Son cœur à présent dans la main de Thomas, la déesse suffoquait. Prisonnière de ses émotions, de ses sentiments, elle avait choisi de suivre celui qu'elle avait mis un poing d'honneur à détester pendant des années : Eros. Parce qu'elle avait fini par avoir foi en cet homme, en leur mariage. Et en le suivant dans sa folie, elle s'était détournée de son roi de toujours. L'espoir qu'elle mettait en lui était resté le même, mais sa position avait dû changer, temporairement. Elle ne pouvait s'afficher près d'Adonis, d'Izolda. Elle ne pouvait plus. A la place, on la retrouvait aux côtés de Thomas, le sourire rayonnant et le regard pleurant. Il n'était plus ce père qu'elle avait appris à aimer, il n'était que barrière à son avenir. Les yeux posés sur ses mains liées, elle priait la nymphe. Pour leur âme en peine, pour leur futur incertain. Puis elle se relevait, jetant un dernier regard au Sacerdos lui faisant face, et elle se détournait. De lui, et peut-être des Sept aussi. Ces Dieux qui l'avaient presque ignoré toute sa jeunesse et qui, à présent, répandaient la haine à travers tout le royaume. L'empire n'était plus et dans sa chute, les corps de milliers étaient tombés. Des mutants, des abominations. Puis, la nouvelle lui parvint. Par les chuchotements des servantes, l'agitation dans la demeure des Griffith. Adonis était présent entre ces murs, mais pas comme elle l'aurait voulu. Enfermé sous terre, le roi autoproclamé d'Eartanera avait fait en sorte qu'il soit inatteignable. Sa poitrine vide s'était alors soulevée et elle avait ressenti ce battement absent. Lui rendre visite était risqué, mais c'était un risque à prendre, un besoin presque naturel. Se voulant calme et discrète, la maîtresse de la terre gardait pourtant un rythme rapide, désireuse de retrouver son adoré. Ses pas résonnaient dans les couloirs lugubres des cachots et après discussion avec les gardes, la princesse put entrer dans ce dernier corridor. A mesure qu'elle s'approchait de lui, elle avait la sensation que le chemin s'allongeait. Elle ne l'atteindrait jamais, ses jambes allaient la lâcher. Et elle s'accrocha aux barreaux avec une telle force qu'ils tremblèrent. Il était sous ses yeux, les mains liées, l'expression désabusée. A nouveau, un sursaut dans sa poitrine. Son cœur meurtri reprenait vie. Mais la douleur le tordait, le trouait. Tout ceci lui rappelait de vils souvenirs et elle savait que la mémoire d'Adonis dessinait les mêmes images dans son esprit. « Adonis. » toujours cette même voix brisée. Blessée de le voir recroquevillé derrière une porte de métal, blessée de ne pouvoir l'approcher comme son corps le voudrait. Hissa voulait lui demander pardon. Elle voulait le rassurer et l'épauler, mais ils n'avaient que très peu de temps. Des semaines les avaient séparées et pourtant, elle avait l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des mois. La trahison était encore récente, la plaie toujours béante.

Les mains entourant le fer, ses doigts venaient se mêler à l'humidité, laissant des marques orangées sur sa peau. Son regard posait sur le prisonnier, elle sentait son cœur battre vite, trop vite. Elle ne le voulait pas ici et semblait ne pas supporter cette vision qui se mélangeait à un terrible souvenir. Parce que la place d'Adonis était auprès des siens, assis sur un trône tant mérité et convoité. La princesse s'était toujours imaginée prête à l'épauler, le conseiller, elle s'était vue à ses côtés ainsi que ceux d'Izolda, sa nouvelle reine. Mais l'avenir était trouble et ses mains tremblaient, impuissante. Elle réussit pourtant à prononcer son prénom, dans un battement, un déchirement. Des lettres qu'elle avait toujours eu l'habitude de dire avec douceur, une caresse chaleureuse. Mais pas aujourd'hui. Cela ressemblait à un supplice, et elle suffoquait la nymphe. Apeurée par son regard, les jambes affaiblies sous la colère grondante du garçon de la terre et de la roche devenue basalte. La voix du Griffith secouait alors l'air et eut l'effet d'une claque. Une marque invisible se formait sur la joue de l'amazone et elle se reculait sans jamais lâcher le fer. Elle ne le lâcherait pas, elle ne le lâcherait plus. Il la repoussait mais elle ne voulait bouger. Trop têtue, s'apparentant à de la folie pure. Le roi ne supportait plus son visage quand elle rêvait d'embrasser le sien. Alors elle s'obstine et s'approche à nouveau de la porte de sa cage, prête à l'entendre crier sur elle, tant qu'il la regardait. « Adonis. Écoute moi. » un énième supplice et ses mains serraient à nouveau le fer. Que dire, que faire, elle était déstabilisée la gamine, pas vraiment préparée à retrouver Adonis si vite et dans une telle situation. La lettre d'Izolda et ses mots résonnaient encore dans son esprit, et sa gorge était toujours serrée. Sa reine était troublée par le choix qu'elle avait fait, elle ne croyait plus autant en elle. Et la simple idée que l'ancien maître de la terre puisse douter d'elle la brisait. « Ne me repousse pas, s'il te plaît. » et elle lâcha le barreau pour tendre sa main en sa direction. A quelques mètres de l'un et de l'autre, elle voulait le tirer jusqu'à elle, que sa paume rencontre sa joue sale, que ses doigts caressent sa chevelure noire. Il y avait tant à dire mais rien ne sortait. La déesse hésitait, et la pénombre ne l'aidait pas à déceler les expressions de sa moitié. « Crois-tu que je t'ai abandonné Adonis ? Que je t'ai tourné le dos ? » demanda-t-elle avec un agacement faible dans le timbre de sa voix.