie du dynamisme, il la révèle alors, brandissant le bras qui la soutient. La faiblesse d’Asha le renvoie à la sienne et lui fait éclater d’un rire sonore. Mon Dieu. Tu ne vaux pas mieux que moi. J’ai été dans cet état, moi aussi, j’ai vu les mêmes lumières et englouti les mêmes ténèbres. J’ai porté en moi ces soubresauts absurdes de chaleur et de froideur et, comme toi, j’ai feint d’ignorer la douleur et le désespoir, la solitude, pour me baigner dans le fleuve sacré de l’oubli. Il a laissé le couteau tout près, peut-être dans l’espoir sournois qu’elle accepte enfin de s’en servir, mais l’oubli a fait son nid. Il sait qu’elle ne s’en servira pas, que l’idée ne fait que la traverser comme un fantôme passe à travers un miroir. Elle ne le fera pas, parce que Reynir ne l’a pas fait quand bien même tout lui demandait de trouer la peau de Liet Sydow. Parce que la douleur qu’ils ont vécue va bien au-delà de la vengeance. Parce que tuer Liet et tuer Reynir ne réparerait rien, n’offrirait aucune paix. Vidés d’eux-mêmes, ils ne ressentent plus la faim, plus ce besoin d’expier quoi que ce soit. Ainsi la mort de Liet et la mort de Rey est-elle désormais inutile. Plus rien ne compte que l’oubli. Il la supporte, son bras glissé par-dessus son épaule et entourant sa nuque et tout son cou, avec la force et le courage d’un camarade de guerre. Elle s’écroule, mais le poids de Reynir la soutient. Elle tourne la tête vers lui et s’adresse à lui pour la première fois depuis des jours. Elle n’a même pas besoin de le dire : il sait. Il s’entend lui-même murmurer cette supplique à Liet Sydow en train de le soutenir. C’est fou, ce qu’on peut finalement se ressembler dans des moments pareils. Dans son visage il voit ses traits, dans le regard qu’elle lui jette il voit ses yeux. Il pourrait en finir. Il serait bon, il serait meilleur d’en finir. Mais au nom de quoi ? De quelle pitié, de quelle magnanimité pourrait-il accepter de terminer quoi que ce soit ? Ils ne terminent rien. Les choses commencent pour ne jamais finir. La villa Sydow est l’empire des dieux. De l’éternité. Ce que tu prenais pour un paradis n'est en vérité que cela : la dernière ligne, longue et interminable, d'un poème oublié. « Fais-le », supplie-t-elle comme il l’a fait autrefois. Ou toujours. Comme ses yeux à lui le font à chaque seconde, comme il le demande dans un hurlement silencieux à chaque objet sur lequel son regard se pose. Oh, comme il aimerait mourir. Plonger le corps tout entier dans la réalisation de l’oubli d’un temps, la mort en une seconde qui te prend dans ses bras et te berce tendrement, te disant l’éternité est terminée. Plus jamais tu ne vivras comme un dieu, contemplateur de ta propre souffrance, de celle des autres que tu ne sèmes que par devoir intrinsèque, par réalisation de ta pleine et douloureuse éternité. Il la berce contre lui, la secouant délicatement, plie les genoux afin de l’abaisser au sol en même temps que lui sans pour autant la lâcher. Contre l’un de ses genoux, il appuie Asha afin qu’elle y trouve un appui, et, certain qu’elle ne tombe pas, il la lâche pour libérer ses bras et retirer son propre vêtement. Il passe la tête par le trou du tissu et, torse-nu, lui dévoile le haut de son corps. Les cicatrices qui parcourent sa peau sont si nombreuses qu’il ressemble à un homme-parchemin. Des tatouages entiers recouvrent chaque centimètre de peau, depuis les épaules jusqu’au bas du cou, le long du poitrail et du ventre, barrant son nombril de toutes parts, descendant jusqu’au plus bas que le permet la vision de sa nudité. Certaines sont si profondes que la cicatrice est en relief d’au moins deux centimètres, blanche et gonflée comme une énorme veine. Avec douceur, il dépose son vêtement sur Asha, contre sa poitrine qui a perdu trop de son tissu alors qu’elle a déchiré ses vêtements pour les enrouler autour de ses bras. Il la borde comme on borde un petit enfant, l’entoure de son linge comme on apprête un mort à réaliser son dernier voyage. — Tu as déjà compris, n’est-ce pas ? Il murmure sans cesser son ouvrage. — On ne donne pas la mort, ici. On ne permet que l’oubli. De soi, du reste du monde. Du temps. De sa propre vie. — Ton désir d’en finir passera, Asha. Fais-moi confiance. Bientôt, tu verras comme moi… Il a un sourire doux, absent. Abandonné. — ... ce qui arrive après la mort. Sa main s’abaisse au sol pour saisir le couteau et, Asha toujours contre sa cuisse repliée, il approche la lame de son visage. Elle ne frémit pas, n’a pas peur tant elle espère encore sans y croire qu’il le fasse. Les doigts de Reynir attrapent, avec énormément de douceur et d’appréhension, une mèche de ses cheveux noirs. La main tenant le couteau s’avance et, d’un mouvement brutal, dénué de toute attention, il tranche. La mèche de cheveux se détache du reste dans un craquement inhumain, le filament noir tombe à terre comme l’aile d’un oiseau arrachée. — Chut, chuchote-t-il contre Asha qu’il continue de bercer, — chut, chante-t-il à voix basse comme une mère à un enfant qu’elle tente d’endormir tandis que ses doigts s’emparent d’une nouvelle mèche de cheveux, et que l’autre main la tranche avec la même violence déterminée, simple et brute. A nouveau, des filaments épais et noirs s’effondrent contre le sol. — Tu oublieras. Sa voix ressemble au crépitement d’un feu sur le point de s’éteindre. Sa voix n’est plus autre chose que cela : le début de la cendre. — Tu oublieras tout ça. En même temps que tu oublieras qui tu es, ce que tu as été, en même temps que tu accepteras de m’oublier moi.
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