La douleur ne cesse de la lancer, elle sent encore la lame sous sa peau, elle a toujours l’impression que le métal est logé dans sa cuisse. Dans son crâne, le couteau est toujours là, il infecte son petit corps menu, il fait tâche dans la cuisse de la poupée. Pourtant, sa jambe est immaculée. Coincée entre ces quatre murs, chez un espion du mouvement, elle se remet de cette bataille imprévue. Ses yeux fermés, elle repose sa tête sur le dossier de sa chaise, elle attend que ça passe. Elle sent le bandage lui serrer la jambe et elle arrive pas à se concentrer sur autre chose, c’est comme un tiraillement qui s’étend dans chaque parcelle de son corps, un trou qui se répare peu à peu et qui la punie d’être aussi imprudente, impulsive. Sa seule satisfaction c’est de savoir que l’autre doit être dans un sale état, son sabre s’étant logé dans l’abdomen du blond. Pourtant elle peut pas s’empêcher d’être en colère, elle veut retrouver le bâtard et le faire souffrir, elle veut qu’il paye pour laisser cette sale cicatrice sur le corps de la brune. C’est la douleur qui fait ça, mais elle se connaît. L’envie de tuer le salopard sera toujours là dans quelques semaines, elle est rancunière, la haine se lit sur son visage et ses lèvres ne font que murmurer la violence. Les jointures de ses doigts fins sont blanches alors qu’elle serre la table un peu trop fort. Un sentiment de malaise constant ne fait que la suivre depuis qu’elle est revenue à Launondie et elle veut quitter cette ville maudite le plus vite possible, la chaleur étouffante ne l’aidant en aucun cas à s’apaiser. Cette robe trop légère pour l’aider à supporter les températures et aérer sa blessure ne fait que la rendre plus vulnérable, elle se sent pas bien ici, c’est toute une vie qu’elle a laissé derrière qui se trouve dans les rues de la capitale. Le voyage devait mal se passer, elle l’a su dès qu’elle a posé un pied ici, elle l’a senti. Le pressentiment ne se trouve que validé alors qu’elle doit attendre encore un peu avant de rejoindre Céréza. Elle pense à Isao, à la dernière fois où ils se sont vus, elle se demande où il est. Sûrement toujours au Trou, à tuer des gens, des mêlés, des maîtres. L’odeur de l’électricité parcours la pièce alors que l’étrange pouvoir de la poupée ne cesse de se démontrer, ici et là, alors que la douleur et la rage ont pris possession de son corps. Ses cheveux lâchés, ils vibrent presque de cette pression constante. Elle aurait pu rester comme ça des heures, assise là, à attendre que la blessure se referme, en position de risque dans cette ville remplie d’ennemis. On vient l’informer d’un visiteur et elle soupire. Elle veut voir personne si ce n’est sa sœur. D’un geste de la main, elle rejette la demande. Ses yeux se referment doucement, elle veut retourner à ce sommeil artificiel, cette mascarade qu’elle joue pour qu’on la laisse tranquille. Elle entend des jurons, un verre se briser et la porte s’ouvre pour laisser entrer un homme, grand, brun, le regard froid. Ansgar. Il transpire l’hostilité, elle peut inspirer la tension qui s’émane de lui d’ici. Elle a envie d’afficher un sourire moqueur, elle a envie de le voir partir, elle a envie d’hurler. Mais elle peut pas, elle doit continuer de jouer son rôle, c’est une princesse perdue, c’est une princesse déchue. L’homme à qui on l’a enchaîné, c’est lui et elle doit continuer de mentir. Ansgar ? Elle dit ça de sa voix innocente mais on peut entendre l’aigreur dans ses paroles, la douleur l’empêchant de se concentrer complètement. La situation est compliquée, dangereuse. Elle observe ses traits, elle les analyse, comme elle l'a fait tant de fois par le passé, à chaque fois qu'on l'a forcé à se retrouver en sa présence. Thae entend encore son père lui dire à quel point cette alliance sera bénéfique. Et encore une fois, elle ne voit qu'en lui une chaîne à ses pieds. Cette personne en face d'elle, c'est une de ses énièmes prisons à la poupée. Comment tu as su que j’étais là ? Question pressante, elle veut se rassurer, savoir si sa position est sûre.

@Ansgar Kimora

Cette femme dont tu rejettes la présence à tes côtés est ta future femme, ne t’imagines pas une seconde pouvoir négliger cette union. Ses mots qu’il ne cesse de relire, ne font qu’animer cette animosité qu’il ressent à l’égard de ses fiançailles. Alliance mûrement réfléchi par leur patriarche respectif. Lié à une femme dont le coeur ne battra sûrement jamais pour lui. L’amour, ce sentiment si pur, n’est que secondaire pour des enfants appartenant à des familles dont le rang demande une prestance constante. Les quelques mots échangés lors de rencontre officielle étaient murmurés, trahissant un certain embrassement entre les jeunes fiancés. Ils ne s’attendaient pas à ce que leur vie soit chamboulée de la sorte … Ils appréhendaient effectivement cette éventualité qu’un jour leur âme soit uni à une autre, mais ils ne s’imaginaient pas que cette fatalité arriverait si vite. Thae Yinren. Patronyme emplie de douceur pour celle qui devrait faire palpiter le coeur de l’éphèbe, mais son myocarde reste de marbre et s’enfonce un peu plus dans cette froideur qui le caractérise. Abîmé par la bataille qui fait rage à Eartanera, elle a  été rapatrié à Launondie pour que des soins lui soient prodigués le plus rapidement possible. Occupé à trouver l’introuvable, Ansgar n’a pas eu vent de cet incident, négligeant un peu plus sa fiancée. Négligence qui fut rapporté à son père, qui ne tarda pas à lui faire part à travers des mots couchés sur papier de sa capacité déconcertante à le décevoir perpétuellement. Il avait manqué à son devoir de fiancé, il avait fait courir des rumeurs que son père n’acceptait pas. Sa prochaine visite au manoir des Kimora n’en serait que plus difficile. Ecouter les remontrances de son père n’aiderait en rien le jeune Kimora à calmer cette tension qui le faisait vivre. Mais sa venue n’étant pas pour tout de suite, il s’infligea le devoir de rejoindre la demeure où résidait Thae pour prendre comme il le devrait de ses nouvelles. Sa décision de partir combattre n’était pas la sienne, et la poupée était parfaitement dépendante et mature pour prendre position comme elle le souhaitait au sein d’un combat. Il replaça sa capuche sur le sommet de sa tête, dissimulant en un mouvement du bras sa présence au sein de la taverne. Il chiffonna cette lettre remplie de rancoeur avant de la jeter dans la cheminée à ses côtés. Les mots acerbes disparurent dévoré par les flammes, mais le sentiment qui ronge son coeur lui est toujours là. Il s’échappe de ce lieu obscur afin de rejoindre sa prochaine destination. Alors qu’il est en perpétuellement mouvement, cette fois-ci le maître de l’eau va devoir s’armer de patiente et veiller sur celle qu’il est supposé appelé sa « bien-aimée ». Sa visite n’est pas prévu et il voit déjà l’expression de surprise se dépeindre sur le visage de poupée de la jeune Yinren. Alors qu’il s’immisce dans le manoir, il fut happé par le premier serviteur qui se trouva sur son passage. Dérouté par la présence d’Ansgar, le serviteur s’empressa de prévenir sa maîtresse qui fut catégorique. Il semblait qu’elle ne souhaitait voir personne, même si ces mots ne te touchent pas, elle semble oublier soudainement les bonnes manières qu’on lui a inculqué étant jeune. Impossible pour le jeune homme d’attendre les explications et le refus qu’a pu fournir Thae et d’un mouvement brusque il le bouscula afin de passer, faisant chavirer le plateau de verre qu’il tenait en main. Il est rare qu’il prenne du temps pour ce genre d’accident et entre dans la pièce où se trouvait sa douce fiancée. Vos regards se croisent et il peut lire en elle cette hostilité à son égard qui faisait écho à la sienne. Alors que vos points de vus divergent continuellement, les sentiments qui vous animent à l’égard l’un de l’autre sont pourtant bien similaire. L’amour n’a jamais existé, il n’a même pas eu le temps de s’estomper avec le temps, il a juste passé son chemin lorsqu’il vous a croisé. Son prénom s’échappe de ses lèvres. L’étonnement se lit sur ses traits et elle semble analyser le moindre de ses mouvements. Le Kimora entend les murmures derrière eux, ils ne sont pas seuls et l’histoire de votre romance dépeint par ce monde à votre sujet est bien loin de la vérité. « On m’a appris que tu avais été blessé lors de la bataille. » explique-t-il le plus calmement possible, par « on », le jeune homme sous-entend son père et la demoiselle comprendra rapidement que le sien doit se trouver derrière tout cela aussi. « Excuse moi de ne pas être venu plus tôt, j’étais déconnecté de la réalité et les nouvelles viennent seulement de me parvenir. » Mensonge. Il avait eu vent de ce qu’il se passait dans la nation de la terre, mais n’avait pas cherché à en savoir plus. Maladroitement, il s’approcha de Thae, ses doigts replacèrent une mèche de cheveux derrière son oreille et il se força à étirer ses lèvres en un sourire, sûrement peu conventionnel. Il n’était pas à l’aise avec ses faux-semblants et se sentait pris au piège dans une réalité qui n’était pas la sienne.