Rumeurs incandescentes qui se glisse dans son crâne telle qu’une mesure bigarrée. Alors qu’elle laisse ses semelles râper sur le plancher grinçant de ce vieux château. Divine déraison. A l’envie irrépressible de rejoindre son roi. Féal de cette couronne oubliée. Droite, élégante. L’aristocratie qui engoue son sang, elle côtoyait les plus hauts avec cet espoir qui rampe jusqu’à son échine de tuer celle qui attise l’horreur. Le pas résolu, elle parvient jusqu’aux fidèles dans cette salle disposée à cette effigie. Rendez-vous habituelle, utile à la manigance. Les prunelles qui chatouillent l’assemblée. Jusqu’à dériver à cette silhouette familière. Un goût d’antan déposé le long des papilles, noie la langue sous ses effluves douces amers.  Comme un semblant d’amertume qui immole la langue, qui parfume l’air trop intoxiqué confiné entre les quatre murs de la pièce. Ce sont les souvenirs, les réminiscences, et les balafres qui deviennent vives et carmines le long d’un épiderme que l’on pensait cicatrisé depuis bien longtemps. Plaies qui deviennent béantes sous le joug impérial du regard qu’elle confronte. Des respirations essoufflées qui s’échouent contre ses propres lèvres, les inhalations qui perturbent son palpitant troublé par sa présence. Elle se sent éraflée, au milieu de l’entassement grouillant de silhouettes moites. Les âmes nocives et sombres qui s’entrechoquent. Et leur bruit qui balafre les tympans. Elle ne fait qu’observer, de ses prunelles vidées et béantes. Le corps engourdi, ces fourmillements ignobles qui crispent tout l’épiderme. Le creux dans la cage thoracique génère cette rancœur oublié. Pour celui qui devenu un cimetière grotesque. Exilé en tournant les talons sur cette vie de poussières dorées à s’en écorcher la cornée. Bêtises traitresses. Responsabilité vive dans cette démesure exploitée. Une liberté agréable dont on s’habitue. Un rôle exquis dont on ne voudrait se séparer. Or sa présence, son retour, venait une nouvelle fois faner ses aspirations. Elle s’avance. Le désir brûlant de croire à une illusion. « kaz. » mots crachés abjectement. Et pourtant, le vide s’emplit d’une nuée agréable. « Tu es revenue ? »  Question falsifiée. La vérité la confrontait. De chair et d’os, il n’était pas poussières que le vent aurait pu emporter. Une réalité qui asphyxiait des ambitions royales. Parce qu’elle tomberait dans ce jeu d’ombre. Tandis que ces désirs fussent d’être l’unique archange qui dans sa traîne laisse la lumière. Délicieuse acrimonie qui perturbe son équilibre. Alors qu’elle voit sa liberté s’envolée. Une nouvelle fois.    

Le virus avait rendu l’impétueux maître de la terre terriblement malade. Affaibli. Et puis, il avait cru que les choses s’arrangeaient. Revenaient à la normale. Jusqu’à découvrir quelque chose de nouveau, à l’intérieur de sa propre personne. Comme un vide, un gouffre béant, qu’il avait désespérément tenté de combler. Sans succès. C’était comme si une part de lui-même s’était envolée, avait tout bonnement disparu. Et puis, les rumeurs étaient parvenues jusqu’à lui. Et plus tard, la terrible certitude. Le lien entre maître et adiutor avait tout bonnement été rompu. Et c’était ça, que le Ravenscar ressentait au plus profond de lui. Le manque d’Evodia. La disparition de cette attache qu’il avait maudit des milliards de fois. Triste paradoxe. Risible ironie. Il n’avait pas revu l’ingérable brune, depuis tout ce temps. L’avait soigneusement évitée, en réalité. La Mormont ne lui manquait aucunement. Ils n’avaient jamais été proches. N’étaient même pas amis. De simples connaissances qui, par une certaine fatalité, avait vu leurs destins liés. Elle était suffisante, bravache et volontaire. Il était hautain, séducteur et dévoyé. Rien ne les destinait à bien s’entendre et chacun avait suivi sa propre pente, ses propres envies, son propre chemin. Le sauvage ne s’était jamais inquiété, ni soucié, de la sculpturale brune. Mais depuis que chacun était libre, l’existence débarrassée de l’autre, Kaz s’était surpris à chercher son visage mutin parmi la foule des partisans d’Adonis Griffith. S’était surpris à guetter sa silhouette lors des rassemblements. Le maître de la terre venait à peine de descendre de sa monture alezane, lorsqu’il entendit une voix familière s’élever derrière lui : « Kaz. » Rapidement, ses réflexes affutés de guerrier se mirent en place et il fit volte-face, prêt à sauter au cou de celle qui s’était adressée à lui. « Tu es revenu ? » Petit rictus sarcastique qui étira ses lèvres rosées alors qu’il reconnaissait son interlocutrice. Justement celle qu’il ne désirait pas réellement revoir mais qu’il ne pouvait s’empêcher de chercher, partout où il passait. « Tu te languissais de moi, c’est ça ? » Masque jovial pour dissimuler ses véritables sentiments. Ce qui constituait réellement sa personnalité. Mais, en réalité, Kaz se mentait à lui-même. Roi du mensonge. « Après tout, je peux le comprendre. Ne suis-pas la plus belle créature d’Aksana ? » Etrangement, retrouver Evodia lui donnait l’impression d’être enfin … complet. Ce qu’il n’arrivait à assimiler. Peut-être lui avait-elle manqué, finalement. Même si jamais, ô grand jamais, il ne le lui avouerait.