“ let me be alone, i say,
but never let me be lonely ”
@untitled / unknown

Regard plongé dans les cascades ambrées de son verre. Quand elle porte le nectar à ses lèvres, la brûlure de l'alcool embrase sa gorge. Est-ce son second verre ? Son quatrième ? Elle a cessé de compter. Le monde vascille autour d’elle mais pas assez pour dire que l’ivresse l’a gagné. La Dryden s'isole, disparaît. La nuit est son royaume... l'insomnie sa malédiction. C'est le prix à payer pour porter ce bracelet vert. Un cerveau qui ne dort jamais et des pensées d’autrefois qui la tourmentent. Son regard glacial se met à analyser les visages des quelques clients présents. Soldats des flammes en permission, vieux ivrognes, puis elle. Elle fait tâche parmi tout ce monde. Coquille vide. Abysse portant un masque de beauté glaciale. Comme son coeur, cette chose qui ne fait que la maintenir en vie au creux de sa poitrine. Il l'animne de haine, de violence plus que d'amour. Elle aura tout donné au petit Lucian, aujourd'hui, elle a compris qu'aimer est une faiblesse. Alors elle se contente de compagnons d'une nuit. Une chaleur humaine dans ses draps mais jamais dans son coeur. Installée en retrait à sa table, elle croyait trouver un partenaire pour combler le vide en elle mais plus les minutes passent, plus elle est blasée. Elle finit par comprendre qu'elle est mieux seule, à avoir la paix. Le goût réchauffant de l'alcool de son verre lui suffit. Bientôt, son regard se perd vers la fenêtre, puis elle se met à épier les ombres à l'extérieur. Après quelques instants cependant, un reflet se glisse sur la glace et la belle comprend qu'un homme se tient derrière elle. Il reste là, immobile.

Que lui veut-il ? Elle n'a vraiment pas envie d'endurer le discours ridicule de l'un des ivrognes au comptoir. Elle lâche donc un soupir agacé. « Laissez-moi tranquille. » Elle tourne les yeux sur le nouveau venu. La surprise se lit tout de suite dans son regard. Elle ne s'attendait pas à le revoir un jour. « Ren ? » Elle reste de marbre, puis elle l’observe de la tête aux pieds. Il n'a pas changé physiquement, mais pour le reste, elle ne pourrait pas le dire. Voir un visage du passé la dérange. Elle voudrait qu'il parte, qu'il la laisse seule avec ses pensées. Car l'avoir devant elle à présent ne fait que ressurgir des souvenirs qu'elle préfère oublier. Ren avait été le parrain de Lucian et il ignore encore le triste sort de son fils. Revenir sur la mort de son enfant n'était pas dans les plans de la ténébreuse. La seule chose qu'elle trouve à faire, c'est tenter de le faire fuir. De sa voix la plus ennuyée possible, elle demande ; « Qu'est-ce que tu veux ? » Il n'a peut-être pas changé mais la vipère n'est plus que l'ombre de ce qu'elle avait été. S'il s'attend à croiser l'adolescente douce et idéaliste, il se trompe. Cette Rhaena-là, elle est morte, agonisant lentement à force d'endurer le joug de son maître et définitivement six pieds sous terre après l'assassinat de Lucian. Et contrairement aux phénix, cette Rhaena-là ne renaîtra pas de ses cendres. Elle est condamnée à endurer l'enfer d'une vie sur Terre sans voir son fils grandir. Elle n'est plus que venin. Il ferait mieux de fuir tout de suite s'il ne veut pas suffoquer et en mourir car tout ce que la ténébreuse touche se fâne.

Tu avais envie de sortir ce soir-là. Tu supportais Nik depuis le temps et tu appréciais plus ou moins sa chère et tendre, mais par les Sept, ils étaient tellement mielleux tous les deux que tu allais finir par tomber malade. Ou vomir. Donc oui, l’envie pressante de sortir s’était très rapidement fait sentir avant que tu ne lâches un commentaire déplacé sur un quelconque détail de la relation des deux idiots et que Nikolai ne te chasse véritablement de l’appartement. C’est donc cette nuit, alors que tu présentais une nouvelle soirée où les deux amants se roucouleraient dessus avec leurs yeux pleins de cœurs, que tu avais décidé de sortir. De sortir, de prendre un verre ou deux et peut-être de terminer la soirée dans les bras d’une femme ou d’un homme, tu n’étais pas très regardant sur ça, tu aimais autant l’un que l’autre. Ce n’était pas vraiment un détail connu chez toi, pas parce que tu avais honte d’aimer les hommes autant que les femmes, mais parce que tes affaires privées étaient justement privées et de ce fait, ne regardaient que toi seul. Même Nikolai n’était pas au courant, même si tu étais pratiquement sûr qu’il se doutait de quelque chose.

C’est donc au Corbeau Brumeux que tu te rendis. Bras miteux dans un quartier miteux mais abordable pour toi et ton salaire de cuisinier. Tu avais beau vivre dans le quartier riche, tu ne pouvais pas te payer le dixième de ce qui s’y trouvait. Et sincèrement, tu n’y vivais que parce que Nikolai possédait la maison. C’est donc dans ce bar à la réputation plus que questionnable que tu te trouvais à présent. Tu slalomais à travers la foule à la recherche d’une place à où t’assoir et finit par apercevoir une jeune femme assise seule près d’une des fenêtres. Tu ouvris la bouche pour lui demander si elle était assez aimable pour partager sa modeste table avec toi, quand, arrivée à sa hauteur, tu fermas aussitôt ta bouche et penchas la tête pour mieux l’observer. Tu la connaissais. Plus précisément, tu connaissais sa silhouette. Mais malheureusement et malgré cette sensation de familiarité en sa présence, tu n’arrivais pas à te rappeler où tu avais bien pu la voir. Et peut-être que tu étais resté trop longtemps à la regarder sans rien dire comme un pervers car la jeune femme t’a repéré et ne semble pas apprécier l’attention que tu lui portas. « Laissez-moi tranquille. » Tu haussas les sourcils à sa voix, et avant même que la jeune femme ne se tourne complètement vers toi et que tu puisses de nouveau admirer ses yeux si pâles, tu avais réussi à redonner son nom à cette silhouette mystérieuse.

« Ren ? » Tu lui souris d’un air amical. « Salut, Laena. » Laena, ou plutôt Rhaena Dryden, ton amie proche. Ton ex également. Tu ne l’avais pas vu depuis des années, pas depuis la naissance de son fils, Lucien, pas depuis qu’elle t’avait demandé de t’éloigner d’elle pour ta sécurité quand elle avait comprit à quel point son maître ne reculerait devant rien pour la faire souffrir. Tu avais alors respecté son souhait, tu n’avais plus cherché à la contacté ni elle, ni son mari, ni ton filleul. Ils te manquaient horriblement des fois. Et en cet instant, tu remerciais les Dieux de l’avoir mise sur ton chemin ce soir, car n’était-ce pas l’occasion parfaite de discuter sans attirer l’attention de son maître ?

« Qu'est-ce que tu veux ? » Tu haussas un sourcil face à son ton. Laena avait l’air différente. Vraiment différente. Tu ne voyais pas une seule trace de l’adolescente douce et calme dont tu te souvenais, mais tu ne t’en inquiétas pas plus que ça sur le moment : les années avaient passées et toi non plus tu n’étais plus exactement le même que lorsque tu avais dix-neuf ans (les Sept soient loués pour son entourage). « Renouer avec une vieille amie que je n’ai pas vu depuis un trop long moment et qui m’a terriblement manqué ? » que tu lâches d’un ton traînant et amusé, un sourire en coin sur le visage et ton sourcil toujours levé. Tu prends une gorgée de ta boisson, notant les cernes prononcés sous ses yeux et les traits tirés de son visage. Tu désignes la chaise libre du menton. « Je peux m’assoir … ? »

“ let me be alone, i say,
but never let me be lonely ”
@untitled / unknown

La mêlée analyse les traits de celui qui avait été son premier amour. Dans une autre vie, dans un autre univers. Fantôme du passé venu la hanter bien que ce n'est pas son intention de la troubler ainsi. Il n'a aucune idée de tout ce qu'elle a traversé. Comment le pourrait-il. Elle a préféré s'enfermer dans sa solitude plutôt que de l'entraîner dans les tréfonds avec elle. Pendant un court moment, elle se demande ce qu'il fait ici. Si les dernières années ont été bonnes pour lui. S'il a été épargné par la cruauté du monde. Tout ce qu'elle trouve à faire cependant, c'est rester silencieuse et même hostile. Telle un animal blessé et retranché dans un coin. Elle voudrait retourner en des temps plus simples mais ils sont coincés dans ce monde-là. Où nations se font la guerre et où les êtres différents se font persécuter. Tout ce qui importe la vipère, c'est qu'on ne vienne pas s'en prendre à elle. Elle survit, mais ne vit pas vraiment... Elle s'accroche mais ne sait pas pourquoi elle continue de fouler cette Terre. Une raison de vivre, elle n'en a pas. Elle n'en veut pas car ce serait avoir une faiblesse... Et les paroles du Lokarth la heurte de plein fouet.

Elle ne sait pas comment réagir à ses mots. Elle n’est rien, elle n’est que ténèbres et elle ne peut imaginer qu’elle puisse avoir manqué à quiconque. Le monstre sous le masque de beauté. Hors de question de s’ouvrir à nouveau. Hors de question de souffrir à nouveau. La perte de Lucian lui a tout pris, elle ne pourrait pas survivre à une nouvelle tragédie. Alors elle s’entête dans son silence et son air sombre. Elle ne peut pas laisser Ren entrer de nouveau dans sa vie. Ce serait trop risqué. Il demande s’il peut s’asseoir. La Dryden l’observe toujours sans un mot. « Alors tu n'es pas au bon endroit, Ren. Je ne suis plus là même. Vaut mieux pour toi de te tenir loin. » C'est la deuxième fois qu'elle lui demande de s'éloigner. Pour son bien. La première fois, il n'avait pas insisté. Tout le monde connaissait la réputation des Swanson et son maître avait été aussi sanguinaire que le voilà la légende. Elle n'est peut-être plus liée à lui alors Ren n'est plus autant en danger de sa part, mais c'est plus fort que la ténébreuse... Elle a le sentiment qu'elle porte malheur.

Oiseau de mauvais augure envoyant à la tombe tous ceux qui s'approchent trop près d'elle. Terrible malédiction avec laquelle elle doit apprendre à vivre. « Tu peux t'asseoir si tu veux, mais je ne peux pas promettre que je serai de très bonne compagnie. » Un jour, elle l’a été. Il n’y a que Ren pour savoir qu’elle n’a pas toujours été cette coquille vide rabattue sur son verre d’ambré. Mais il ignore tout de celle qu’elle est devenue. La seule bonne chose qu’elle a su apporter dans le monde, c’était Lucian. Mais il est mort. Dans ses bras et à cause d’elle. Elle ne peut pas s'avouer que Ren lui a manqué aussi. Elle ne sait pas comment l'exprimer. Son coeur a si souvent été saigné qu'il n'a plus rien à donner. Elle a su l'aimer à une époque, mais les temps ont changé. Gamine, elle savait dire "je t'aime" mais à présent, elle peine à articuler un simple "ça va" ou même "je suis heureuse de te voir". Car bien qu'elle ne le montre pas, dès qu'elle a vu le jeune homme, elle a eu le sentiment qu'on venait poser un baume sur son coeur glacial. Le revoir invite nostalgie et douleur du passé, mais aussi un certain soulagement. Ren avait toujours su la faire rire. Peut-être arrivera-t-il à lui faire oublier les abysses qui grondent en elle. Alors d'un geste nonchalant, elle pousse la chaise de bois à ses côtés vers lui. Quel mal peut-il y avoir à discuter avec un vieil ami ?

Tu peines à retrouver ta chère amie dans la femme si froide et distante devant toi. Cette amie qui depuis plusieurs années, tu n’avais vu. Et elle t’avait manquée. Terriblement. Et bien que tu ne ressentes qu’amitié pour elle depuis des années, la jeune femme avait une place importante dans ton cœur. Il y a longtemps, il fut un temps où ses sourires te donnaient des sensations étranges dans le ventre, mais cette époque s’est terminée dès que la brune fut liée à un Swanson et toi à ton connard blond. Et face au visage froid de celle que tu continues d’appeler ton amie, tu doutes qu’elle se rappelles encore comment sourire. Et tu ne comprends pas pourquoi. N’était-elle pas heureuse avec son compagnon et son fils ? Elle l’était portant tellement la dernière fois que tu l’as vue. Quelque chose était-il arrivé après que tu te sois volontairement éloigné ? « Alors tu n'es pas au bon endroit, Ren. Je ne suis plus la même. Vaut mieux pour toi de te tenir loin. » Oui clairement quelque chose était arrivée, mais quoi ? Tu n’en n’avais pas la moindre idée. Et tu te contentas d’hausser un sourcil amusé face à ses paroles. Rhaena, adorable Laena. Adorable Laena qui ne semblait pas se rappeler que tu ne faisais toujours que ce que bon te semblait. Adorable Laena qui semblait penser qu’il fuirait une amie chère juste parce qu’elle le menace et cela sans raison valide. Clairement des retrouvailles étaient nécessaires si elle se souvenait de lui aussi mal. « Ton visage ne semble pas avoir changé tant que ça je trouve, Laena … Il est toujours aussi adorable. » que tu réponds à son ton froid avec un sourire en coin avant de prendre une gorgée de ta boisson et de demander si tu peux t’assoir. Rustre et irrespectueux que tu étais, tu avais tout de même un minimum de savoir-vivre. Durement acquit mais acquit tout de même.

« Tu peux t'asseoir si tu veux, mais je ne peux pas promettre que je serai de très bonne compagnie. » Tu hausses les épaules avant de poser ton verre sur la table et de t’assoir sur la chaise qui t’es si gentiment présentée. « Parce que tu crois que la mienne est meilleure que la tienne, Laena ? Je suis un pouilleux mal éduqué, je te rappel … » Chose qui faisait hurler de rage et de frustration ton ancien maître et qui, évidemment, te faisait immensément rire. Assis face à la jeune femme, tu la regardas un instant sa rien dire, observant les traits tirés et fatigués de son autrefois si doux visage. Où est-elle la Laena de tes souvenirs ? Le temps change les gens, mais non sans bonnes raisons. Pas en si peu d’années en tout cas. Lui demander comment elle allait serait idiot quand elle n’allait clairement pas bien. Tu te contentas alors de demander tout simplement : « Quoi de neuf depuis la dernière fois, alors ? » tout en buvant doucement dans ton verre, observant et jugeant ses réactions pour comprendre le mystère de son changement.