Ce matin, la lettre avait quitté le palais afin d’être acheminée jusqu’à Eartenara le plus vite possible. Cal n’était pas naïf, il se doutait que sa proposition allait probablement essuyer un refus, mais il se devait d’essayer. Ainsi, on ne pourrait lui reprocher de ne pas avoir essayé d’éviter cette guerre. La décision ne lui appartenait plus désormais, alors qu’il avait formulé ses propositions au roi auto-proclamé de la nation de la terre. Son fils, qu’il détenait dans les cachots depuis un mois désormais, sa belle-fille, qui était précieusement gardée dans le palais, les enfants eartenariens, qu’ils avaient pris comme otages à l’académie. Tout ça, en échange de sa capitulation. Peut-être qu’un autre aurait pu réfléchir à cette proposition, mais Thomas Griffith était un homme ambitieux, qui ne se laisserait pas détourner de son but par de tels sentiments. Désormais, Cal avait l’intention d’informer l’une des principaux intéressés de cet échange. Hissa avait été enfermée dans ses appartements dès l’annonce de l’indépendance d’Eartenara. Laissée derrière par sa propre famille, l’empereur l’avait fait arrêter afin de la garder dans le palais comme moyen de pression. Cependant, la jeune femme n’avait rien fait, si ce n’est appartenir au mauvais camp, à la mauvaise famille. Du moins, elle n’avait rien fait pour l’instant, et c’était bien pour cette raison que Cal la gardait sous haute surveillance. Il se méfiait de la jeune femme, qu’il soupçonnait de soutenir sa famille d’adoption plus qu’elle ne le laissait paraître. Elle avait cependant tout intérêt à cacher cette appartenance pour le moment, alors qu’elle était à la merci de l’Empire, cloîtrée entre les murs dorés du palais. L’Oshun se rendait vers les appartements assignés à la Griffith. Un confort qu’il lui permettait de garder pour l’instant, se montrant ainsi un hôte généreux, une image qui se voulait volontairement plus colorée que le portrait qu’on souhaitait dépeindre de lui. Plusieurs gardes étaient postés devant la porte, afin de s’assurer que personne ne puisse entrer sans l’autorisation de l’empereur. L’un des gardes lui ouvrit la porte, et un esclave annonça son arrivée à la jeune femme. Cette dernière était assise sur un fauteuil. Son regard glissa jusqu’au blond, elle ferma le livre qu’elle était en train de lire, le posa lentement sur la table à côté d’elle et se leva afin de saluer l’Oshun. « Je me permets de venir te rendre visite pour te parler d’un sujet qui t’intéresse très certainement. » Il semblait désormais avoir capté l’attention d’Hissa. Cette dernière avait posé sur lui son regard. Elle semblait attendre qu’il poursuive ce qu’il avait à lui dire. « J’ai envoyé une proposition à Thomas Griffith aujourd’hui. Adonis, toi, les enfants de votre nation, contre sa capitulation. » Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Il observait la jeune femme de son regard perçant, lui faisant comprendre sans même avoir besoin de mots qu’il ne croyait pas vraiment à cette proposition. Cal était certain qu’elle n’y croirait certainement pas plus que lui, mais peu importe. Il avait fait un pas en avant, au Griffith de saisir la proposition qui s’offrait à lui désormais.

Un pantin. Voilà ce que tu étais devenue dans cette guerre froide. Invitée pour le mariage du prince, tu étais apparue au bras de ton mari avec la motivation cachée d'aider à libérer Adonis. Tes pensées se tournaient à nouveau vers le maître de terre, assis dans le fond de son cachot, amaigri, les traits tirés par la fatigue, les yeux légèrement assombris. Pourtant, tout avait pris un autre tournant lorsque l'on avait appris l'assassinat de l'impératrice. La sorcière avait été tué, on l'avait retrouvé le corps couvert de son propre sang. Une image dont beaucoup avait rêvé, un geste que beaucoup avait rêvé d'effectuer. Son dernier souffle avait été poussé et Aksana était retournée. Thomas Griffith s'était autoproclamé roi d'Eartarena et tu pouvais déjà sentir ton corps bouillir. Son ambition t'avait valu cette place d'otage, et tu doutais de son envie de te venir en aide. Si Thomas était devenu, au fil des années, la figure paternelle dont tu avais espéré beaucoup enfant, tu connaissais son envie de reprendre Eartanera, de reprendre le pouvoir de ses terres. Le regard plongé dans un livre, tu relisais la même page depuis cinq bonnes minutes sans réussir à trouver la concentration nécessaire pour avancer. Loin de l'humidité des cachots, tu ne te sentais pourtant pas plus à l'aise qu'une vulgaire prisonnière. L'esclave de l'autre côté de la pièce attendait un ordre quelconque de ta part et les gardes derrière la porte s'assuraient que tu ne mettes pas un pied en dehors de ta cellule dorée, ou que quelqu'un tente de te rendre une visite imprévue. Tes doigts vinrent se perdre dans ta chevelure d'ébène tandis qu'un soupir s'échappait de tes lippes plissées. Quand soudain, l'esclave s'approcha de toi pour te prévenir de l'arrivée du nouvel empereur avant que la porte ne s'ouvre sur la nouvelle couronne. Sans attendre, tu posas l'ouvrage sur la table et te tournas pour faire face à l'Oshun. Une petite révérence et tu te redressais pour planter tes perles émeraudes dans son regard brûlant. Combien de fois avais-tu failli t'y perdre, combien de fois avais-tu failli succomber. A quelques mètres l'un de l'autre, tu pouvais déjà sentir la chaleur de ses membres puissants. Il avait de la prestance Cal, il pouvait charmer une assemblée d'un simple sourire, d'un simple jeu de regard. Et tu ne pouvais t'empêcher de penser à Adonis, qui s'était laissé brûlé. Peu encline à avoir une discussion avec lui, il attira pourtant ton attention en supposant devoir te parler de quelque chose qui pourrait t'intéresser. Tu restais droite, le visage froid. Quand enfin, il cracha le morceau. Une proposition. Eux contre sa capitulation. Des âmes contre le pouvoir. Toute personne connaissant un tant soit peu Thomas Griffith savait quelle serait sa réponse. Toi inclus. Malgré ta dévotion à garder tes pensées pour  toi, tu posas ta main sur le dossier du fauteuil où tu étais installée une minute plus tôt et soupiras. « Tu as conscience que me garder captive ne te servira à rien Cal. » dis-tu, le ton neutre, la voix trahie par une pointe de lassitude. Non, tu n'étais qu'un pion inutile dans cette bataille entre deux hommes ambitieux. « Thomas ne se laissera pas charmer par une telle proposition. Ça serait comme vouloir retirer son jouet à un jeune enfant. » annonças-tu en tournant les yeux vers l'empereur. Vous vous connaissiez depuis longtemps, tu l'avais vu devenir l'homme qu'il était aujourd'hui. Et bien que vos avis divergent sur bien des sujets, tu n'avais jamais caché ton semblant d'amitié envers le maître de feu.