L'illégalité est pour certains une drogue, et le mêlé en face de lui est encore sous ses effets. Il se sourit, content de son dernier coup qui a tranché une ligne rouge sur le bras d'Eiran et il pue la satisfaction. Mais Eiran ne sourit pas, et son regard est trop sombre. Ce n'est pas l'adrénaline qui pulse dans ses veines comme pour l'autre mêlé. Il se bat parce qu'il n'a que cela, désormais, parce qu'il est mort et que seul l'attaque lui permet de se sentir vivant. L'argent ne l'intéresse pas, et le monde autour de lui a explosé comme les bombes qu'il a déclenché des mois plus tôt. Il détonne au sein des combattants du Trou parce qu'il se bat pour des raisons qu'il garde secrètes, parce qu'il est un véritable guerrier au milieu de ces mercenaires sans honneur. Mais le sien est en pièce, et la Ligue crie encore dans son esprit, réclamant son du. Il lui doit tout à la ligue, et il lui a tout donné. Alors il traîne dans le trou pour ne pas rejoindre les rangs de cette résistance qui l’avait fait grandit au point d’imploser. Il se cache de ses sentiments pour une autre mêlée qui n’a jamais voulu de lui autant qu’il la voulait, et il ose prétendre que ses agissements ne sont que pour l’honneur, pour rendre à Medea ce qu’il lui doit. La pensée le fait sourire et enrage l’autre qui n’a toujours pas comprit qu’il ne peut pas gagner. Il essaye d’attaquer, une ultime fois, mais Eiran riposte et son épée vient violemment se planter dans l’épaule du mêlé qui se retrouve projeté au sol. Eiran appuie sur le fer et le cri de douleur de son adversaire ne résonne même pas dans son esprit. Il parcourt les tribunes de ses yeux, et son nom est scandé comme celui du victorieux, mais Eiran n’en sourit pas d’avantage. Le bronze qui a vendu la peau de son mêlé vient le récupérer et un rictus mauvais étire les lèvres de l’orange dont les mains se referment sur du vide, mais désirent un cou. Il ose imaginer la mort du bronze, et son esprit se souvient du bracelet orange qui faisait frémir les maîtres de l’académie. Alors il tourne les talons, son épée précédent ses pas, les gouttes rouge des cailloux pour enfants perdus.
Il empoche l’argent qui est maintenant le sien, les pièces s’enfonçant dans sa paume trempée par le liquide de vie qui s’échappe encore de sa plaie. Mais la douleur est une constante qu’il a trop tôt après à gérer. Une fois sortit de l’arène, sa respiration devient plus facile, et ses traits prennent une apparence fatiguée. Il passe sa main libre sur son visage, dessinant les contours d’une mâchoire lasse et des yeux fades. Son bras semble vibrer, sa peau chauffant suite à la blessure, et il se dirige vers un endroit tranquille, s’asseyant rapidement. Il pose sa main sur sa plaie, tentant vainement d’arrêter le flux de sang, mais pourtant son esprit est ailleurs ce soir, et il ne semble pas capable de se concentrer sur le fait qu’il devrait panser sa plaie. Il laisse sa tête heurter le mur derrière lui, un souffle long répondant à la douleur sourde du choc. Il ferme les yeux, et il inspire, il aspire à une autre vie qu’il n’aura jamais et il sourit, des perles blanches dévoilées à un monde qui n’en a que faire de lui. Pourtant, ses lèvres continuent de s’étirer alors qu’il change la direction de ses pensées. Il ne souhaite pas tomber dans la morosité d’un homme qui ne fait que se plaindre ; s’il en est arrivé là, c’est suite à ses choix, que même maintenant il n’arrive pas à regretter. Si son diaphragme s’étend encore pour accepter l’air dans ses poumons, c’est grâce à cette silhouette qui se dirige vers lui, qui saute à ses yeux désormais ouvert. Il pourrait la reconnaître au milieu d’une foule, Medea. Eiran la connait depuis trop longtemps pour ne pas avoir appris sa manière de se déplacer, celle d’un félin qui n’essaye même pas de courber sa puissance. Il la dépasse de plusieurs centimètres et pourtant, elle n’a jamais montré que la différence de taille pouvait l’intimider. Peut-être parce qu’ils sont des oranges, et que leur corps n’est qu’une arme secondaire devant la puissance de leurs esprits. Peut-être même parce qu’il a beau être un soldat, il n’en reste pas moins un des nombreux hommes perdus de la capitale sous le joug des faveurs de l’autre mêlée. Ils ont grandis ensemble, et ils se sont séparés lorsqu’ils ont suivis leurs maîtres respectifs. Mais la différence de relation entre les duo est flagrante, d’autant plus qu’Ace Kimora détient tout le respect de Medea alors qu’Eiran a plongé ses griffées acérées dans l’esprit de son maître qu’il a forcé à se suicider. « Déjà là pour me féliciter de ma victoire? » demande t’il, un sourire arrogant sur les lèvres. Le fantôme du gamin charismatique de l’Académie règne encore sur ses épaules, ce gamin qui avait tout pour lui, à la rage contradictoire, à l’espoir naïf.