L’enchanteresse des pécheresses. Princesse des contes de fées damnées. Ceux où le poison ravage les cœurs en espérant les faire vibrer. Ceux où la fin n’a rien d’une idylle dorée, mais tout d’un cauchemar empoisonné. Ceux que l’on ne murmure pas pour distiller le rêve, mais que l’on susurre pour engendrer les songes tourmentés. Parce qu’elle n’est qu’une gamine dans un univers étranger. Telle la sirène d’Andersen ayant franchit la frontière de l’océan en traînant ses chimères aux carcans enchanteurs, pour finir par n’être plus qu’écume, trahit par les propres battements désaccordés de son cœur blessé. Telle la fleur des vers de Baudelaire, celle qui n’est que beauté, renfermant entre ses pétales à l’odeur enivrante, le divin mal, celui qui derrière la splendeur vous assassine de sa grâce sacrée. Telle la Loreley d’Apollinaire, celle qui damne les amants éplorés, insinuant dans leurs veines salvatrices un peu de l’arsenic de son chant pour qu’à tout jamais ils continuent de se fracasser comme  son cœur brisé.

Sphère argentée ne pouvant veiller sur sa protégée, novas et nébuleuses qui ne peuvent plus valser, noyées derrière les épaisses nébulosités cotonneuses. Ciel qui n’est que furie et mélancolie. Fragment de diamant déferlant et s’écrasant sur le monde comme pour dévoiler aux gens ses tourments. Nuitée des condamnés, observant la poupée, fuir ses propres péchés. Ceux qui ne sont qu’hérésie et folie. Réminiscences de la soirée qui fracassent ses pensées, qui les embrasent pour n’en faire que des cendres tombant douloureusement sur son palpitant. Poussière brûlante le striant de cicatrices qui ne guériront sûrement jamais. Son propre poison imprégnant son carmin, sa propre démence se retournant contre elle. Sirène victime de son propre chant. Elle qui aimait avec tant de vivacité observer les marins s’échouer, s’écraser avec brutalité contre les rochers. Condamnée désormais à être immerger, l’écume s’éloignant loin de ses opales, douloureusement emportée dans les ténèbres abyssales.

Douleur qui strie la pierre de son cœur alors que se rappelle à elle les cinq lettres maudites. Akram. Patronyme du démon, celui ayant brisé son chant mélodieux, celui ayant donné d’autres règles à son jeu. Elle qui menait la danse, donnait la cadence. Contrainte de voir son trône s’affaisser, sa couronner rouler à ses pieds. Démon et démone se refusant à être des proies, démon et démone ayant fait jaillir leurs parts de ténèbres pour que perdure le règne de violence.


Course folle qui s’arrête soudainement, son dos fracassant la pierre froide de la ruelle, la protégeant des larmes du ciel. Morceau de cancer venant se balader entre la rosée de ses lippes, pour ajouter à l’atmosphère un peu de ses bouffées opalines qu’elle recrache. Poupée à la porcelaine morcelée. Opalescences qu’elle referme douloureusement sur l’univers monochrome qui s’offre à elle. Crinière trempée alors que sur son faciès se mêlent doucement les perles translucides, celles de la pluie, celle du sel de ses larmes, celles maculées de la rouille de son carmin. Beauté fracassée. Ivresse de la frustration ayant conduit le peintre à apposer sur ses traits un peu de l’azur des ecchymoses, un peu du vermeille de son sang. Légers tremblements qui continuent de secouer la carcasse de la poupée qui voudraient simplement oublier la bête et sa propre faiblesse. Elle qui se veut reine, elle ne gouverne qu’un empire d’asthénie.

Nouvelle bouffée de fumée qu’elle recrache à travers l’averse, comme pour lui rendre sa liberté. Et puis surgit à travers la pluie cette ombre, obscurité sculptée immergée dans les ténèbres qui doucement s’avance vers la poupée. Roi de l’onyx qu’elle découvre malgré le manque de clarté. Spectre venu la hanter alors qu’avec brutalité elle sent son souffle la couper, les battements de son palpitant cessant subitement, son sang se glaçant. A travers l’obscurité elle ne peut que reconnaître les contours de ce faciès tant de fois effleurer, l’éclat de ce qu’elle ne pourra sans doute jamais oublier. Sirène électrisé par les foudres de son passé. « Alors mes plus doux songes m’ont menti. T’es toujours en vie. » Poline. Monstre de ses nuits, empereurs de ses divins cauchemars, dieu de ses plaies. Ces dernières il les a forgé. Venimeuses meurtrissures qui jamais ne guériront, brutalisées par son abandon. Dans les opales de la gamine doucement s’efface la peur, battu sur le champ de bataille de sa désillusion, par sa sœur la rancœur. Longtemps elle a pensé l’aimer, sans savoir si c’était vrai, désormais elle le sait, elle hait. Lui qui est parti, lui qui l’a fuit. « J’avais juré que si je te revoyais, je te tuerais. » Dernière bouffée qu’elle recrache sur ses traits, comme si cela suffisait à les effacer. Amer est leur enfer.

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR BONNIE