Un simple signe de tête, et la porte close s'ouvrit sous l'impulsion des gardes. Cal s'engouffra dans les appartements familiers de sa jumelle, ceux où il avait l’habitude de se retrouver régulièrement ces derniers temps. Il songeait à quel point tout avait changé, depuis quelques mois, alors que son regard était attiré par la décoration choisie avec minutie. Il avait longtemps considéré cet endroit comme l’antre d’une entité néfaste, celle avec qui il ne réussirait jamais à s’entendre, celle qui le hanterait jusqu’à ce qu’il ne perde la vie. Un regret, une amertume, qu’il pensait garder pour toujours, car il était certain de ne jamais réussir à arranger les choses avec elle. Ici étaient accumulés des souvenirs d’une autre vie, mais surtout des songes de ce qui aurait pu être, si les choses s’étaient passées autrement. L’Oshun avait évité cet endroit pendant des mois, des années. Il avait essayé de tirer un trait sur cette relation qu’ils avaient eu. Il avait essayé d’oublier la décision qu’il avait prise ce jour. Il avait essayé de ne plus penser au visage féminin qui était pourtant si similaire au sien. Il avait essayé de ne pas imaginer la tristesse et la déception inscrites sur ses traits. Jusqu’à ce qu’elle ne revienne hanter les couloirs du palais. Des mois étaient passés, avant que Cal n’accepte cette vérité qui s’imposait à lui. Il avait besoin d’Isaure à ses côtés, besoin de son soutien et de ses précieux conseils. Leurs destins étaient entrelacés depuis leur premier souffle, il ne pouvait avancer sans sa sœur à ses côtés. Et cette guerre incessante qui se jouait entre eux le touchait bien plus qu’il n’osait l’admettre. Alors il avait agi en conséquence, et finalement, le résultat était là. Alors que l’Empereur sentait le poids des responsabilités et des décisions qu’il s’apprêtait à prendre accabler ses épaules, il se rendait auprès de sa moitié d’âme, pour chercher le soutien et les conseils dont il avait désespérément besoin. Il n’avait pas vraiment besoin de parler avec Isaure. Elle le connaissait, malgré les années passées éloigné l’un de l’autre. Il ne souhaitait pas forcément discuter, Cal, il cherchait juste la présence apaisante de celle avec qui il était venu au monde. « Isaure ? » La jeune femme n’était pas dans le premier salon. Il se tourna alors vers l’esclave qui était présente dans la pièce. « Va m’annoncer à ma sœur. » La lambda s’éclipsa, disparaissant par une porte en bois massif qui menait jusqu’à la chambre de l’héritière. L’Empereur patienta, et la jeune femme revint rapidement. « Son Altesse est prête à vous recevoir, Votre Majesté. » Il hocha brièvement la tête avant de s’approcher de la porte qui menait jusqu’à la chambre de la princesse. L’esclave lui ouvrit alors la porte, et il entra dans la pièce. Son regard se posa presque instantanément sur la silhouette d’Isaure, qui était installée sur un siège, habillée d’une robe de très bon goût, dont les couleurs l’embellissaient d’autant plus, flattant son teint rosé. Elle était belle, Isaure, mais elle l’était toujours. L’astre solaire personnifié, qui brillait trop fort pour le monde. La lumière qui avait été son guide dans son enfance, et qui le redevenait petit à petit aujourd’hui. Un léger sourire effleura les lèvres de Cal, mais il n’avait pas vraiment le cœur à ça. Son esprit était préoccupé, son corps épuisé. Les cernes soulignaient son regard, lui qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit. La Purge l’avait tenu éveillé, et avec ça, les décisions qu’il allait bientôt s’efforcer de devoir prendre. Il savait au fond de lui ce qu’il devait faire, mais ce choix allait lui coûter bien plus qu’il n’osait l’admettre. Il évitait de trop y penser, mais les mêmes images ne cessaient de lui revenir en tête. Il s’installa en face de sa jumelle, son regard posé sur son doux visage. « Tu vas sûrement me demander ce qui m’amène ici. » Il haussa doucement les épaules. « Mais je ne suis pas sûr de savoir. J’en ressentais le besoin, c’est tout. » Cal n’était pas forcément prêt à admettre qu’il perdait pied, prisonnier de cette spirale infernale qui l’oppressait, qui lui maintenait la tête sous l’eau. Pourtant, il était sûr que la princesse le savait déjà. Peut-être était-ce pour cette raison, qu’il se tournait vers elle. Car il savait qu’il n’avait pas besoin de dire un mot pour qu’elle le comprenne. Car il savait que malgré leurs différents, malgré leur passé tumultueux, il pouvait compter sur elle. Car elle était sa famille, et que plus jamais il ne lui tournerait le dos. Plus jamais il ne commettrait une telle erreur.