Andrei,

J’ai longtemps hésité avant de t’écrire cette lettre, mais le temps passé et cela fait maintenant plusieurs mois que nous n’avons plus échangé. Il y a encore quelques semaines, je ne voulais plus entendre parler de toi. Le meurtre d’Isaiah est encore une plaie béante. Toi mieux que quiconque sait à quel point il a été difficile de faire mon deuil. Je sais aussi qu’il te sera difficile de faire celui de ton père. J’aurais aimé que les choses soient différentes, mais je crains que ni toi ni moi n’avions d’emprise sur la situation. Ce que j’ai tardivement compris.

Je t’en ai voulu, Andrei. J’étais persuadé que tu savais, que tu aurais pu empêcher ça. Je n’ai pas besoin de te dire quelle a été ma réaction, quelles ont été mes pensées. Tu me connais peut-être mieux que mes frères, peut-être mieux qu’Isaak. Nos sœurs se sont arrangées, mais j’aurais aimé pouvoir échanger avec toi.

Nous sommes désormais ennemis aux yeux de l’empire et de ceux de mon père, mais au fond j’espère que notre amitié ne s’achèvera pas comme ça, aussi abruptement que le coma dans lequel tu as été plongé pendant des semaines.

Des choses se sont passées pendant que tu étais entre la vie et la mort. J’aurais voulu te le dire de vive voix, mais je ne peux pas garder ça pour moi plus longtemps. Lorsque j’étais enfermé à Launondie, Wanda est venue me voir. Un peu avant mon incarcération, nous avons cédé aux plaisirs de la chaire, et Wanda est tombée enceinte. Si cette dernière année avait été différente, j’aurais été plus que ravi d’avoir cet enfant avec elle, tout bâtard qu’il soit. D’être avec toi, avec vous pour partager ce moment de nos vies. Et maintenant que reste-t-il de nous ? Wanda est à Launondie, fidèle à son frère. Toi tu es à Volastar, fidèle à ta sœur, et je suis à Greenstall, ou peut importe où les Sept le voudront tant que ce soit sur mes terres.

J’espère pouvoir te revoir, et que ce soit ailleurs que de part et d’autre d’un champ de bataille.

Adonis

Adonis,

Nous avons tous les deux perdus un être qui nous est chers de la main de la famille de l’autre. Isaiah et mon père sont cruellement absents de nos horizons, et je sais que toi comme moi souffrons cruellement de leurs morts assassinats.

J’étais, dans cette situation, aussi innocent que tu l’es dans la mort de mon père. Pourtant, si une partie de moi pleure nos jeux d’enfants, il est temps de tirer un trait sur notre passé. Nous ne sommes que des pantins dans ce grand jeu, et je ne peux m’empêcher d’en vouloir à ta famille entière - toi y compris. C’est plus qu’un père que vous m’avez arraché, c’est une mère également, un régent et la joie qui habitait nos deux cœurs d’enfants célestes. J’ai frôlé la mort, et c’est finalement lui qui est tombé. Au nom de notre amitié passée, je pensais avoir l’opportunité de revoir ce père qui m’est si cher - mais même ce dernier au revoir, ta famille me l’a refusé.

Je vois que tous deux vous n’avez pas perdu de temps. Wanda étant la première femme à qui céda mon cœur, elle m’est terriblement chère. Mais une nouvelle fois, les Griffith s’approprient tout comme s’ils possédaient le monde. Vivez votre romance interdite. Enfantez autant que vous le souhaiterez. Il semble que vous soyez faits l’un pour l’autre, perfides amis amants.

Nous voilà princes de nations ennemies. Cette correspondance seule suffirait à nous faire accuser tous deux de félonie. Mais, après tout, c’est pour cela qui tu es recherché - cherches-tu à m’entrainer dans ta chute ?

Cherche à me revoir, mais ne m’embarque pas dans tes folies. Je tiens à ma vie, moi qui en ait été privé durant tant de semaines.

Peut-être vaut-il mieux que tout ceci cesse,

Andrei,

Je ne te savais pas si enclin à tirer un trait sur ce qui nous a lié pendant plus de vingt ans. Devrais-je réellement être surpris, sachant quels ont été les actes de ta famille envers la mienne? Non, probablement pas. Pourtant je ne peux m'empêcher de l'être. Et malgré tout, je ne peux me résigner à suivre ton exemple et à t'oublier aussi facilement que si tu ne représentais pas tout un pan de ma vie.

Je n'écrirai pas pour défendre mon père. Je n'entretiens plus avec Thomas une relation similaire à celle qui te liait à ton père. Dois-je te rappeler quelle position était la mienne quand l'épée de mon père s'est abattu sur la nuque du tien ? Blâme moi si l'envie t'en prends, mais Thomas m'a condamné aussi sûrement qu'il a condamné Oleg, la seule différence fut qu'il avait plus de contrôle sur la situation de ton défunt paternel.

Epargne moi ta jalousie mal placée, Andrei. Tu n'es pas plus amoureux de Wanda que je le suis. La princesse n'est ni tienne, ni mienne. Je tenais à être celui qui t'apprendrais la nouvelle, plutôt que de laisser quelque espion ou domestique te le souffler à l'oreille. Cet enfant naîtra au sein de l'empire, et donc loin d'un père. As-tu aussi renoncé à Wanda, que tu ne désires pas même être à ses côtés alors qu'elle porte le bâtard d'un condamné ? Les Oshun n'apprécieront pas, et c'est précisément pour ça que mon père va s'empresser de faire circuler l'information à Flamaerin et ce jusqu'aux oreilles de Cal.

C'est mon père qui a déterré la couronne de granit, et qui a déclaré Eartanera indépendante. La nature de ma relation avec mon géniteur m'oblige à tracer ma propre voie. Je n'ai jamais voulu cette guerre. L'ordre doit absolument être rétablit, afin qu'Aksana puisse guérir de ses plaies, enfin. Malgré tout ce qui nous sépare actuellement, je sais aussi ce qui nous rapproche. La paix n'est pas une utopie.

Et c'est tous ceux d'entre nous qui désirent que cette folie cesse qui doivent se réunir et trouver une solution. Toi, donc. D'autres, peut-être, mais toi d'abord.

Je te demande d'accepter de me rencontrer entre la frontière entre nos deux nations. Je ne veux pas ta chute, Andrei, je veux celle de mon père.

Malgré tout... sois prudent, Andrei.

Adonis

Adonis,

Peut-être as-tu raison, je me souviens alors que cela pouvait t’arriver de temps à autres, et cela vaut-il mieux que nous nous rencontrions, malgré le danger que nous pourrons encourir.

Nomme la date et l’endroit, et je serai ton humble serviteur. Je n’ai qu’une seule condition : viens seul, et ne préviens personne de cette rencontre - pas même ton adiutor. Je ferai de même. Personne ne doit savoir, ou je ne donne pas cher de nos deux têtes.

J’attendrai,

Andrei,

Retrouve moi le 20 octobre au poste de frontière entre Seedtriun et Blowzetar. Je sais qu'il y a un poste non gardé à cause d'un éboulement provoqué par la grande guerre, du côté Eartanarien. Mon père sait que les vôtres ne sont pas capables de déplacer les pierres aussi facilement que nous, il a donc jugé inutile d'y poster des hommes. Je te joins l'emplacement exact sur une carte.

Je viendrai seul.

Adonis