C’était ton premier jour à l’académie et tu savais déjà que tu allais détester cet endroit. Oh t’avais rien contre le bâtiment en lui-même. C’était grand, avait pleins d’endroits à explorer et où tu planquer, et plus important, tes frères et sœurs et toi étiez nourrit, blanchit et logé. Oui t’avais rien contre le bâtiment en lui-même. Se habitants par contre. C’était juste une autre putain d’histoire. T’avais jamais rencontré de maîtres avant. Enfin si. Mais tu ne leur avais jamais parlé. Et maintenant que c’était le cas, tu regrettais que ce ne soit pas resté ainsi. T’appréciais pas de te faire traiter comme un chien et encore moins être appeler ainsi. Le truc c’est que, eh bien, t’étais petit. Et maigrichon pour ton âge. Et avec ta tignasse ébouriffée, tu présentais plus une figure de chaton mouillé que celle d’une véritable menace. Alors bien évidemment, c’est sur toi que sont tombés les gamins sans bracelet en premier. T’as pas régit au début, car à prêt tout, les remarques sur les petites vertus de ta mère étaient vraies. Ça a commencé à dégénéré quand ils ont remarqué l’énorme marque de brûlure en forme de mains tout autour de ton cou. Tu l’aimais pas cette marque. T’avais encore des cauchemars du jour où tu l’avais eu. Et tu supportais juste pas qu’on la touche. Donc quand l’un des crétins a approché sa main pour voir si c’était une vraie, tu l’as mordue. Fort. Après, ça a été un peu le bordel. T’es pas vraiment sûr de ce qui s’est passé mais ça a fini avec toi, couvert de bleus, leur foutant une raclée et eux chouinant sur le sol. Ces bébés. Ils sont partis après ça et tu savais qu’avant la fin de la journée tu te retrouverais dans le bureau du directeur pour mauvaise conduite. Tempi. T’étais habitué de toute façon.

Sans grande surprise donc, tu es bel et bien allé dans le bureau du directeur. On t’as demandé de t’excusé pour les avoir agressé. Tu as refusé. Tu regrettais pas et ils le méritaient. Étrangement quand tu as dit ça, le monsieur a pas apprécié. T’as été puni. Eux non. Ça ne te surprenait pas non plus ça. T’avais beau avoir 11 ans, on t’avait toujours fait comprendre que tu valais moins qu’un maître. Bien. Ça prouvait juste une nouvelle fois que tu pouvais compter que sur toi-même pour régler tes problèmes.

C’est donc quelques jours plus tard, la joue arborant un superbe bleu donné par un maître à qui tu avais cassé le nez pour t’avoir traité de chien, que tu allas à ton premier cours. Etude historique du royaume et de son histoire. Ça sonnait barbant. Tu te voyais déjà gigoter sur ta chaise en te forçant à rester assit plus de cinq minutes. Surtout que tu serais seul pour ce premier cours à l’académie, tes frères et sœurs étant dans une autre classe que la tienne. Ouais. Ça allait être l’enfer. C’était même pas comme si tu le faisais exprès : tu n’arrivais juste pas à rester dans une même position sans rien faire.

Le professeur n’était pas encore là quand tu arrivas. Tu allas alors t’assoir à la première table à ta portée. Quelqu’un y était déjà assit d’ailleurs. Une fille de ton âge avec une longue tignasse brune. Tu t’approchas d’elle avant de parler. « Je peux m’assoir là ? » Si le ton n’était pas spécialement gentil, il était au moins poli. Tes frères et sœurs d’avaient suffisamment tanné sur le fait d’essayer de laisser une bonne impression. T’avais jamais comprit l’intérêt, mais tu voulais bien essayé avec la fille brune en face de toi. Elle était mignonne en plus.

(18 years ago) Le jour de la rentrée était arrivé. L’académie ouvrait ses portes à une nouvelle procession d’élèves. Parmi eux, une gamine avec des rêves pleins la tête. Désireuse d’apprendre et trouver remède à tous les maux du monde. Avant de mourir, ses parents lui auront au moins appris une chose ; son savoir et son intelligence allait pouvoir servir à faire le bien. Sa mère avait dédié sa vie pour le bien-être des autres et elle avait transmis cette passion à la petite. Elle était excitée et éblouie lorsqu'elle arriva entre les murs de sa nouvelle école. Elle découvrait les couloirs, les salles de classe et observait les autres étudiants présents. Certains étaient plus vieux et clairement plus sûrs d'eux. Alors que les autres enfants de son âge semblaient tout à fait perdus. Mais pas Rhaena. Elle avait mémorisé la carte des lieux depuis longtemps, et son cerveau surhumain lui permettait de ne pas en oublier un seul détail. Oui, son bracelet vert était une fierté pour elle et elle ne le cachait pas. La tête haute, le regard brillant, la gamine se dirigea vers sa première classe. Elle arriva dans la salle avant tous les autres.

Elle était plongée dans la lecture d'un recueil lorsqu'une voix près d'elle lui demanda la permission de s'asseoir à la même table qu'elle. La jolie brune tourna des yeux curieux vers le nouveau venu. Elle capta la couleur de son bracelet. Jaune. Ceux à la réputation dangereuse. Êtres craints. La jeune fille ne comprenait pas pourquoi ils étaient si redoutés puisque le jeune garçon devant elle ne semblait pas bien méchant. Elle remarqua aussi le vilain bleu sur son visage et se demanda tout de suite ce qui pouvait s'être passé. Rhaena n'a pas côtoyé beaucoup de maîtres dans sa vie en dehors de son père alors elle n'a pas vraiment été témoin de la discrimination. Et à l'orphelinat après leur mort, elle n'était entourée que de mêlés rejetés à cause de la nature de leur sang. C'est en voyant leur état qu'elle avait décidé d'un jour les libérer du joug des Maîtres. La parole avant les actes. Oh comme elle ignorait à ce moment ce qu'elle allait un jour devenir... Mais l'enfant d'à peine onze ans était encore innocente et naïve. Délicate fleur encore vivante sous les rayons du soleil de sa jeunesse. Elle ne voyait donc pas d'inconvénients à laisser le garçon s'installer à ses côtés. Elle n'avait pas encore parlé à grand monde pour dire vrai, trop occupée à garder son nez fourré dans ses bouquins. « Oui oui, assis-toi. » Elle lui fait un peu de place. « Comment tu t'appelles ? » demande-t-elle avec nonchalance et douceur.

Tes yeux se baissent sur le poignet de la petite brune assise devant toi. Vert. Un gros cerveau donc. Ceux que tu considérais comme étant les plus normaux de ta race. Dans ce jeune esprit qui était le tien à l’époque, tu les trouvais presque inoffensifs comparés aux autres mêlés. Un esprit fort, mais qui ne faisait pas mal. Voilà une drôle de contradiction chez une espèce acclamée comme étant monstrueuse. Mais tant mieux si l’adorable fillette devant toi n’était que verte. De ses mains tu ne souffrirais donc pas. Pas comme tu l’avais avec une autre brune dont le bracelet n’était que rouge. Les marques sur ton cou te démangèrent soudainement à cette pensée. « Oui oui, assis-toi. » La petite fille se décala pour te faire de la place et hochant la tête tout simplement, tu t’assis sans rien ajouter. Posant ton sac de toile en silence, tu commenças à sortir tes affaires quand ta camarade reprit la parole. « Comment tu t'appelles ? » Tu tournes ton regard vers l’inconnue et hésites à tout simplement lui dire que ça ne la regardait pas. Tu n’avais pas envie de le lui donner. Pas plus que tu avais envie de la connaitre, quand tu y pensais. Mais tu te retiens. Tes frères et sœurs seraient fières de toi, eux qui cherchent depuis des années à t’inculquer manières et savoir-vivre. Ironique quand tu peux les entendre jurer autant que toi. Alors tu te contentes de lui répondre simplement. « Airen. » C’est ton prénom et que tu n’as que ça à lui donner. Les enfants de catins n’ont pas de famille après tout. Après un instant d’hésitation, tu ajoutes tout de même : « Et toi ? » tant par souci de politesse que par curiosité. Te référer à elle en tant que « la brune » devenait ennuyant à force.

Ton regard se baisse encore une fois machinalement sur le livre dans ses mains. Tu n’arrives pas à en lire le titre totalement, ton éducation souffrant toujours des trois années passées à essayer de survivre les rues plutôt que passées sur les bacs de l’institut. Tu plisses le nez mais non, certaines lettres te semblent toujours étrangères. De ton petit doigt enfantin, tu désignes donc le titre de l’ouvrage qui te fait offense pas son incompréhension. « C’est quoi le titre ? » que tu demandes avant de grimacer légèrement par la rapide douleur que te procure ta joue meurtrie.