Les maigres rayons solaires viennent tendrement caresser le derme de la poupée. Paisiblement allongée au sein du lit conjugal, qu'elle partage désormais avec son époux, la gamine en est encore plus radieuse. Sa chevelure brune, d'ordinaire si lisse, est en bataille, se mordant dans les nombreux oreillers. Un silence ridiculement religieux semble avoir enveloppé la pièce. Le calme règne en main de maître, but for how long? L'enfant de la terre est profondément endormie, emportée dans ce rêve bien trop beau pour espérer qu'il ne soit réel. Mais là est la limite de son si précieux jardin secret. Des songes qui n'appartiennent qu'à la nuit. Puis, une étincelle vient se confondre dans son regard noisette, l'obligeant alors à ouvrir ses yeux. La poupée passe sa main sur l'autre partie du lit, à la recherche de celui qui est désormais sien. Mais ce fut le vide qui la frappe de plein fouet alors qu'elle somnolait encore. Izolda fronce son regard, elle peste entre deux soupirs. Le roi de la terre appartient à bien trop de personnes, mais c'est ainsi, il est solaire, il attire les foules, il suscite l'admiration et le respect. Elle a fini par s'y habituée, à devoir le partager avec mille et un étrangers. Pourtant, elle le savait, il y aurait toujours cette espace qui n'appartiendrait qu'à eux. Cet instant où ils seraient seuls au monde, rien qu'eux. Et ça, rien ni personne ne pourrait leur enlever. C'était en tout cas la promesse que l'enfant s'était faite. Visiblement, son mari en avait décidé autrement, et il l'avait abandonné en cette matinée suivant leur mariage. Après de longues minutes à s'enrouler dans les draps immaculés, Izolda finit par sortir du lit, bien déterminée à rappeler à Adonis qu'il devait rester plus longtemps avec elle le matin. Et encore plus aujourd'hui, alors qu'elle avait décidé d'enfin lui annoncer une nouvelle qui le ravirait certainement.

La poupée se dirige vers une malle avant d'en sortir un peignoir en soie rouge. Elle l'enfile sur son derme dénudé et le noue à sa taille. C'est à cet instant que ses dames de compagnie font leur entrée. – Your Majesty. C'est alors que la gamine se rappela qu'elle fut couronnée reine en même temps qu'épouse d'Adonis. Un statut qu'elle appréhendait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Il pouvait paraître difficile de penser qu'Izolda soit effrayée à l'idée de gouverner une nation, et pourtant, elle était terrifiée de s'acquitter de telles responsabilités. Mais elle n'était pas seule, elle ne le serait jamais sur cette voie royale qui se dressait face à elle. Elle l'avait lui, elle les avait eux. Une grimace se forme sur son visage lorsqu'elle pense à Hissa et à son choix de rester auprès d'Eros. Son amie lui manquait terriblement et il était impossible d'aborder le sujet avec le Griffith. Malgré tout, elle restait persuadée que la douce était toujours en leur faveur, mais après tout pouvait-elle lui en vouloir d'avoir rejoint son époux ? Alors même que la gamine sacrifierait tout pour son roi, s'il le lui demandait. Le mariage est une chose bien étrange et toutes ces années de préparation dans le but de s'allier à un bon parti, elles ne servent à rien en définitive. Parce que rien ne viendra jamais préparer aucune femme à ce qui l'attend vraiment. Il y aura toujours cette alliance, ce lien si différent des autres, si singulier. Instinctivement, elle fait tourner sa nouvelle bague plantée sur son annulaire. Et sans réellement savoir pourquoi, elle peut sentir son estomac se tordre violemment. Elle est alors obligée d'y poser sa main, dans l'espoir de calmer le mal qui la ronge. Izolda prend une profonde inspiration alors que sa servante l'aide à s'asseoir. – Madam, are you all right? D'un geste de la main, elle tente de les rassurer alors qu'elle continue de se concentrer sur sa respiration. Sa mère lui avait pourtant expliqué comment se déroulerait une grossesse, mais jamais elle ne lui avait parlé de pareils maux semblables à des couteaux lui lacérant l'abdomen. – I'm fine, promise. A simple dizziness, but I would like you to go get my husband please. La gamine se redresse sur sa chaise alors qu'elle regarde l'esclave sortir de ses appartements afin de lui ramener Adonis. Elle était habituée aux quelques nausées matinales, mais là, ça n'est pas habituel. Et son premier réflexe fut de l'avoir auprès d'elle. La bleue peut sentir que quelque chose n'est pas normal. Il lui manque une pièce du puzzle pour pouvoir résoudre l'équation. Au plus profond de son âme, elle peut sentir, un pré-sentiment, une impression que cette matinée ne sera pas aussi radieuse que prévue.

Assise face à un large miroir, Izolda peut admirer son reflet. Elle laisse ses servantes coiffer sa chevelure d'ébène. Elle ne bouge pas d'un centimètre alors que l'on s'affère derrière elle. Ses cheveux sont lisses au possible, c'est comme ça qu'elle les préfère. Elle n'a jamais raffolé de toutes ces coiffures pourtant appréciés par les nobles à Launondie. Alors que l'on s'apprête à déposer la couronne sur le sommet de son crâne, la gamine les arrête dans leur élan. Elle prend elle-même son précieux qu'elle vient déposer sur sa chevelure. Elle prend soin de se charger des derniers détails, tout doit être parfait, l'apparence joue un rôle clé et la poupée a toujours mis un point d'honneur à ne pas laisser un défaut venir gâcher tout le travail effectué. On termine de lui enfiler des parures de rubis et de multiples autres pierres précieuses. Un léger maquillage sur son visage de chérubin et la voilà fin prête. – Bring me the dress offered by Cal Oshun please. This is the one I want to wear today. Le cadeau de mariage du roi avait réussi à toucher le palpitant de la reine. Une sublime pièce carmin faite de dorures et des meilleurs tissus d'Aksana lui fut apportée. Le fils du feu lui avait également offert de nombreuses pièces d'art, lui qui partageait son goût pour la peinture. Un sourire se greffe sur ses lèvres alors qu'elle finit par l'enfiler, aidée de ses servantes. Plusieurs minutes sont nécessaires avant d'en venir à bout. La fille de la terre se contemple dans un de ses miroirs, visiblement satisfaite du reflet qui s'affichait à elle. – For the love of the Seven! Is it so difficult to find my husband? Will I have to go and get him myself? Elle s'agace alors qu'elle se tourne vers ses dames de compagnie, visiblement sans réponse à ses questions. Sous le coup de la colère, un bronze se fend en deux. D'un geste de la main, elle ordonne à un lambda de s'en occuper. Un long soupir vient effleurer ses lèvres alors qu'elle fait les cent pas dans ses appartements. Comme un fauve en cage, Izolda perd patience. Elle se dirige vers une fenêtre, espérant le voir dans les jardins ou en train de s'entraîner à son nouveau don. Elle se mord la lèvre et serre ses poings alors qu'elle trouve l'attente atrocement longue.

– Let me through, I must speak to the Queen Izolda Griffith. C’est une voix familière qui vient se glisser au creux de ses oreilles. La poupée tourne son visage et immédiatement c’est celui de Cedraella qui se forme sous son regard noisette. Un mince sourire se glisse sur ses lèvres. – Let her come in. D’un geste de la main, elle demande aux esclaves de quitter la pièce. Ce n’est que lorsque le dernier sort et referme la porte, qu’elle pose enfin ses iris dans ceux de la K’han. Elle peut sentir son palpitant battre si fort, qu’il pourrait briser la cage qui l’entoure. Izolda déglutit lentement alors qu’elle se rapproche de son amie. – Ced, talk to me. Son regard ne cesse de balayer le visage de la brune alors qu’elle a attrapé une de ses mains, entremêlant ses doigts aux siens. Elle n’a pas manqué de noter l’air grave sur le visage de la noble, un air qui ne la rassure absolument pas. Elle se pince les lèvres, espérant que ce dont elle voulait lui parler n’avait aucun rapport avec son époux, aucun. – I .. It's Adonis, Iz. He did not come to the training as planned. There was no one. I searched, I promise you, I searched but .. Elle n’avait pas besoin de finir sa phrase, la maître avait compris, elle ne l’avait pas trouvé. Elle a l’impression de défailler, l’impression que le sol va s’écrouler et qu’elle va s’écrouler d’une minute à l’autre. Elle inspire profondément, et essaye de se raisonner. Peut-être est-il allé ailleurs ? Peut-être est-il avec Aléa ou Isaak ? Peut-être a-t-il simplement décidé de ne pas s’entraîner ? La poupée essaye de se convaincre, elle essaye vraiment, mais au fond d’elle-même, elle sait qu’il n’aurait pas manqué un entraînement, pas alors que la guerre fait rage. Elle sait pertinemment que cela n’est pas normal, que quelque chose s’est passé. – I'm sorry, Iz. I failed in my duty, I .. La princesse finit par lâcher la main de Ced, la laissant tomber dans le vide, douce métaphore du sort actuellement réservé à son âme. Elle recule un peu, perdue dans ses pensées, réfléchissant à mille et une possibilités. – He is missing. But we will do everything to find him, I promise you. Les paroles de la K’han s’estompent dans le silence qui l’entoure désormais. Elle peut sentir son estomac se serrer si fort que ses jambes n’arrivent plus à la soutenir. Le bonheur fut de courte durée, elle qui venait de passer l’alliance à son doigt, que déjà on lui arrachait cet instant. D’une main, elle s’appuie sur un meuble non loin de là. Il n’y a que comme ça, qu’elle peut encore essayer de tenir debout alors que la douleur n’a cesse de la lacérer. Elle peut sentir ses yeux s’humidifier et son regard se flouter. La gorge nouée, elle est incapable de prononcer un seul mot. Elle ne prête même plus attention à Cedraella, probablement face à elle. Izolda sait déjà ce qui est arrivé à son mari, elle n’a aucun doute sur l’implication de son oncle. Et son père ? Cautionne-t-il lui aussi cet acte de trahison ? Isaak, il faut qu’elle voit Isaak, le plus rapidement possible. Et puis Aléa, et le conseil et Cal et.. Elle peut sentir une main attraper la sienne et l’odeur si réconfortante de la guerrière l’enveloppe doucement. – I did not tell him. I did not have time to tell him. He .. he does not know Ced. He does not know. C’est à cet instant précis qu’elle peut sentir les larmes venir saccager ses pommettes. Comment est-elle supposée continuer sans lui ? Comment est-elle supposée réussir la moindre chose sans son roi à ses côtés ? Parce qu’elle ne se fait pas d’illusions, si Thomas est derrière tout ça, il y a peu de chance pour qu’il laisse Adonis en vie bien longtemps. – Know what ?

Ses bras entourent la nuque d’Adonis, alors que ses iris noisettes se noient dans les siens. Elle est sienne et il est sien. Elle a encore du mal à croire qu’elle vient de se marier au nouveau roi, faisant ainsi d’elle une reine. Mais ce titre elle aurait pu s’en dispenser. Tout ce qui lui importait, c’était de pouvoir l’épouser lui et personne d’autre, lui redonner le prestigieux nom des Griffith et lui faire une descendance. A cette pensée, elle peut sentir ses joues rougir. Elle a décidé de lui annoncer la nouvelle, ce soir, maintenant qu’ils sont seuls. Mais à ce moment, il capture ses lèvres avec une rare passion. Baiser enflammé auquel elle répond sans chercher à comprendre. Rapidement, ce sont les vêtements du roi qui viennent trouver le sol. La poupée profite d’un moment plus calme pour coller son front au sien, laissant leurs souffles se mêler. – I have something to tell you Adonis. Mais il n’écoute pas, se contentant de démêler rapidement les lacets de son corset, comme il savait si bien le faire. Il en profite également pour embrasser sa peau là où elle était dénudée, arrachant des sourires aux lèvres de la divine. – I really want to tell you something important. Can we.. Mais elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que déjà il reprenait possession de sa bouche royale. Izolda n’arrivait pas à le repousser, bien trop sensible aux caresses dont il la gratifiait. – We will talk tomorrow, promise. Now, i just want you. My wife. Une petite moue se glisse sur son visage, elle était obligée d’admettre qu’il savait comment la convaincre. Elle eut à peine le temps de lever les yeux au ciel que déjà il la soulevait avant de la déposer délicatement contre les draps de soie.

La poupée déglutit alors qu’elle plante ses iris dans ceux de Ced. – He does not know he’s going to be father.. of two beautiful children. Elle peut alors sentir les bras de son amie l’entourer. Mais elle n’a pas la force de la serrer, elle aussi. Elle est juste fatiguée, fatiguée de devoir sans cesse lutter pour obtenir une once de bonheur, fatiguée de devoir se battre contre ceux qui partagent son nom. – He will know, i promise you. We’re going to find him and you’re going to tell him. Un mince sourire se greffe sur ses lippes alors que ses mots la réconfortent. Elle se fait aussi la promesse, la promesse de le retrouver où qu’il soit et de le ramener, la promesse qu’il verra sa descendance grandir, qu’il sera là pour leur apprendre à utiliser leur pouvoir, qu’il sera là pour elle et qu’elle sera là pour lui. – Warns the council Ced, warns the movement. We are going to gather all our allies and we will find him, no matter what. Izolda se détache de la K’han et se relève doucement. – We will give him the damn war he wants so much.