Assise sur le rebord de son immense lit, Svea est perdue dans ses pensées. Aksana est en train de s'effondrer, bien plus vite que ce qu'elle ne l'avait imaginé. A peine ont-ils gagné une bataille, qu'il faut en mener une autre. Les stigmates de la guerre menée contre feu Thomas Griffith se lisent toujours sur son visage, sur chaque parcelle de son derme porcelaine. Marquée par une bataille qui fut rude, la gamine n'a rien d'une princesse. Bien que sa chevelure rousse soit parfaitement lissée, malgré la longue robe rose pâle qu'elle arbore, elle ne trompe personne, encore moins elle-même. Pourtant, ce nouveau statut lui plaît, dans un sens. Il lui permet de dorer le blason de ceux de sa "race". Il lui permet beaucoup de choses à dire vrai. Elle n'a plus à se cacher, elle n'a plus à fuir pour sauver sa peau, elle n'a plus à survivre, juste à vivre. Elle sait que ce statut, elle le doit à Isaure. La blonde a plaidé en sa faveur auprès de Cal. Svea s'en était voulue d'avoir été si dure avec son aînée alors que tout ce qu'elle faisait, c'était d'essayer de l'aider, comme elle le pouvait. La gamine n'était rien sans elle. Elle ne se rappelait pas de sa vie avant d'avoir croisé sa route. En vérité, elle ne le veut pas réellement. Ces années passées dans une tour, seule, à deux doigts de sombrer dans une folie certaine, sans savoir ce qui l'attendait dès que la porte de sa cellule s'ouvrait. Et puis, il y avait eu Isaure. Le rayon de soleil de son existence sans importance, celle qui l'avait sauvé bien des fois et de bien des manières. Elle donnerait sa vie pour elle, si elle le devait. L'évidence était là, rien n'avait de sens sans la blonde à ses côtés. Et pourtant, tout partait de nouveau en vrille. Il n'y avait visiblement pas assez des guerres entre maîtres, mêlés et lambdas, ni même de celles entre les nations. A tout cela, s'était ajouté un conflit entre bénis et mutants, entre ceux graciés par les Sept et ceux rejetés de leurs dieux. Svea ne croyait en aucune religion, et encore moins en cette distinction qui divisait à présent les maîtres. Dans le fond, cela la faisait sourire de voir ceux au sang pur se déchirer les uns les autres. Mais elle avait été trop souvent victime d'une oppression sans fondement qu'elle ne pouvait pas rester de marbre face à cette discrimination, face à cette purge qui avait couvert de sang les ruelles de Launondie et de tout Aksana. Cal avait même répudié son épouse enceinte à cause de ce conflit inutile, à cause d'une religion bien trop ancrée au sein du royaume.
Déterminée à ce que chaque race puisse vivre en paix, Svea s'était donnée pour mission de convaincre son frère de se modérer à propos des mutants. Le fait que Nikolai en soit un jouait évidemment un rôle dans son positionnement, mais cela n'avait fait qu'accroître ce qu'elle pensait déjà. Les prérogatives d'Adonis lui avaient beaucoup plu et elle espérait secrètement que Cal suivre un chemin presque semblable, maintenant qu'il était délesté du poids d'un empire sur ses épaules. Mais ce qui tracassait la poupée à cet instant, ça n'était pas les échauffourées qui hantaient les ruelles de Launondie, mais bel et bien l'implication de son propre sang, d'Isaure, dans cette purge qui n'avait ni loi ni morale. Svea se refusait de croire à une telle ineptie. Comment pouvait-elle massacrer des maîtres uniquement parce qu'ils n'avaient pas été bénis par une autorité qui n'avait jamais rien prouvé ? Impossible. Pourtant, les murmures, qu'elle avait entendu, le laissaient penser. La poupée devait en avoir le cœur net. D'un bond, elle saute de son lit et part rejoindre les appartements de la blonde, non loin des siens. – Svea Oshun, je viens voir ma sœur. La lambda part annoncer sa venue alors que l'estomac de la mêlée se sert. Elle aimerait que chaque mêlé, chaque lambda puisse jouir des mêmes privilèges qu'elle, mais c'est impossible, pour le moment. On finit par lui ouvrir les portes des appartements et elle y entre, les connaissant déjà par cœur. – Isaure, te voilà. D'ordinaire, elle aurait enlacé son aînée, mais pas aujourd'hui, pas alors que ses pensées sont obnubilées par ces rumeurs. – Il faut que je te parle. J'ai entendu des choses, des choses à ton propos, et cela ne te glorifie en rien..