Elle ne parvenait pas à la trouver. S’enjoignant au calme, sachant qu’il ne servait à rien de s’inquiéter inutilement, Aelin doubla cependant le pas. L’inconvénient de vivre au palais était sa taille, rendant difficile par moments la localisation de Saeko. Et, la jeune demoiselle le savait pertinemment, elle n’était pas en forme. Et s’inquiéter n’était pas bon pour le bébé. Il était donc hors de question de la laisser broyer du noir dans son coin. Dans une de ses mains se trouvait une assiette de pâtisseries (pour lesquelles elle avait ENCORE servi de cobaye, et évidemment pas une once d’épices à l’horizon), et dans l’autre un plateau avec une théière et deux tasses. Assez risqué ? Pas quand vous vous appelez Aelin. Très légère, comme dansant, elle avalait les couloirs sans faiblir, sans s’arrêter et sans hésiter. Virevoltant, elle croisait des domestiques, quelques nobles, un sourire aux lèvres. Sourire factice. Elle faisait ce qu’elle pouvait, mais elle s’inquiétait également. Les esprits autour d’elle étaient tourmentés, ses rêves se changeaient en cauchemars et même si toute son énergie était déployée à contrer tous ces instincts, le doute s’insinuait, comme un épais brouillard menaçant de l’aveugler. Mais il fallait donner le change, ne serait-ce que pour Saeko. C’était plus facile, parfois, de vivre sa vie entièrement par procuration, de se dévouer entièrement au bien-être d’une personne en vous oubliant au passage. Et personne ne l’entendait se plaindre.

Saeko n’était pas dans les jardins, elle n’était pas non plus dans sa chambre, pas de chance à la bibliothèque … il ne lui restait plus beaucoup d’options. Mais il lui semblait savoir où la trouver en fin de compte. En passant dans la chambre de son amie, elle n’avait fait que passer une tête rapidement, et de même dans la chambre du futur bébé. Et quelque chose lui disait qu’elle aurait dû s’attarder un peu dessus. Cela lui avait au moins permis de récolter de quoi réconforter la jeune femme par le biais de son estomac, ce qui n’était pas négligeable. Et elle se sentait disposée à la gaver de ses mains si elle refusait de se nourrir. Mais elle ne le ferait pas, Saeko, elle finirait par se nourrir, ne serait-ce que pour la vie qui croissait doucement en elle. Et elle n’aurait qu’à lui faire une petite moue mignonne pour l’attendrir. Enfin, ou pas. Après tout, s’il y avait bien quelqu’un qui savait quelle femme se cachait derrière la bouille d’enfant d’Aelin, c’était bien Saeko. Et en parlant du loup …

Elle était retournée sur ses pas et avait fini par la trouver. La porte-fenêtre de la chambre du bébé était ouverte sur le balcon, faisant voleter les rideaux délicats l’encadrant. Ralentissant, elle prit pied sur l’espace extérieur un sourire enjoué aux lèvres : Le goûter est servi. Son amie se trouvait sur une balancelle, faisant face à une petite table basse sur laquelle elle déposa son butin. Ceci est une infusion calmante qu’on m’a conseillée. Je ne sais pas ce qu’elle vaut, mais elle sent divinement bon, annonça-t-elle en faisant le service. Marquant un temps d’arrêt devant l’absence de réaction de son amie, elle passa sa main libre devant ses yeux, très gentiment, murmurant, inquiète sans vouloir le montrer : La Terre pour Saeko ? Tu es là, ma puce ? Qu’elle aille mieux que ce qu’elle pensait, par pitié, que cela aille …