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         Tu étais de retour à Launondie depuis quelques minutes seulement et tu avais abandonné Elizaveta Valaeris sans cérémonie pour déambuler fiévreusement dans les couleurs du Palais des Flammes. Tu étais obsédé par une seule et unique chose : retrouver Isaure. Tu n'avais cessé d'y songer, depuis le début de cet interminable voyage. Après presque deux mois de séparation, tu avais grand besoin de revoir ta merveille personnelle. Tu avais vécu un véritable enfer, dans cette contrée ridicule et superficielle. Tu t'étais battu, tu avais repoussé la patience de tous les hauts dignitaires de la nation de l'air. Tu avais fais un véritable carnage, jouant à merveilles le rôle de monstre des Oshun. Tu avais été totalement incontrôlable car personne n'était là pour tenter d'apaiser tes démons intérieurs. Tu avais été seul. Terriblement seul. Personne n'avait trouvé grâce à tes yeux, dans ce pays où régnaient la musique et les fêtes ridicules. Tu t'étais senti totalement démuni, sans ton aînée à tes côtés. Abandonné à ta noirceur intérieure, sans aucune lumière pour retrouver ton chemin. Dire qu'Isaure t'avait manqué était un euphémisme. Tu avais ressenti son absence tous les jours, à chaque minutes. D'autant plus que ta fiancée s'était révélée être une véritable furie. Toi qui comptais sur la possibilité de prendre du bon temps avec la jolie blonde, autant dire que tu avais dû revoir tes rêves à la baisse. Tu étais diablement impatient de retrouver Isaure, de lui baiser les pieds. Mais cependant inquiet également, car tu avais peur de la décevoir. Pour le moment, tu savais qu'Elizaveta cachait un secret. Un énorme secret. Mais tu n'avais aucune idée de ce que cela pouvait être. Tu connaissais l'emploi du temps de ta sœur par cœur, afin d'être certain de pouvoir toujours la retrouver. C'est ainsi que tu te retrouvas tout naturellement à te diriger vers les immenses jardins du château. Tu espérais la trouver seule, car tu n'avais certainement pas la patience d'attendre qu'elle se débarrasse de sa cour. Tu avais besoin de la voir. De ne l'avoir rien que pour toi. Et soudain, sa mince silhouette s'introduisit dans ton champ de vision. Cascade de boucles blondes, yeux noisettes délicieux, peau de porcelaine. Elle rayonnait, elle était un soleil et toi une simple étoile, prise dans son attraction. Ton cœur se mit à battre la chamade. Elle était là, tu allais la retrouver. Enfin. Sans même t'en rendre compte, tu te mis à courir jusqu'à elle, l'attrapant par la taille avant de la soulever de terre. Un vrai enfant recevant un cadeau inespéré. Isaure était tout pour toi, tu l'aimais sans commune mesure. Sans limites. « Isaure … » Un râle, une supplication. Tu peinais à y croire. Tu réalisais alors seulement à quel point elle t'avait manqué. Être séparé d'Isaure, c'était te retirer une part de ta propre personne. Elle était la meilleure moitié de ton âme. Celle qui te faisait sentir plus humain. Moins monstrueux. « Pas de soucis pendant mon absence ? » Tu la tins à bout de bras, l'examinant de haut en bas. Tu voulais être certain que Weiss avait assuré la sécurité de ta princesse. S'il arrivait quelque chose à Isaure … Tu n’imaginais même pas de quoi tu serais capable. Tu sentais tes yeux briller de joie, ton coeur se serrer de plaisir dans ta poitrine. Enfin, tu étais de retour chez toi. Pas dans cet austère Palais des Flammes. Mais auprès de ta sœur. Isaure était ton foyer.

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Isaure c’est une sale gosse, elle a le regard, elle a le sourire, elle a la posture et l’arrogance. Elle se pavane dans le palais avec un menton bien trop levé, des robes extravagantes, la fierté émanant de tous ses pores. Elle se dit pourtant, qu’elle a le droit, elle a le droit d’avoir l’air capricieuse, de vouloir, d’avoir, puis de jeter. Isaure s’est donnée tous les droits et le monde entier le sait. Elle est la royauté, le sang bleu, la saleté qui répand du sang sur les pavés par la simple pensée. Elle pourrait provoquer la terre toute entière de lui donner ce qu’elle mérite amplement ; le pouvoir, une couronne, la tête de sa mère et son jumeau sur un pique. Peut-être macabre, la sale gosse ne pense plus qu’à ça, ça l’obsède, cette quête pour une trône sur lequel elle aurait craché quelques années auparavant. Mais ça se fout des conventions, ça se fout bien de l’innocence déchiquetée, ça ne pense qu’à ça, plus qu’à ça : une couronne bien polie, une cour à ses pieds, baisant jusqu’à ses doigts de pieds. Peut-être qu’elle deviendrait tyrannique, peut-être pas, mais c’est le jeu qui l’excite, qui fait frétiller les mécaniques pourries de ce cerveau qui a trop enduré. A force de rester au palais, les ambitions s’assombrissent, les caractères ne font que tomber dans les ténèbres, et Isaure n’est en aucun cas une exception. Elle déambule dans le palais comme s’il est déjà dans ses mains, dans sa poigne de fer. Et pourtant, elle se doit de supporter le regard d’un frère ingrat, d’une mère écervelée, d’une cadette plus bête que ses pieds, d’un ancien amant lâche. Une ribambelle de gens qu’Isaure aimerait pouvoir planter sur une guillotine, tirer la corde pour les étouffer, les étrangler. Oh, l’enfant n’a plus peur, elle n’a plus peur de crier haut et fort qu’ils se consumeront tous dans un feu, leur propre élément. Pensée ironique, mais obligatoire. Les seuls qui survivront d’une lignée pourrie, serait son frère Maven et elle. Maven. Il est enfin là, à l’attendre, l’accueillir, le seul qui ne l’a jamais déçu, le seul qui l’a toujours aimé, dans n’importe quelle situation, il a été là. Et isaure sera toujours là pour lui. Une promesse silencieuse, qu’ils n’ont jamais dû mettre sur papier, parce que c’était clair, une évidence, une obligation. Un amour fraternel loyal, un amour fraternel fidèle. Isaure ne trahirait jamais son cadet, Maven ne trahirait jamais Isaure ; Un duo, imbrisable, incassable. Des enfants à l’appel de plus, de quelque chose de plus grand. Des reclus, des Hermite dans l’attente d’obtenir un signe, un quelque chose qui les feraient avancer, loin, plus loin. Isaure elle a besoin de Maven, comme Maven a besoin d’Isaure. Son petit frère, son seul et dernier trésor. Une créature des ténèbres, un monstre d’impulsivité, alors que l’imprévisibilité vient déchirer les traits de sa sœur. La Mort peut-être, sur ces gens qui les avaient ri, qui les avaient moqués pour leur différence, pour leur extravagance. Ils paieront, Isaure le promet. Les bouches qui auront parlé, les bouches qui auront chuchoté dans le dos de son frère, rouleraient à ses pieds quand Isaure deviendrait impératrice. Elles s’entrechoqueraient sur les pavés de la capitale, alors que le monde entier, ces gens mauvais se noieraient dans l’eau et le sang. La princesse assise sur le trône, son frère à ses côtés. Une nouvelle dynastie, au même nom, et pourtant pas aux mêmes ambitions. Si le sang coulerait, seul sera celui des coupables. Son poing serait celui qui déciderait, tel un Dieu. Provoquant probablement une tournure imprévisible au sein d’une cour pourrie jusqu’à la moelle. Mais Isaure accepterait de tomber, elle n’est pas naïve, elle n’est plus innocente, elle sait que le pouvoir ça brûle, ça brûle les ailes, elle ne serait aucune exception. Elle espère juste pouvoir faire couler le reste du monde à ses côtés, quand sa tête roulerait. Elle protègerait ceux qui l’ont protégé, et oubliera le reste dans une tornade de flammes. Une sortie digne d’une reine, on pouvait au moins lui donner ça.

Elle passe les portes, les couloirs dans un tourbillon de vitesse pour retrouver son frère, son autre moitié, l’autre face de la même pièce. Ils sont si différents, et pourtant si liés. Deux moutons noirs, les deux vilains petits canards, qui tenaient pourtant ensemble. Front commun ; à toujours et à jamais. Elle s’en veut Isaure de lui dire d’épouser une fille qu’il n’aime pas, elle lui en veut de lui ordonner de se rapprocher de ces horribles Valaeris pour obtenir une couronne qu’il ne pourra jamais porter sur sa tête. Mais Maven semble être le seul à comprendre le sacrifice que demandera leur quête, il semble être le seul à avoir conscience de l’importance de cette quête. Et Isaure n’oublie jamais, elle n’oublie jamais que sa loyauté aura été la seule qui n’aura jamais déraillé. Le seul à avoir crié quand elle était partie, quand on l’avait arraché à ce palais. Il avait détesté Cal, autant qu’elle le détestait. Et maintenant le monde tomberait dans un terrible capharnaüm, à cause d’une ambition trop grande, les rêves d’une utopiste, d’une hystérique amoureuse d’une couronne qui ne lui reviendrait probablement jamais. Elle court maintenant, ses jambes s’affolent dans un rythme trop ample. Puis elle le voit. Il court en sa direction, deux enfants qui se retrouvent enfin. Alors qu’il la prend dans ses bras, qu’il la serre jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus respirer. « Isaure … » Elle rit, elle rit comme la gamine qu’elle avait été, faite de naïveté, et d’innocence, un rire franc, un rire qu’elle n’a pas attendu depuis longtemps. Peut-être qu’elle aime son frère, parce qu’il lui rappelle ce qu’elle a perdu et qu’au court de quelques secondes, elle peut toucher ce passé qui l’effraie terriblement. En sa présence pourtant, la peur n’existe pas. « Pas de soucis pendant mon absence ? » Il l’observe, l’examine, et elle ne peut s’empêcher de continuer à sourire et rire. Elle s’empare de sa nuque et le resserre fermement. Son petit frère. « A part devoir supporter le visage de notre ingrat de frère ou de ce lâche de Naos, rien à signaler. » Elle se détache de lui, et pose sa main sur son coude. Elle fait la moue, comme elle avait l’habitude de le faire quand elle avait encore été une enfant. « La vie au château est si ennuyeuse quand tu n’es pas là. J’aimerais que tu restes ici pour plusieurs mois, des années même. Et que tu ne partes plus. » Elle sait qu’il n’avait pas été là pour une bonne cause, mais l’ennui au palais était palpable quand son cadet ne se trouvait pas à ses côtés.

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          Tu devenais un autre, en présence d'Isaure. Deux enfants qui se retrouvaient, mettant de côté, l'espace de quelques secondes, vos idéaux ambitieux et les querelles politiques qui agitaient votre monde. Retour à l'innocence, tu te laissais alors totalement aller à tes instincts les plus doux. La carapace féroce disparaissait et tu devenais alors un agneau, tendre et soumis. La grande Déesse de ton univers t'apparaissait alors, pleinement en vie. Tu pensais à Isaure tous les jours, lorsque tu étais loin. Mais l'avoir là, en face de toi, c'était autre chose. C'était bon. Tellement bon, d'être avec elle. Tu te sentais aimé. Plus humain. Tu pouvais laisser ton cœur s'exprimer, tes sentiments pour elle se déverser hors de toi. Elle était ton idole, ton soleil, ton ancrage. Et tu voyais quel effet positif tu pouvais avoir sur elle, également. Isaure riait, naïve et innocente. Comme lorsque vous étiez enfants, lorsque vous pensiez avoir l'éternité jouissante devant vous. Douce princesse revenue en farouche guerrière, bien décidée à recevoir la couronne sur son adorable tête blonde. Et tu allais l'aider dans cette quête royale. Tu étais prêt à tout, pour ta sœur. Prêt à mourir, si cela s'avérait nécessaire. Pion loyal, âme damnée, chien docile, tu multipliais les surnoms peu flatteurs. Mais tu t'en moquais. Le monde entier n'avait aucune importance pour toi. Tout ce qui comptait, c'était que les yeux d'Isaure continuent de pétiller de joie. Que son cœur soit empli d'allégresse et qu'elle connaisse toutes les facettes du bonheur. Quant à toi, tu te contenterais de récupérer les autres. Tu te fichais pas mal d'accéder à cette idée ridicule de paradis terrestre. Tu n'y croyais pas, à vrai dire. Les sentiments humains n'étaient rien d'autre qu'une vaste plaisanterie et n'apportaient que souffrance. Et tu te gardais bien d'essayer d'ajouter du chagrin à ton cœur déjà si lourd. Isaure dans tes bras, heureuse, voilà tout ce que tu demandais. La voir ainsi, souriante et détendue était une véritable victoire. Tu étais si heureux de la retrouver, tu ne pouvais mettre de mots sur ce que tu ressentais. Elle t'avait manqué, durant ces quelques mois à Volastar. Terriblement manqué. Elle était une part de toi-même et, sans elle, tu te sentais vide. Abandonné. « A part devoir supporter le visage de notre ingrat de frère ou de ce lâche de Naos, rien à signaler. » Tu hochas la tête, en signe d'acquiescement. Tu ne pouvais être plus d'accord avec de telles paroles. Tu détestais Cal. Viscéralement. Il était le responsable de ta transformation en monstre, de ta séparation avec Isaure. Jamais tu ne pourrais lui pardonner de t'avoir causé de si terribles maux. Quant à Naos, à vrai dire, tu aimais plutôt bien ce garçon et tu ne comprenais qu'avec peine pourquoi ta sœur le détestait tant. Sa main de porcelaine se posa sur ton coude. Geste de douceur, si coutumier lorsqu'elle était avec toi. Cela se répercuta jusque dans les tréfonds de ton âme. Isaure avait ce don inouï de pouvoir repousser les démons, d'illuminer tes ombres intérieures. Tu l'aimais. Démesurément. Et elle t'aimait, elle aussi. La plus belle sensation au monde. « La vie au château est si ennuyeuse quand tu n'es pas là. J'aimerais que tu restes ici pour plusieurs mois, des années même. Et que tu ne partes plus. » Et tu ne désirais rien d'autre plus ardemment que cela. Les jours dans la capitale de l'air t'avaient semblé être des semaines. De très, très, longues semaines. Mais tu avais fais tout cela pour elle. Tu aurais tout fait pour elle, pour assouvir ses désirs, même les plus fous. « Je le voudrais, moi aussi. Plus que tout. Mais j'ai bien peur que mes fiançailles me portent de nouveau de l'autre côté de l'Empire. » Soupirs résignés. L'idée de passait tout ce temps loin d'Isaure n'était pas pour t'enchanter. D'autant plus que tu allais perdre votre nom. Ce nom sacré qui te reliait à elle. Et ce, pour une femme que tu rêvais d'étouffer. « Elizaveta est … Très particulière. Pas du tout la jolie poupée docile, comme je le pensais. Mais elle cache un secret. Un lourd secret. Je l'entend sangloter toutes les nuits. Mais je n'ai pas réussi à découvrir ce que c'était … » Tu baissas la tête, terminant ta phrase dans un souffle. Tu avais peur de l'avoir déçue. Et si … Et si elle ne t'aimait plus, maintenant ? Oh non, tu ne pouvais l'accepter. Isaure était tout ce que tu possédais. « Je suis désolé... »

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Maven était son alter-ego, qu’elle le voulait ou non, il était là, présent. Sacrifiant sa vie, ses songes pour une princesse qui n’en était pas vraiment une. Et pourtant Isaure l’aimait, elle l’aimait si tendrement, ce garçon à qui elle vouait toute sa confiance, toute sa loyauté. S’ils devaient périr, elle tenterait au moins de le sauver, de sauver cette âme en péril, cette âme torturée et pourtant innocente. Finalement, elle aimait voir l’image qu’il avait d’elle, une image qui se voulait dépassée, à ses yeux elle était le passé, à présent elle n’était qu’un tas chaotique de rage et de haine. Et si parfois c’était douloureux de plonger dans ses yeux, il y avait quelque chose de magnifique, quelque chose qui lui rappelait cette gloire d’antan. D’avoir été un joyau intouché, un joyau qui se voulait protégé par sa naïveté. Elle voulait parfois retourner à ces jours-là où tout semblait plus simple, plus beau. Le monde l’avait gâché, et elle n’était pas encore prête à l’assumer. Le monde les avait tous détruit, elle se souvenait encore des temps où Maven, Wanda, Cal et elle couraient dans les jardins, des sourires francs mués sur les lèvres. Leur seule désolation à l’époque était le mauvais temps, la sévérité de leur mère, l’ironie de leur père. De jolies souvenirs qui semblaient être éloignés à des années-lumière de cette situation actuelle. Incapable pourtant d’oublier cette belle époque, c’était comme une piqûre de rappel, que les choses avaient invraisemblablement, violemment et irrévocablement changées. Elles ne seraient jamais les mêmes, plus jamais elle ne verrait le visage de sa fratrie sourire dans un même cœur, dans une même douce rengaine. Ils avaient grandi, les temps les avaient rattrapé, les horreurs aussi, et à présent, ce qu’ils brandissaient n’étaient plus des fleurs, mais des dagues acérées. Peut-être que c’était la raison pour laquelle elle ne pouvait se résoudre à détester Cal complètement. Elle se donnait corps et âme à cette tâche de lui rendre la vie terrible, et pourtant, une once d’espoir dans sa poitrine s’illuminait, lui chuchotant qu’un jour peut-être elle retrouverait ce jumeau qu’elle avait tant aimé. Sachant qu’il serait peut-être plus malin de déjeter toute sa haine sur sa mère, une autre part de son esprit lui ordonnait de faire vivre un enfer à ce frère qui l’avait déçu, d’ignorer ou d’attaquer cette sœur autrefois impulsive mais docile, qui n’était à présent plus que l’ombre d’un tableau qui s’apparentait bien mieux à un champ de bataille qu’à une victoire. Le seul Oshun qui n’avait pas encore réussi à la décevoir était un frère, un allié, un enfant qui lui rappelait la gamine qu’elle avait été autrefois.

« Je le voudrais, moi aussi. Plus que tout. Mais j'ai bien peur que mes fiançailles me portent de nouveau de l'autre côté de l'Empire. » Elle souffla ; elle n’avait qu’elle-même à qui en vouloir. Elle l’avait envoyé dans le camp ennemi, dans l’antre des lions. Les Valaeris étaient de dangereux adversaires comme de valeureux alliés. Par un mariage elle pouvait peut-être s’acheter leurs faveurs, mais Elizaveta n’était pas une femme simple, tout aussi emmerdante que son cadet, elle avait envoyé Maven à l’abattoir sans même s’en rendre compte. Elle le boufferait tout crue, et Isaure était terrifiée à l’idée qu’elle lui arrache son frère. La princesse ne la laisserait pas le toucher, en revanche, elle ne pouvait annuler cette mission qui pouvait leur apporter tant de choses. Une alliance, une armée, de nouvelles têtes qui feraient rouler celle de sa mère. Le plus difficile était probablement la séparation, car Maven partait pour ne revenir qu’une éternité plus tard. « Elizaveta est … Très particulière. Pas du tout la jolie poupée docile, comme je le pensais. Mais elle cache un secret. Un lourd secret. Je l'entend sangloter toutes les nuits. Mais je n'ai pas réussi à découvrir ce que c'était … » Un sourire se forma sur les lèvres d’Isaure. Elle s’était doutée qu’en envoyant son frère là-bas, ils finiraient par obtenir des informations. Des informations très importantes. Isaure n’était pas si naïve de penser qu’un mariage formerait une alliance assurée, tout n’était que complot, tout n’était que secret, tout n’était que mensonge et surtout chantage. S’ils pouvaient découvrir ce qui se cachait derrière la face hypocrite des Valaeris, alors ils pourraient les forcer de leurs côtés. « Je suis désolé... » Isaure lui sourit, alors qu’elle caressa sa joue. Elle ne comprenait parfois pas pourquoi son frère ne s’émancipait pas davantage. Il se croyait monstre, il se croyait terrible, il se croyait horrible, mais il était plus, tellement plus. Et ça lui brisait le cœur à la gamine, de le voir ainsi, abattu alors qu’elle l’avait forcé à se lier à une femme qui ne l’aimait pas et qu’il n’aimait pas. Elle n’était peut-être pas mieux que sa mère, ou que tous ces gens qu’elle aimait si vaillamment critiquer. « Tu n’as pas à t’excuser Maven, nous découvrirons ce qu’elle cache tôt ou tard. » Elle marqua une pause, pensive elle l’était, les mécaniques de son cerveau se préparant déjà au complot. « Je ne t’ai pas donné tâche facile, c’est moi qui devrais m’excuser, Elizaveta est une garce il n’y aucun doute là-dessus. » Elizaveta était une femme forte, elle était ambitieuse, battante et déterminée, peut-être qu’elles auraient pu se lier, si leurs désirs n’étaient pas des contraires. « Tu dois continuer à la séduire, à lui tirer les vers du nez, quand ce sera fait, nous pourrons nous débarrasser d’elle si tu le souhaites, tu décideras de son sort. Mais jusque-là fais lui croire que tu es le parfait prince charmant tout en te méfiant d'elle. » Elle croisa ses bras sur sa poitrine et continua à réfléchir. « Que peut-elle bien cacher qu’elle en pleure la nuit ? » Isaure leva enfin les yeux  vers son frère. « Et toi ça va ? Mise à part ces fiançailles, mise à part tout ça, tu vas bien ? Vraiment bien ? » Le monde pouvait terminer à feu et à flammes, le bonheur de son frère passait pourtant avant tout.

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« Je ne suis pas vraiment son genre, tu sais. Je le vois dans son regard. Elle aurait mille fois préféré être fiancée à Cal. Elle a l'impression de se retrouver avec le mauvais frère. Si je veux découvrir quelque chose, je crois que le meilleur moyen sera de lui faire peur. Ou de lui faire mal. »
Isaure elle le regarde, ce petit frère qui a tant grandi. Alors qu’elle l’a envoyé chez l’ennemi, elle ne peut s’empêcher de se sentir coupable. Maven est malheureux de par sa faute. Mais une leçon que sa mère lui insuffle toujours, parfois même dans ses rêves, lui sert toujours pour s’exempter d’une quelconque faute : il y a parfois des sacrifices à payer.
Maven est enchaîné à une pimbêche, mais Isaure l’est tout autant, à un homme qu’elle ne pourra jamais se résoudre à aimer. Parce que Isaure, elle s’interdit à donner son cœur, elle s’interdit à accepter le palpitant de quiconque d’autre. Destinée à mourir seule, c’est pourtant le seul répit qu’elle s’octroie.
Alors qu’elle court probablement à sa perte, à sa mort certaine, complotant contre la dragonne, contre l’aigle de la nation de l’air, contre la terre toute entière. Pourtant Isaure en a conscience, elle acceptera toutes les conséquences qu’on lui assènera, si cela veut dire qu’elle peut ôter la vie à son pire cauchemar. Dormir sans répit jusqu’à ce que le sang de l’impératrice coule sur les pavés de cette terrible capitale. Les larmes sont de toute façon sèches, le torrent ne trouve plus sa source, et alors que la mort siège fièrement au-dessus de leurs têtes, la tristesse n’a jamais été là ; seule la haine règne.
Une haine différente chez chacun, mais présente, attisée par la même personne, une mère qui n’a jamais été capable d’aimer, qui n’a jamais été capable de compassion ou d’empathie. Elle finirait dans la mort de ses propres gestes, la conséquence de son arrogance, de sa cruauté.
Et Isaure la suivra peut-être, dans cette tyrannie folle, dans ce combat pour le pouvoir qu’elle n’a enclenché que pour obtenir sa vengeance froide, terrible. « Ce doit être terrible, elle est plutôt forte dans son genre, tu sais. Et lorsqu'on le découvrira, tu pourras la mettre à genoux Isaure. Après cela, la nation de l'air te sera totalement acquise. C'est un sacrifice qui en vaux la peine. Je suis prêt à le faire pour toi Isaure. Je suis prêt à tout pour toi. Même à supporter cette blonde jusqu'à la fin de mes jours. » Et elle l’en sait capable et pourtant Isaure elle l’aime trop, ce petit frère pour qu’il se sacrifie, pour qu’il se fasse du mal pour elle, cette autre femme, cette prise de pouvoir. La politique n’est qu’un énième champ de bataille, trop bon pour Maven ; Elle ne peut se résoudre à le voir mourir pour ses propres erreurs. Isaure n’est pas encore folle, ne l’est pas encore, et alors que la culpabilité, la conscience de la femme d’autrefois qu’elle n’est plus revient, elle secoue la tête et pose son bras sur celui de son frère.
Parce qu’il est tout ce qu’elle a, la seule présence qui n’a jamais compté, le seul regard à qui elle demande une certaine approbation. Maven c’est son autre moitié, une meilleure moitié, une voix qui lui insuffle de rester là, de ne pas traîner dans ce couloir sombre qui pèse sur une balance scabreuse si oui ou non elle va tomber et s’écraser dans une folie qui n’aurait jamais dû lui venir. Elle dépose sa tête contre l’épaule du cadet et soupire. La vie n’a jamais été belle et pourtant à ses côtés elle semble acceptable, tolérable. Des alliés aussi fidèles, voilà ce dont elle a besoin. Une sœur qui n’aurait pas dû dérailler, un jumeau qui n’aurait peut-être jamais dû exister.
« Mise à part le démon qui me sert de fiancée ? Tu m'as manqué. Et j'ai entendu une horrible rumeur à propos de toi, émanant de mon ami Naos. Tu sais, le mêlé de Cal. » Elle sent la boule dans le ventre qui gronde. Naos. Et un sourire narquois se mue sur ses lèvres, parce qu’elle ne veut trahir sa surprise. Elle aime l’idée que Maven l’a toujours cru pure, incapable de se donner à un homme avant le mariage. Et pourtant elle a serré son palpitant dans la main de cet indigne monstre. Qui l’a réduit en poussières, qui a détruit tout ce qu’elle n’a jamais été.
Et la colère gronde, elle revient comme une garce, l’assener de coups. Parce qu’il n’a pas su tenir sa langue, parce qu’il n’a pas su tenir ce lourd secret qu’elle se traîne. Maven est peut-être l’innocent, le naïf dans cette histoire. Parce qu’il ne sait rien et Isaure préfèrerait qu’il n’en sache jamais la vérité.
« Tu dois faire attention, je ne fais absolument pas confiance à cette harpie de fiancée. » Elle marque une pause. « Elle doit vraiment être une imbécile si elle préfèrerait être fiancée à Cal, quoi que ils se seraient peut-être bien trouvés, deux abrutis. Cela dit ça ne m'étonnerait pas, tu sais ce que l'on dit, le peuple d'aeristin n'a de toute façon que de l'air dans la tête. » Elle soupire, expire, inspire. Des idiots, des mécréants qui goutteraient à sa haine froide. La harpie a osé faire souffrir le cher et tendre frère, cela ne pouvait terminer qu’en une seule destiné : celle de la mort. Personne ne toucherait un cheveu de Maven, personne n’oserait lui faire du mal ou le menacer. Isaure n’a pas tué, mais le ferait si cela voulait dire protéger l’âme de son cadet.
« Et surtout même si tu es prêt à tout, ne te mets pas en danger. Ils crèveront tous un jour ou l’autre, mais restons à vie pour au moins en être témoin, n’est-ce pas ? Tu imagines, maman, les deux imbéciles enchaînés à nos pieds ? Car moi j’en rêve. » Elle en rêve si terriblement l’enchanteresse, la réalité qui s’approche, se déphase devant elle alors qu’elle ne fait qu’y penser. Ces gens-là qui lui ont servi d’obstacles à sa propre montée au pouvoir. On la sous-estime trop la gamine, on l’a presque fait tomber, mais tel un phoenix elle se relève enfin de ses cendres. Et serait prête à tout pour réaliser ses ambitions ; même les plus insensées, le plus incertaines.
« De quelles rumeurs tu parles ? Tu ne vas quand même pas faire confiance à l’ombre de notre très cher tendre frère. » Qu’elle essaye de dire, de mentir. Mais Isaure elle n’a jamais que dit la vérité à son frère et il la connaît par cœur, tant qu’il pourrait transpercer le tissus d’hypocrisies qu’elle a formé.