La rage se meurt à ses lèvres, pernicieuses et volatile. Elle bat à ses tempes et cogne à sa hargne comme l’océan s’écrase violemment contre les falaises d’Aguarinui ou à certains endroits de l’île. Les fêlons. Ces odieux sournois qui osent attaquer de nuit.
Une vengeance pour les Sorensen ont-ils murmurés, chose qu’il est prête à croire, quand bien même il les pensait mieux rôdés et prêts à attaquer de front et non de dos. Il n’y a pas pire traitrise et honte que de s’en prendre à l’ennemi
par derrière et c’est là tout ce qu’il s’est passé ce soir aux yeux de Pollux. La rage fumante qui lui broie les entrailles n’est pas en train de redescendre, surtout pas lorsque les prunelles toisent le capharnaüm évident qui règne sur le campement. Le grondement funeste qui s’échappe du fond de la gorge du leader en dit long sur son éminente contrariété. Comment diable ont-ils pu se faire avoir de la sorte par une si petite escouade ? Escouade mise à mal à l’exception d’un et d’un seul qui demeure encore en vie et dont la main jusqu’à lors fermée du lambda s’élève dans les airs avec la vitesse d’un coup de tonnerre, sommant le silence. Qu’ils l’emmènent, Anders l’interrogerait plus tard et il saurait s’en occuper personnellement. «
Il faut qu’on éteigne les flammes persistantes au plus vite ». Ordre qui fuse d’un voix lourde et grave, de celle qui ne plaisante pas.
La poussière sableuse est venue se mêler au sang et à ses cheveux. Le liquide carmin n’est pas le sien mais Pollux s’est battu avec violence à la force de ses poings. C’est presque tête baissée qu’il s’avance jusqu’à son repère boisé pour s’arrêter net à la vision de surprise qui s’offre à lui.
Rhaena. Il lui avait demandé de venir lorsqu’elle en aurait l’occasion, et à en juger par la jambe saignante et la flèche encore enfoncée, elle a choisi le mauvais moment pour une petite visite de courtoisie.
T'aurais pas des pansements là-dedans ? Il ne se vexe pas, le rouquin, de ne pas être salué, de toute évidence il n’est clairement pas d’humeur pour ça. En silence et lèvres pincées il monte les quelques marches et rouvre la porte fermée à clefs. Là il pousse le bois pour sommer à la jeune femme de pénétrer à l’intérieur autant que faire se peut, son regard azuré n’ayant pas manqué de toiser l’état dans lequel sa jambe se trouve. Sans plus de cérémonie, il rompt le silence par le claquement de porte tonitruant qui résonne derrière eux et file déjà dans la seule seconde pièce dont il dispose pour aller trouver le nécessaire. «
Mets-toi assise. ». Pollux désigne une des chaises présentes autour d’une immense table où certaines cartes sont encore enroulées dessus et non dépliées. Il n’est pas assez fou au point de laisser ses plans stratégiques à la vue de tous. Ainsi enroulées elles ne sont rien de plus que des cartes insignifiantes ou tout au plus
touristiques. Depuis l’intérieur de l’autre pièce, il prononce d’une voix monotone et encore crispée de ses dents serrées : «
Je suis désolé que tu sois arrivée au mauvais moment Rhaena. ». Il l’était, sincèrement, au-delà de l’agacement ressenti. Il haïssait ces impétueux de première et la colère n’en descendrait pas avant un trop long moment. Force est de constater qu’il devrait se rendre dans les terres dans les jours qui viennent afin de faire un tour d’horizon, ainsi que renforcer la garde du campement. Si une escouade était parvenue à s’infiltrer en traître, il faudrait remédier à ce détail et renforcer la sécurité. Oui, sans doute le leader de sa propre armée s’est-il un peu trop reposé sur ses lauriers en pensant Stratos imprenable, et l’acte isolé de ces fumiers venait de le lui prouver.
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Anders revient dans la partie
salon avec le nécessaire qu’il pose sur la grande table. «
Il va falloir que je retire le morceau de flèche restant, tu vas devoir serrer les dents. » qu’il lui intime en attrapant linge imbibé d’eau dans un premier temps. Linge frais qu’il vient placer contre le tissu pour l’humidifier et que la fraîcheur tente de la distraire un tantinet de la douleur. Ca ne l’enlèverait toutefois pas. «
Une… Deux… ». Il tire d’un coup sec et profite de la surprise pour compresser le linge sur la plaie, sang tâchant de rouge le tissu. Il appuie avec force en attrapant ensuite la bouteille d’alcool. Anders ne fait pas dans la dentelle, il ne l’a jamais fait et ne commencerait pas aujourd’hui. «
Tu préfères fils ou cautérisation ? ». Il n’y a guère que sur cette option qu’il lui laisse le choix, accroupi devant elle pour mieux avoir de vision sur la plaie ouverte…