Son regard se coule sur le divin, pour mieux s'en détourner, lui échapper. Elle est furieuse, la douce est redevenue sauvage face à cet homme qu'elle ne peut avoir, coincée dans les bras de sa fiancée, blonde sulfureuse et incendiaire qui attise la jalousie de la fille myosotis. Elle s'agite, coincée dans une de ses tenues bien trop distinguée. Elle en regretterait presque l'uniforme beige dont on affublait les adiutors pour ce genre d'occasion. Une combinaison pantalon qui mets en valeur la silhouette longiligne de la petite guerrière. Ses cheveux indomptables coulent dans son dos, se mouvant au rythme de ses mouvements. Elle laisse son regard coulé sur l'assistance, demeurant à proximité de son précieux roi sans couronne, essayant les œillades désabusés qu'on lui lance à la dérobée. Elle leur sauterait à la gorge, si elle n'était pas contrainte par la bienséance. Elle s'estime déjà heureuse de ne plus être complètement détraquée par les affres du virus, évitant ainsi d'envoyer valser le moindre objet se retrouvant à la portée de son terrible don. Elle erre, la douce, attrape une coupe de champagne qu'elle s'envoie d'une traite pour se libérer d'un verre trop encombrant. Elle enfouit ses mains dans ses poches, laissant son regard se  heurter à nouveau au séduisant Khodja. Son regard sombre croise le sien. C'est déjà trop tard, bien trop tard. Elle pince les lèvres, envieuses. Foutue obsession qu'il a éveillé en elle depuis qu'elle le sait promis à une autre. Elle est dévorée par le désir. Maudit soit ce démon et l'emprise irrésistible qu'il a sur elle. D'une regarde entendu, la créature mêlée lui indique un couloir peu fréquenté. Elle s'y aventure, sans attendre la moindre réponse de la part du ténébreux. Il pourrait tout aussi bien abîmer la fierté de la belle en la laissant seule alors qu'il se pavane au bras de la sublime Swanson. Mais elle connaît la noirceur qui brûle en lui, parce qu'elle partage cette fièvre dévastatrice et incontrôlée... trop sauvage, indomptable. C'est le début des ennuies, elle ne le sait que trop bien. Elle s'enfonce dans les couloirs sombres, inoccupés, les invitant préférant se gaver des oisivetés de la réception royale. Elle se pose finalement contre un mur, son pied se soulevant pour se poser lui aussi contre la pointe. Elle toise l'ombre qui approche, sans qu'aucun sourire ne vienne se glisser sur ses lippes maquillées. Elle lui sied à merveille, l'obscurité, alors que ses orbes viennent à nouveau accrocher celle du prince argent. Si j'en crois tes lettres, tu voulais me voir. Alors, maintenant que tu m'as vu? Détestable gamine, elle n'est pas prête de s'avouer à quel point elle l'a dans la peau.

Paré du masque invisible de la tromperie, le Khodja semble faire son marché tandis qu’il déambule dans la foule de nobles, Marlys a son bras. C’est elle qui mène la danse, l’emmenant de groupe en groupe et il se laisse faire Zahir. Parce que c’est exactement ce qu’il espérait en venant à cet événement, voir son prénom se dessiner sur leurs lèvres teintées de carmin, déjà souillées par le vin. C’est pourquoi il leur sert des sourires timides plein de modestie, s’amuse de ce rôle dans lequel ils sont si vite et aisément tombés, Marlys et lui. Pour qu’il se rappelle à leur bon souvenir une fois la mascarade finie. Mais chaque fois qu’il parvient presque à oublier sa présence dans la salle, la maudite trouve le moyen d’accrocher son regard, de le défier même, lorsqu’elle le croise. Elle est si délicieuse, cette jalousie qui la ronge, qui fait briller ses yeux sombres et pétiller de plaisir le turquoise des siens. Il peut presque sentir la tension qui l’habite, le combat intérieur qu’elle se livre, entre désir et fierté. Parce qu’il n’a fait que raviver les braises depuis qu’ils se sont croisés, prenant son temps, attendant sagement de pouvoir profiter du brasier qui ne tarderait pas à brûler dans chaque parcelle de son être. Et la voilà enfin qui cède, qui l’invoque d’un léger signe de tête qu’il sait parfaitement comment interpréter. Fidèle à son rôle, le Khodja se baisse pour effleurer l’oreille de Marlys, y chuchotant une excuse quelconque pour s’éclipser sans soupçons, n’oubliant pas de ponctuer sa tirade d’un baiser chaste sur sa joue fardée pour l’occasion. Il devine, plus qu’il n’est certain, qu’elle éprouvera un léger soulagement face à son absence. Peut-être parce qu’il partage exactement la même sensation. Un soupçon de liberté amer, tristement éphémère, dont il compte bien profiter en suivant les traces de la mêlée.

Avec Aléa chaque seconde est comptée, c’est pour cela qu’il se force à dompter les battements de son cœur. Il veut profiter de chaque pique, de chaque regard courroucé pour mieux pouvoir les chasser d’un baiser volé. Il est prêt à prendre des risques, à tester son audace, pour faire de ses envies une réalité. Tout pour oublier, l’espace d’un instant, cette comédie forcée et simplement céder à ses pulsions égoïstes. Passer en premier. « Si j'en crois tes lettres, tu voulais me voir. Alors, maintenant que tu m'as vu? » Il la détaille dans l’obscurité, sans un mot, plongé dans un silence qui en dit long face à son manque d’éloquence. Ses iris épousent chaque courbe, effleurent chaque centimètre de peau visible, comblent chaque détail manquant à renfort d’imagination. Il prend son temps Zahir, de bien la voir, de donner encore plus de poids à cette question qu’elle a posé et dont la réponse reste suspendue dans l’air, attendant d’être prononcée par le Khodja. Puis, enfin, il s’avance pour réduire la distance qui les sépare. « Maintenant que je t’ai vue Aléa, je compte te toucher. » Il n’attend même pas son aval lorsque ses doigts caressent son épiderme embrassé par les ombres. Commençant par sa mâchoire et s’arrêtant sur sa nuque, certain d’être le détenteur de chaque centimètre carré effleuré. « Ton mauvais caractère m’avait manqué. » Avoue-t-il à demi-mot pour s’assurer de la garder dans ses filets, cachant un sourire triomphant face à la chair de poule qui gagne la mêlée. Il fait néanmoins rapidement taire la réaction de sa belle en concentrant la chaleur de son élément dans la paume de sa main. Il n’y avait pas qu’elle qui se consumait pour lui.

Elle le toise, l'enfant sauvage, avec toute la désinvolture dont elle peut faire preuve. Elle et son foutu caractère, elle et ses orbes sombres qu'elle vient furieusement ancrer dans les yeux translucides du ténébreux. Elle le toise, nonchalante, intouchable, elle lui balance à la gueule des foutues illusions alors qu'elle relève le menton, trop fière pour s'abandonner aussi facilement à lui. Si seulement son corps ne hurlait pas d'un désir inassouvi, si seulement sa proximité ne lui coupait pas le souffle, accélérant les battements irrégulier de son cœur. Maintenant que je t’ai vue Aléa, je compte te toucher. Un sourire sardonique qui fend ses lèvres. Ses sourcils qui se soulèvent, comme pour le mettre au défis, alors qu'elle crève d'envie à l'idée d'être touchée de la sorte. Sa peau vient la trahir, délivrant des frissons qui lui parsème délicieusement la peau. Et pourtant, elle est toujours là, devant lui, indomptable, inatteignable. La distance disparaît, faisant tomber ces foutus barrières qu'elle avait élevé pour se protéger contre lui, contre la faiblesse qu'il représentait, détestable tentateur qui hantait ses nuits. Ton mauvais caractère m’avait manqué. Un battement de cœur. Un battement de cil. Et voilà qu'il distille sa chaleur, éveillant en elle les affres d'un désir trop longtemps dissimulé. Dois-je comprendre que la magnifique poupée que tu traînes à ton bras est un peu trop docile? Une impulsion de son pied contre le mur et voilà que la fille au bracelet myosotis se propulse contre l'enfant des flammes, réduisant à néant la distance qui séparait leur deux corps. Elle glisse ses doigts contre son torse alors que son regard reste ancré dans les iris céruléennes du bellâtre. Depuis quand t'es devenu le prince charmant, Khodja? Je savais pas que c'était ton genre... Elle attaque, sale gosse, elle ne pense qu'à l'atteindre, sans prendre conscience qu'elle se blesse quelques part en chemin, elle se brûle les ailes, à force de jouer avec le feu. Il n'était pas comme les autres... Et c'était bien ça le problème. Il prenait bien trop de place, obsession malsaine qui s'insinuait sournoisement en elle, obnubilait chacune de ses pensées. Non... T'es toujours le même foutu connard, on le sait tout les deux. Sourire désastreux sur les lèvres de la douce, alors que ses murmures effleurent les lèvres de l'ange des enfers.