the night is dark and full of terrors — la nuit venait tout juste de gagner sa bataille contre le jour. les douces lumières d’hiver déposaient les armes, vaincues, et laissaient la place à une obscurité glaciale. c’était le genre de froid qui prenait aux tripes et maeve l’aimait parce qu’il lui rappelait à quel point elle était vivante. puis ça lui rappelle surtout le climat d’aguarinui, son beau pays. les jambes nues, baignées dans le spectre astral qui passait la barrière de ses rideaux entrouverts, la jeune femme se tournait et se retournait dans son grand lit, vide. elle n’arrivait pas à trouver le repos la gamine, morphée se jouant de ses besoins. ce soir le sommeil lui sera étranger, elle le sait. résignée, elle rejoint sa fenêtre doucement, sur la pointe des pieds. le regard surplombant la cour de la citadelle, elle observe la pièce qui se joue sous ses yeux. la pleine lune caresse les ombres et celles-ci disparaissent alors, laissant là l’illusion qu’il existe encore un peu de lumière parmi les ténèbres. accoudée au rebord, maeve, elle se fascine pour les derniers servants de la maisonnée en train de s’affairer à ranger, à nettoyer… puis les minutes s’égrennent et la représentation est déjà terminée. la vie quitte lentement la cour pavée. un long soupir s’échappe d’entre les lèvres de la poupée. puis soudain, une idée. rapidement, maeve se dirige vers son miroir et coiffe ses longs cheveux noirs en une épaisse tresse. se débarrassant sans cérémonie de sa belle robe de chambre qui tombe lourdement au sol, elle enfile sa tenue favorite. celle de la chasse. ce soir, elle sera libre.

arpentant les couloirs désormais familiers du château, la gamine n’est plus qu’une ombre parmi tant d’autres, tout de sombre vêtue. la citadelle n’a plus rien du labyrinthe des premiers jours et c’est rapidement qu’elle se retrouve déjà dehors. le froid vient aussitôt lui mordre les joues comme il accueillerait une vieille amie. ça la fait sourire maeve. évidemment. agile, elle continue sa route direction l’armurerie, tout en faisant attention que l’oeil d’un des gardes ne se pose pas sur sa silhouette fuyarde. voyons. une dame ne sort pas ainsi la nuit. les mille règles des conventions oubliées, la belle arrive à la fameuse porte qu’elle pousse tout le jour durant et vient s’emparer de son trident. puis elle fait demi-tour et attrape un simple arc et son carquois assorti, abandonné là sur un établi. ces armes étaient pour elle bien plus sûres que n’importe laquelle de ces larges épées ou de ces dagues acérées. le métier d’archer ne pouvait s’exercer que de tendres nuances tandis que des lames suintaient la violence. l’art et la guerre. les deux notions sont joliment entremêlées mais tous maintenant savent que viendra le temps où elles ne feront à nouveau plus qu’une. askana à feu et à sang. pire que des conflits entre les nations, se levait une guerre civile. mutants contre bénis. illuminés contre survivants. nouvelle génération tristement spectatrice d’un monde qui tombe en ruines. tête basse sous la lumière de son alliée nocturne, maeve, elle prend maintenant la direction des écuries, les mains pleines et son trident qui lui barre le dos. la voilà qui se dirige vers son étalon. seulement, elle n’est pas seule. elle l’a senti, maeve, ses instincts en alerte. sa main vient doucement cueillir une flèche et alors que ses doigts blanchissent autour de sa prise, elle se retourne d’un coup. puis elle remarque enfin son ennemi, un simple garçon d’écurie, endormi dans un tas de foin. le coeur battant, elle relâche sa respiration qu’elle ne se rappelle plus avoir suspendu et va chercher une selle. le sommeil du gamin est assez profond pour que l’opération se passe sans encombres et une dizaine de minutes plus tard, la voilà de nouveau dans la cour, rênes en main. maeve, elle sait que le bruit des sabots sur le pavé sera traître. elle lui fait alors faire tout le tour par derrière, ronde pareille à des artères désertes, royaume des employés. arrivée devant les grilles, elle monte sur son cheval. prête à rejoindre les montagnes, elle sent une nouvelle fois la présence de quelqu’un derrière elle. son regard jeté par-dessus son épaule, l’intrus est désormais reconnu. l’ombre du géant au loin le trompe presque plus que son visage embrassé par la délicate lumière astrale. michail. l’adrénaline chauffant déjà ses veines, maeve, elle lance soudain son cheval au galop non sans se retourner et faire un dernier signe de la main à son bel amant. l’insolence pour maîtresse, la helleros ponctue son geste d’un large sourire. elle s’en va la belle, elle s’en va.