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Spoiler:

Memory is another name for ghosts and their awful hunger.
Ils l’ont trouvé un matin. Ou peut-être était-ce le soir. Voguant au désespoir, l’enfant avançait sans destination, pressant sa carcasse fatiguée vers l’avant de peur de sombrer en cet océan de sable. Le firmament était ébranlé par les étoiles le déchirant, leurs lumières mortes bénissant ces terres livides de leurs rayons opalins. Il faisait froid et, dans une douce ironie, le gamin ne savait plus qui de lui ou du ciel guidait l’autre. Sur son dos, rien de plus que des haillons lacérés, le visage recouvert de suie, l’enfant avait trop vu. Trop vu pour une vie qui venait à peine de commencer. En son dos, à bien des kilomètres de là, les ruines de son foyer s’affaissaient sur leurs fondations, les cendres s’élevant alors que les restes consumés de ses parents s’éteignaient. Lui, il marchait. Il avait marché de longues heures durant, sans savoir où aller. Marché vers l’avant de crainte de se retourner. De crainte de voir sa mère fauchée par la lame, les flammes dévorant la maison alors que les larmes dévaleraient les falaises de ses joues. La nuit était devenue jour et, cédant du terrain à un soleil intraitable, il s’était évanoui avant que le jour ne devienne nuit. Reprenant sa marche, dévot accomplissant un pèlerinage de foi, il n’avait pas de mot pour prier les Septs censés le guider. Rien de plus qu’une babiole pendue à son cou, le gamin s’agrippait à ses souvenirs alors que le désert se faisait omniprésent. Le ciel était en feu, la terre était de glace. Souffrant la chaleur, souffrant le froid, l’enfant ne savait plus qui de lui ou du monde avançait. Atlas de bien piètre qualité, le gamin trainait ses haillons fatigués, la faim lui rongeant les entrailles alors que ses lèvres desséchées n’avaient plus la force d’invoquer une averse qui ne viendrait pas.
Ils l’ont trouvé un matin. Ou peut-être était-ce le soir. Voguant au désespoir, l’enfant s’était échoué aux abords de leur camp, les prunelles livides, la peau bien trop pâle, il était délirant. D’un regard jeté à sa tenue, les marchands soupesèrent le gamin avalé par le désert et recraché par ce dernier. L’amenant à une de leurs tentes, ils l’aidèrent à s’abreuver avant de le laisser se reposer. Le prenant dans leurs bagages, un gamin parmi d’autres qu’ils menaient de marché en marché, ils se souciaient bien peu de son âge ou de ses origines. Toutefois, quand ils cherchèrent à s’adresser à lui, quémandant des informations de celui qu’il prenait pour un lambda ayant fui sa famille, il conserva le silence. Triste mutique n’ayant pas la forcé de former des mots, quand le plus âgé chercha à lui arracher son médaillon, le gamin lui mordit la main jusqu’au sang. Les lippes imbibées de carmin, il dévoila fièrement ses crocs alors que les coups pleuvaient.


Il avait été mené du pays du feu à la terre de l’eau, trainé de la cale d’un bateau à ces roulottes où on entasse les corps. Exposé comme un morceau d’étoffe, il avait été palpé, pesé, jaugé sur sa carrure. On lui avait demandé de montrer les dents, produire le moindre bruit, mais le gamin était muet, pour toute voix le vide qui l’habitait. Puis il y avait eu son maître, grand gaillard peu affable jaugeant ces enfants comme des brebis qu’il mènera à l’abattoir en temps voulu. Son rire était froid, ses yeux peu sincères, alors qu’on lui annonçait que Bo était incapable de faire un bruit. Sans rien ajouter, il l’avait emmené avec lui, préférant du silence la compagnie que les lamentations de ces enfants en bas âge. Avec le temps, oubliant tout ce qui précédait, le gamin avait fini par faire un foyer de ces roulottes et de leurs habitants. Croissant malgré l’averse, il lui arrivait de contempler les étoiles depuis sa couche, l’animal endormi à ses côtés inconscients des songes le traversant.
Portant sa main droite à sa gorge, l’empoignant avant de la libérer alors que ses lèvres formaient les mots qu’il ne savait comment prononcer. « I know you’re thirsty Bo, I am too. But we’re almost done here. » Un sourire fatigué étirait les lèvres du lambda déjà frappé par l’âge. Le dos vouté comme le monde, ses mains peinaient à s’accrocher à ses outils alors que le gamin déplaçait le foin tant bien que mal malgré sa carrure encore bien frêle. Agitant ses mains fiévreusement, les traits crispés par la frustration, l’enfant pointait son poitrail du doigt en mimant les mots sous les yeux étonnés de son ainé. « I’m old kiddo, you’re going to need to say it out loud for me if you want me to understand. » Le sourire de l’homme fana alors qu’il contemplait l’enfant destiné à une vie de labeur, pas même une voix pour l’épargner de tous les maux lui étant destiné. « Milan… » Sa main répliquant le même signe à l’infini, l’enfant arriva à cracher un glapissement secoué alors que l’homme le contemplait sans comprendre. « Come again ? » S’exécutant sans rien demander, le gamin pointa une nouvelle fois son poitrail, invoquant le souvenir de ces nuits passées à contempler la babiole à son coup et les lettres gravées sur celle-ci. Ces lettres qui le ramenaient à une époque révolue, une époque dont le souvenir lui était interdit et qui pourtant éveillait en lui des émotions qu’il n’aurait su verbaliser. « Milan… Ravka. » A l’instar d’une formule magique, de ces désirs informulés qui prenaient toute leur ampleur une fois prononcée, l’enfant pouvait sentir le poids reposant sur son thorax s’alléger alors que ces vérités le quittaient finalement. Défait de ce secret, cette réalité ayant existé en ces bronches depuis que son futur avait été sacrifié, Bo se sentait perdu. Était-ce seulement encore vrai ? Était-il toujours ce gamin perdu à la faveur du désert, recraché par ces landes arides quand tout tendait à prouver qu’il aurait dû ne pas en réchapper ? Et quand bien même cela fut le cas, quand bien même ces mots furent son nom et pas celui d’un étranger à qui avaient appartenu ces babioles, qu’est-ce que ça changeait au final si ce n’était rien.  « Well, no one is going to believe that kiddo. » Dans le fond, lui non plus n’y croyait pas.

I was as hollow and empty as the spaces between the stars.
Une fine pellicule de sueur recouvrait la peau basanée de Kaveh, l’ébène de sa crinière portant la nuit incapable de le protéger des rayons intraitables d’un astre jalousant sa beauté. Une main posée sur l’encolure du poulain, le Ravka se perdait dans la contemplation de l’adolescent en plein exercice avec son destrier. Il avait plein les prunelles une détermination que Milan lui enviait, une certitude qu’il jalousait lui qui n’était sûr de rien si ce n’était qu’il finirait par s’éteindre dans ce cirque d’âmes désespérées. Encourageant la bête effarée entre ses doigts, le blond l’aidait à étirer sa nuque, l’apprêtant aux exercices à venir sans pouvoir se détourner du spectacle se dévoilant sous ses yeux. Indifférent aux esclaves sur son chemin, l’héritier de cet empire de malheur se gorgeait de la docilité de sa bête alors que tous s’affairaient autour de lui. Astre solaire s’amusant de l’univers orbitant autour de lui, Kaveh était un roi des petits riens avide de cette dévotion lui étant si injustement offerte. Malgré lui, le blond ne pouvait s’empêcher de se rompre à ses pieds, baissant ses iris pudiques quand il se trouvait sur son chemin, tremblant lorsqu’il était frôlé. Enfourchant la bête encore indomptée, le Ravka s’apprêtait à réaliser un premier échauffement lorsqu’on lui demanda de se rendre dans la roulotte destinée aux sangs purs appartenant à la famille de leurs maîtres. Les guenilles qu’il portait camouflaient mal la nervosité qu’il éprouvait. Tirant les pans de sa chemise en lin jauni par les années, il éprouva avec gratitude la fraicheur de cette caravane offrant un abri à l’ombre du soleil. « It seems you cannot keep your eyes off me. » Figé dans son silence, Milan baissa les prunelles alors que l’ombre de Kaveh semblait l’avaler. Les yeux posés sur le sol, il contempla l’ombre de l’adolescent s’amoindrir alors que ce dernier s’approchait, incapable de ne pas envier ces taches informes sur le sol capable de s’empoigner quand lui ne pouvait pas même frôler cet autre toujours présent pourtant insaisissable. « Would you be so kind as to answer me when I talk to you? » Levant ses prunelles vers le fils de son maître c’était une férocité mal digérée dans le regard que le blond ne put s’empêcher de répliquer : « I was not aware it was a question. » Repoussé sans grâce par la poigne du brun, Milan s’écrasa sans douceur contre le mur de la roulotte alors que l’adolescent s’approchait tel un prédateur prêt à dévorer sa proie. Contemplant l’animal sur le point de festoyer, l’esclave trouvait une quiétude insoluble dans cette situation vouée au naufrage. Il pouvait sentir entre ses côtes le carambolage demandant à se produire alors que Kaveh s’approchait inlassablement de lui, ses mains s’agrippant à l’encolure de sa chemise, ses boucles couvrant partiellement son visage. « I had no idea you were such a little shit. » Sa voix invoquait le printemps, ces éclats de rire s’élevant aux petites heures du jour alors que les lambdas trouvaient dans le défilement des saisons des raisons d’animer leurs passions. Milan leur était si différent, c’était ça la solitude. « Well, I had no clue you would care.” Le rire du brun pris le Ravka par surprise, ce dernier se perdant au bord de ses lèvres étirées alors que l’autre se retrouvait secoué par les soubresauts de son amusement. « Will you shut up already?! I’m trying to kiss you if you haven’t noticed. » Les sourcils froncés, incapable de dénouer ces noeuds enroulés au plus profond de ses entrailles, l’esclave ne comprenait pas. S’humectant les lèvres, sa gorge douloureusement nouée, il vit le faciès du garçon s’approcher sans savoir que faire si ce n’était s’immoler au contact des rayons mordorés d’un astre prêt à le dévorer. Les yeux grands ouverts, forcé de contempler le massacre, il pouvait sentir les doigts du brun s’arrêter sur son cœur alors que son souffle se perdait sur les lippes de ce dernier. Il pouvait sentir ses os ployer sous le poids de cette incompréhension lui brisant l’échine alors qu’il était figé par l’acte. Les yeux grands ouverts, il s’échoua à nouveau le long des rivages désespérés des lippes de l’adolescent alors que ce dernier empoignait sa crinière lui arrachant un éclat de surprise pour s’inviter entre ses lèvres. Milan était perdu, naufragé la tête sous l’eau, c’était les poings serrés à son flanc qu’il s’oubliât l’espace d’un instant. Juste le temps de perdre pied.
La poigne sur sa nuque l’arracha à l’instant, cette violence jurant douloureusement avec la douceur de Kaveh. Icare aux ailes brisées, il s’écrasa sur le sol de la roulotte alors que l’homme crachait des éclairs, le grondement entre ses lèvres délavant indifféremment son fils que l’esclave à leurs pieds. Posant ses prunelles sur le bout des chaussures de son maitre, le gamin courba l’échine, conscient que rien ne l’arracherait à la sanction à venir. Milan avait trop goûté les coups, la redondance de ces violences délitant progressivement le poids de ses conséquences. Il avait trop entendu, trop écouté cet homme parlé pour oublier la morsure de ses mots, oublier la violence de ses crocs alors que ses mains brisaient jusqu’à ses os quand il ne pouvait plus supporter cette rage lui lacérant l’encéphale. Rongé par un mal sur lequel il ne pouvait mettre de mots, le Ravka se contentait d’attendre que l’orage ne passe, que l’eau ne s’écoule. Soulevé sans difficulté, ses racines bien trop frêles que pour rester ancrée à même le sol, il ne chercha pas même à glapir alors que son maître le traînait hors de la roulotte. Sa carcasse défaite s’écoula jusqu’au sol, la terre poussiéreuse lacérant le tissu de ses vêtements alors que son derme souffrait les assauts du temps. « Someone needs to teach you all, filthy scums, to know where you stands! » Refusant de s’abaisser à un plaidoyer visant à alléger sa peine, le gamin se contenta de soutenir les prunelles de son maître alors que ce dernier enroulait les cordes à ses poignets. « If you were not so damn good with the horses you would be dead. You better be grateful! » Claquant la croupe de la bête, celle-ci se mit à hennir avant de partir au galop.
Il était des plaies qui ne se refermeraient pas. Des douleurs qui ne cesseront de le lancer. Quand ils dénouèrent les liens à ses poignets, ses liens étaient imbibés de l’incarnat en ses veines, sa peau rien de plus qu’une plaie incapable de savoir que faire à part saigner. Et il saignait, il saignait comme il ne l’avait jamais fait jusqu’à ne plus pouvoir le supporter.
Au final, c’était plus aisé de ne plus rien éprouver.

light me up, i’m a funeral pyre ready to burn
La nuit s’était élevée sans un bruit, couvrant de son ébène les landes désertées battues par les vents. Souffrant la fièvre, ce mal le rongeant en dedans, Milan souffrait seul en sa couche alors que l’animal à ses côtés se faisait animé. Les prunelles entrouvertes, incapables de percer l’obscurité couvrant sa chair, le gamin ne sentait que le froid en ses mains alors que la fumée s’élevait en volutes arabesque. Seul bruit perçant la sorgue, le crépitement des flammes invoquait l’âme du Ravka, ce dernier se fondant en son obscurité incapable de savoir où elle s’achevait et où il commençait. Inhalant d’épais nuages de fumée, ce fut à bout de force que le gamin se redressa, agrippant le crin de l’animal pour l’arracher aux flammes. Perdu au cœur d’une procession funéraire, ses yeux éblouis par ces lumières déchirant l’ébène céleste, l’esclave contemplait le campement en proie aux flammes. En ses veines, le cantique damné d’une vie n’ayant pas sienne s’élevait, ébranlant sa carne sans qu’il ne puisse résister à cet appel à la douleur entêtante. S’agitant sans pouvoir résister, il contemplait ces bâtisses de bois sur roue s’ébranler sous les assauts répétés d’un brasier requérant sacrifice. Le foin s’enflammait à une vitesse qu’aucun individu présent n’aurait pu endiguer, poussant des cris à s’élever alors que ces prisons matérielles se transformaient en tombeaux surpeuplés. Une main posée sur l’encolure de la bête à son flanc, Milan contemplait le spectacle, une satisfaction étrange bouillonnant en son sang alors qu’il sentait son cœur gonfler, gonfler, gonfler jusqu’à imploser. Au point que l’organe prenne toute la place, au point qu’il ne puisse plus contenir ce brasier reposant au creux de ses doigts. Le gamin tendit ses mains vers le sol, l’herbe fraiche se consumant à ses pieds avant qu’il ne tende ses doigts vers la maison roulante de ses maîtres. Celle-ci défaite par ces gerbes de flammes jaillissant de ses poings. Cognant son poitrail à plusieurs reprises, incapable de contenir ce mal enflammant son âme, s’ébranlant au moindre de ses mouvements, il sentait la bête cogner en dedans. S’agiter sous les assauts des flammes, le pousser vers l’avant. Les flammes s’élevaient alors que le gamin s’effondrait, les ruines de son monde tombant sous les assauts de cet élément ne connaissant de soumission. Ne pouvant réprimer la jouissance délitant ses lippes, le cœur au charnier de ne regretter ces âmes prisonnières souffrant les pêchers de leur maître, le Ravka se gorgeait de les avoir libérés. S’effondrant au petit matin, sur ses épaules ne reposant que cette cape de cendre faite des fantômes qui désormais vivraient à jamais ensemble sous sa peau, c’était sur le dos de sa monture qu’il s’abandonna à l’inconnu d’une destinée lui ayant été trop longuement dissimulée.

Sometimes, my body feels like a burial ground for all the people I should have become.
Le Ravka avait passé de bien longues heures à écouter, essuyant le bord de sa gamelle jusqu’à pouvoir y observer son reflet. Les yeux baissés, prétendant s’affairer à la consommation de ces maigres vivres lui servant de repas, il ne pouvait s’empêcher d’être happé par ces conversations à voix camouflées. Jeunes hommes drapés de sa solitude, personne ne s’inquiétait de la silhouette courbée sur sa nourriture alors que les mots échangés étaient couverts par les cris de joie, la musique et les propos soufflés à mi-mots. Il écoutait pourtant Milan. Il écoutait tant ça le faisait rêver d’entendre parler de ces individus tirés de ces grimoires de contes le tenant éveillé enfant. Il écoutait, car il pouvait imaginer ces géants, la force brute en leurs mouvements, la grâce de leur maîtrise alors que la terre se rompait sous leur volonté. Souffrant son ingénuité, celui qui ne savait rien rêvait ces ailleurs meilleur qui restaient à jamais trop éloigné. Il rêvait cette grandeur d’âme lui étant prohibé, lui dépositaire du sang qu’il ne pouvait cesser de faire couler. C’était pourquoi il avait parlé sans réfléchir, suivant des chimères destinées à le mener vers le pire.
Bloqué aux portes de la ville, enfant du malheur échoué aux abords de ce hameau en périls, le gamin de rien faisait ce qu’on lui avait dit : attendre. La faim au ventre, à peine de quoi étancher sa soif, c’était avec une ténacité entêtante qu’il attendait son heure, inconscient du poids de l’empire de la peur et de ses griffes arrêtés en tout cœur. Les yeux rivés sur ses mains, invoquant ces forces lui étant étrangères, le blond cherchait dans le néant en son poitrail les germes d’un mal tachant son sang au point que l’ébène s’en soit mis à consumer ses veines. Perdu dans sa contemplation, inconscient de cette présence l’observant, il sentait la rage gronder en ses entrailles alors que ce pouvoir élusif se refusait à sa poigne. Les paumes ouvertes vers le ciel, récitant ces psaumes gravés en son encéphale alors qu’il était enfant, il maudissait ces Sept et leur propension à alimenter ses tourments. Le souffle profond, s’abandonnant à cette sensation démarrant de son poitrail, il pouvait sentir le charnier en son cœur s’enflammer alors que le pourpre chantant un cantique condamné. Précautionneusement, comme une bête redoutant d’être attrapée, une étincelle naquit en sa main droite alors que les flammes naissaient le long de sa paume, faisant de sa chair l’alimentation d’un charnier requérant son sacrifice. Un sourire surpris, il sentit la joie éclater en son torse alors que le feu se faisait plus pressant, rongeant sa carne sans qu’il ne puisse le contrôler. Secouant sa main sous l’effet de la douleur, il ne put réprimer le juron lui éclatant les lèvres alors qu’il tombait à bas de son siège de fortune. « Shit ! » Massant la chair tendre rongée par le feu bouillonnant en ses veines, le Ravka s’étendit de tout son long à même le sol. Les yeux posés sur le ciel, il pensait à cette roulotte lui ayant si longuement servi de foyer. Ces routes qu’il traversait sans jamais savoir où elles allaient le mener et voilà qu’il était là où rien ne le destinait. « It was not really glorious. » Rongé par la surprise, Milan se redressa d’un bond, découvrant une silhouette peu familière en train de contempler son campement de fortune. « Well, I got no clue about how this is supposed to work. So I guess not glorious is going to be my life from now on. » La voix chaleureuse, heureux de pouvoir enfin converser avec une autre personne que lui-même, le gamin ne s’était même pas inquiété de cette inconnue aux motivations tout aussi secrètes. Les prunelles de la jeune femme semblaient soupeser son vis-à-vis, de sa carrure assez large que pour intimider, à son maintien grossier destiné à faire l’inverse. Milan se sentait jugé de la même manière que son ancien maître l’avait jugé avant de l’emmener avec lui. Tel un morceau de viande sans avenir, à cet instant il ne semblait exister qu’en les prunelles de la brune, celle-ci détenant entre ses doigts les clés d’un futur qu’il n’imaginait pas. Qu’il ne saurait de toute manière pas comment appréhender, pas pleinement en tout cas. Souffrant un silence s’éternisant entre eux, le gamin l’observait en retour, contemplant l’abysse de ses yeux alors qu’à son atour il se doutait n’avoir rien en commun avec celle-ci. « Who are you ? » Un rire sembla éclater entre les lippes du Ravka alors que ce dernier passait une main en sa nuque incapable de garder à distance cette souffrance-là. « Your guess is as good as mine on the matter. But I’m called Milan. » Interpellée par cette réponse des plus énigmatiques, la brune sembla piquée à vif par sa curiosité alors qu’elle s’installait en face du blond. « You could have left a few days ago, why are you here? » Prenant une longue inspiration, Milan se contenta de hausser les épaules alors que ses mains se nouaient sans véritables raisons. Il avait des fantômes plein la carne, des illusions brisées plein les bronches et à chaque fois qu’il exhalait il pouvait sentir le monstre en lui s’agiter. Il savait être à la fois prisonnier et geôlier, souffrant cette prison de chair dont il ne savait pas s’il pourrait un jour en réchapper. « I just want to do something that feels right, you know? Whatever that means. » Un sourire penaud aux lèvres, il se contenta de contempler les remparts de ce faubourg insaisissable. Cette ville de pierre qu’il rêvait d’appréhender, lui qui n’avait connu que la misère et la temporalité limitée d’un foyer. « And that means waiting outside for days ? » Posant à nouveau ses prunelles sur l’inconnue n’ayant pas encore déclamé son identité, il haussa à nouveau les épaules. « I thought that was what was expected of me. I got the feeling people here don’t really like me, I’m just trying not to piss anyone off.  »  Les sourcils froncées, déchirée entre l’envie de rire et celle de grimacer, la douce se contenta d’hausser négativement la tête en soufflant : « You’re quite weird. » «  I’m definitely unusual, but that what you got when you’re raised like I was. » Un sourire attendri sembla étirer les lèvres de l’inconnue alors qu’elle plissait les pans de sa cape, se redressant sans un mot. « You should keep that’s story for Adonis, I’m sure he will want to hear it... Come on, follow me then. »