L’inhumaine déesse des ombres se tenait reculée au fond d’un antre qui lui appartenait, où elle pouvait s’adonner à tous ses vicissitudes et son incommensurable perversité. Ses cheveux sombres entouraient son visage de poupée, cependant dénaturé par un maquillage bien trop prononcé pour ses doux traits angéliques. Drapée dans une immense robe pourpre, d’une complexité à en perdre la tête, la cruelle mercenaire présidait une assemblée débauchée et dévoyée. Et elle était leur reine à tous. Celle qui les entraînait, toujours un peu plus, vers les abîmes d’une folie incurable. Sa propre folie. Ce domaine sur lequel elle régnait en grand tyran. Mance parti pour des tâches auxquelles elle ne comprenait rien, la terrible maîtresse des esprits laissait ses doigts invisibles s’insérer dans tous les esprits présents autour d’elle. Et ils se tenaient à genoux, la vénérant comme elle le méritait. Après tout, elle devait combler le temps avant le retour de sa nouvelle obsession, de son amant favori. Et rien n’était plus amusant qu’une véritable orgie romaine. Retrouver ses pouvoirs était semblable à une véritable renaissance, pour elle. Parce qu’elle était n’était plus vraiment Feyre Mormont, sans ses pouvoirs pernicieux et diaboliques. Parce qu’elle s’était construite au travers de ces dons, qui en étaient même venus à la définir dans son entièreté. Mais sa joyeuse assemblée fût bientôt troublée par l’apparition d’une âme en peine, esseulée et en proie à des tourments indicibles. Son cher petit Milo, disciple de la plus terrible des créatures d’Aksana. Rapidement, il tomba à ses pieds, enserrant ses genoux de ses larges bras. Petit oiseau venant chercher du réconfort auprès de sa grande Prêtresse, de celle qui lui montrait la voix du crime et du vice, un peu plus chaque jour. « Délivre-moi d’elle, de ses maléfices. Arrache-la de mes pensées, comme si elle n’avait jamais existé, que je puisse renouer avec la vie. Débarrasse-moi d’elle. » Ses petits yeux implorants se posèrent sur elle, dans une supplication silencieuse. L’esprit de Feyre pénétra violemment dans celle de l’autre orange, qui se tenait recroquevillé contre ses jambes. Parce qu’il savait reconnaître sa supériorité. Parce qu’il avait besoin d’elle. Toujours plus. Parce que la Mormont s’était incrustée, éternellement, au plus profond de son âme. « Je vois que cette méchante Asghari te fait encore de la peine, mon ange. Ce n’est pas très gentil de sa part, si tu veux mon avis. Tu devrais tomber amoureux de quelque d’autre. Ou devenir comme moi. Sans humanité, pas de sentiments. Sans sentiments, pas de tristesse. » Elle haussa les épaules, incapable de véritablement comprendre la tempête qui sévissait dans l’âme de celui qu’elle considérait presque comme un enfant. Un enfant qu’elle n’avait de cesse de pervertir, bien entendu. Ses doigts se perdaient dans la chevelure du jeune homme alors que, concentrée, elle reprit : « Je peux le faire, Milo. Je peux tout faire. Je ne suis pas née Reine pour rien. Mais toute magie vient avec un prix. Et le mien est toujours élevé. »