Il n'y avait pas réelle raison à cette visite surprise, dans un premier temps. Eulalie n'était pas venue pour être sa spectatrice ; encore moins son témoin. Pourtant, et sans la moindre envie d'être là, Eulalie avait tout vu. Bien évidemment, elle n'était pas intervenue, puisque ce n'était nullement ses affaires et que la jeune voleuse avait appris à éviter les ennuis, à ne pas s'impliquer. C'était tellement plus simple de vivre quand il n'y avait ni conséquences, ni responsabilités et ce principe aurait dû motiver la jeune femme à ne pas s'en mêler. Puisqu'elle n'avait été aperçu, elle n'avait à se justifier, elle pouvait faire ce qu'elle voulait ((jouer à l'ignorante en l’occurrence)). Eviter ainsi de montrer un quelconque intérêt et continuer à la jouer solitaire ; mais des heures plus tard et la brune y pensait encore. Comme si l'image remplaçait le virus dont elle n'avait à s'inquiéter. Demeurant incrustée dans ses pensées, comme un souvenir désagréable dont on n'arrivait pas à se décharger. Et moins elle y pensait, plus il persistait, mais Eulalie était plus bornée et continuait de résister, persuadée qu'elle finirait par oublier l'image et changer de sujet. Elle y croyait sincèrement. Il fallait tout de même se rendre à l'évidence, quand, aux alentours de minuit ((soit quatre heures plus tard)) la jeune brune rencontra l'une des parties de son soucis. Le problème même de sa frustration, celui qui avait causé des emmerdes ; et qui, par extension, avait laissé une Eulalie perplexe et incertaine quant à son implication future ou non. Pourtant, et contre toute attente, la cadette fit une chose qu'elle n'avait pas l'habitude de réaliser. Se déplaçant aussi lentement et agilement que pouvait le faire un chat. Partant à la rencontre de l'homme qu'elle avait vu plus tôt, pas très commode, en compagnie de Bianca.

Traînante près de l'établissement, la voleuse n'était ni une habituée, ni même une rare cliente. Rodant près du bâtiment, Eulalie n'était pas là par hasard ; surtout pas ((jamais, elle avait toujours su où fouler le sol)). Attentive au passage, aux mouvements, à la vie. Se demandant qui dormait et qui ne le faisait pas, espérant que la personne pour qui elle venait était déjà plongée dans les bras de Morphée ou qu'elle était encore occupée, à travailler. Ainsi, elle n'aurait qu'à partir avec l'idée qu'elle avait tout de même fait quelque chose, histoire que son esprit se calme et lui foute la paix. Néanmoins et parce que son subconscient se montrait particulier persistant, son corps la poussa presque de force à pénétrer le lieux, sachant parfaitement par où se diriger. Vers quelle chambre aller. Bien sûr, avec sa chance légendaire, celle-ci se présente comme occupée et seulement par son habitante. Sans cliente et sans sommeil. Alors, avec une confiance en sois feinte et un je m'en foutiste joué à la perfection, la brune entra dans la pièce ; sans prendre la peine de se montrer polie et de frapper ((de toute évidence, les bonnes habitudes ne faisaient pas parties de sa vie)).

« Tiens. » à présent à sa hauteur, la plus jeune des deux femmes empiète sur l'espace vitale de la plus âgée, sans aucune gêne. Venant s'installer sur son lit, comme si c'était le sien ((elle vomirait rien qu'à cette pensée, une chose à elle ? plus jamais)) « Et donc ? Tu les prends oui ou non ? » un objet qu'elle devrait reconnaître, vu qu'il était à elle. Ainsi qu'une bourse remplie qui accompagnait la chose. Des simples "trucs" qu'elle avait voler à un bourgeois idiot. Quelque chose, évidement, qu'elle ne reconnaîtrait pas avoir récupérer pour elle. Elle l'a juste trouvé par terre parce qu'il les avait fait tomber, n'est-ce pas ? C'était clairement le message qu'elle faisait ((ou essayait de faire)) passer à son interlocutrice.

@Bianca Delenikas

En général, la voleuse n'était pas une grande bavarde ; usant des mots uniquement face à ceux qu'elle voyait comme une prochaine victime, uniquement si son interlocuteur ((ou interlocutrice)) brillait assez pour intéresser les poches de la vagabonde. Alors il aurait été facile de lui rendre les objets et de partir, sans un mot de plus, tout comme elle était venue, tout comme elle avait pénétré la chambre. Repartir dans la fraîcheur de la nuit, allant retrouver l’écorce de l'arbre où elle dormirait ce soir. Puisque Bianca ne possédait pas le profil pour être une proie. Et pourtant, la brunette était encore là, bien installée sur le lit confortable, jouant d'une main avec ses cheveux, de l'autre avec les draps. Le regard franc et détaché face à la bourse rendue. Qu'elle ne prendrait assurément pas. « Donne les à ta voisine dans ces cas-là. » Eulalie n'était pas riche, elle vivait au jour le jour avec le butin qu'elle parvenait à récolter. Elle pourrait très bien rester avec sa tribu, ne manquer de rien, mais l'enfant devenue adulte avait besoin de s'envoler d'une rue à l'autre, quitte à manquer parfois un ou deux repas. Prendre cette bourse n'était pas dans ses projets ; la journée avait été bonne, Eulalie avait de quoi tenir pour la semaine, si elle gérait bien. Laissant ainsi choir la bourse entres elles, Eulalie haussa les épaules et prit un ton plus neutre, le mensonge au bout des lèvres, au coin de ses dernières. Mais le regard était malicieux, comme si elle était fière d'elle au final ; ravie d'avoir pu donner une leçon et voler un gros bonnet. « J'étais sur le toit d'une maison pas loin. Le collier brillait à la lueur de la lune. C'est dingue tout ce qu'on peut perdre, quand on ne fait pas attention... un peu de foule et oops. » Au fil du temps, de sa réplique, de son discours, un petit rictus avait pris possession de ses lippes. Très amusée d'arnaquer les autres, de leur prendre ce qu'ils avaient ; surtout quand eux-même l'avaient pris à un tiers.

Et le sourire se dissipa légèrement. Des yeux un peu vides s'accrochèrent à la porte, comme si elle s'attendait presque à voir rentrer ce fameux Ace. Un rire amère se formait en son ventre, chaque possibilité qu'on veuille l'engager, la priver ((de n'importe quelle manière)) de sa liberté rendait Eulalie méfiante. En colère aussi. Pourtant il ne s'était pas réellement passé quelque chose là ; Bianca avait eu un rire léger et, au fond, elle l'avait même complimenté. Mais Lilie était tellement difficile à suivre psychologiquement, qu'on ne comprendrait probablement jamais ce qui pouvait engendrer de telles réactions. Elle se contenta simplement de soupirer néanmoins ((un soupir qui semblait se mélanger entre l'agacement et le rire)) « Je ne lui conseille pas ; je suis incapable de tenir un travail - quel qu’il soit - et je doute qu'il possède la patience suffisante pour ne pas m'étriper. » elle dépouillerait ses clients, c'était plus fort qu'elle et ne ferait sûrement rien avec. Eulalie était le genre à lancer un jeu coquin juste pour attacher son "partenaire" et ainsi le voler sous ses yeux. Elle n'était pas une employée modèle. « Comment est-ce qu'il t'a engagé ? » la curiosité qui l’animait dérangeait fortement la brune, mais les mots étaient sortis si vite qu'elle ne pouvait plus les effacer, ni même les retirer et finissant finalement par s'étirer de tout son corps, comme pour montrer que cette question était juste anodine ; non pas qu'elle s'intéressait vraiment à son histoire.

@Bianca Delenikas

Les pièces firent un bruit qu'elle aimait bien, quand la monnaie s'entrechoquèrent. Un éclat qui intéressait généralement la brune et ce, depuis des années. Un éclat qui faisait briller son regard, qui l'amenait à voler les autres, ceux qu'elle ne connaissait pas. Une détonation qu'elle ignora pourtant ce soir. Puisqu'elle n'était pas d'humeur à récupérer l'argent, et bien décidé à ne pas céder, laissant la bourse à la blonde. Après son discours la voleuse haussa seulement les épaules avant de s'étendre, tandis que Bianca quittait le lit. Il n'y avait pas à dire, celui-ci était très confortablement, ça la changeait de ses matelas naturels. Et elle le fit bien savoir, tandis que ses muscles s'étiraient, comme le chat qu'elle aurait pu être. Un peu rebelle, sans gêne. Elle n'était pas chez elle, mais elle s'en fichait bien, car chaque lieu était comme à elle. C'était sa manière de profiter, ne pas se priver, pour une simple histoire de bienfaisance. Et à croire ou non, elle vivait largement mieux ainsi. En empiétant sur le terrain d'autre, sans jamais qu'o empiète sur le sien.

« Je vois, basique. » elle avait été interpellé tandis qu'elle était affaiblie. Par la mort de son mari, par la douleur sentimentale et si elle ne le comprenait pas, n'ayant jamais ressenti le moindre sentiment, elle n'était pas idiote et se doutait bien qu'il avait été plus facile de l'enrôler ainsi. C'était un genre de stratégie aisée, celles qu'elle aimait bien, un peu lâches, mais particulièrement efficaces ((du moins c'est comme ça qu'elle le voyait)). Le regard accroché au plafond, Eulalie était presque tentée d'imaginer la vie qu'avait ces filles au boudoir. Et elle était persuadée que ce mode de viene lui plairait absolument pas. Des brides de souvenirs traversaient ses iris, lui rappelant les beaux mûrs de son enfance, ceux dont elle avait en horreur à présent. « Promesses tenues ? » elle se demandait, très curieuse cette fois, si tout ça en valait le coup. Si sa naïvité de l'époque était toujours là, sa douleur aussi d'ailleurs. Si ça lui convenait de vivre ainsi, enchaînée aux plaisirs d'inconnus qui payaient pour s'occupe un peu d'eux. Ridicule.

Et Eulalie revenue à Bianca un peu surprise, c'était une question qu'on lui avait peu de fois posée. Une question à laquelle elle répondrait assurément non. Parce que l'humaine ne pouvait pas se le permettre, s'intéresser à quelqu'un c'était se créer une faiblesse, être retenue dans une relation, qu'elle soit positive au non, amicale ou amoureuse. La plus grande peur de la brune, très méfiante et craintive de cette condition. Pourtant, elle sentait comme une détresse dans l'attitude de la prostituée et très étrangement, Eulalie n'avait pas envie d'être rude, refusant presque de la blesser. Alors un rictus naquit aux coins de ses lèvres d'ores et déjà amusée. « Tu es vraiment très jolie, moi aussi et on ferait un très beau couple, mais je n'ai pas l'intention de devenir ta cliente chaton. » et d'un rire, la voleuse évitait tout de même le sens premier de sa question. Jouant avec le second, un peu sotte ((d'apparence)). Elle faisait l'effort de ne pas la rejeter honnêtement ((pas qu'elle ne l'appréciait pas - au contraire même - mais des années de solitude étaient ancrées dans ses veines)) puis poussant la plaisanterie, Eulalie prit une pause très aguicheuse, mettant bien en avant les formes de son corps. « Pourquoi, je te plais tant que ça ? » langue tirée, Eulalie s’essaya, réchauffant ses mains sur sa tasse.

Attentive à sa dernière question. Hésitante aussi. Eulalie ne parlait pas de ces choses-là, elle ne le pouvait pas et ne préférait pas. Moins on en savait sur elle, moins elle était vulnérable. Elle ne se braqua pas pour autant, sans s'en rendre compte elle s'était montrée bien plus curieuse que d'ordinaire et pensa un instant que Bianca pouvait elle aussi l'être. Alors, toujours avec ce désintérêt total, Eulalie profitait du thé, sucré, qui lui faisait un bien fou. Les yeux suivant le mouvement du liquide. « Je suis née humaine. C'est tout. » et c'était vrai en soi, rien de bien compliqué. Juste ça, un parasite parmi les dieux. Et si elle ne le voyait pas comme ça, mettant tout le monde dans le même bateau, les autres n'en faisaient pas autant. « On a décidé pour moi, par le passé, de ce que je deviendrais. Et j'ai juré que personne n'aurait ce droit ; alors pas d'attaches, et une liberté certaine. Elle mérite les sacrifices nécessaires. » elle ne troquerait jamais sa liberté évasive, même pas pour avoir une amie. Elle en était persuadée. Vraiment.

@Bianca Delenikas