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prove me wrong. (ashéonte)

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MessageSujet: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptySam 21 Avr 2018 - 1:12


Dix-sept piges, gravide à s'en faire exploser l'utérus, l'enfant-mère avait perdu les eaux ici, dos contre l'un de ces colossaux équarrissoirs, auparavant encore en activité. Ashîva, pas nostalgique le moins du monde, se plaît à se souvenir de cela, néanmoins. Du raffut que fait un porc qui clamse, si semblable à celui de sa chair vagissante, mise bas en urgence dans la guérite du contremaître. Un type aux pognes si crades qu'il avait, en l'accouchant, maculé la tendre peau du lardon de larges empreintes brunes qu'on n'avait pas osé astiquer, de crainte de le dépecer – mais le pire, c'était l'odeur. Il est dit pourtant qu'un bébé ça sent bon ; eh bien, dans les bas-fonds de jhiu n'guri, qu'on se le dise, même l'innocence pue salement. N'empêche qu'on ne croirait pas, aujourd'hui, qu'Alaia, reine de son état, est née là. Dans la merde et le sang des cochons. Les temps ont bien changé ; la fille, la mère aussi. Cependant, le bien nommé Assommoir est toujours cet infâme mouroir d'il y a vingt-huit ans. À ceci près qu'on y massacre plus du porc mais de l'hominien, et que ce dernier a, au contraire de son grassouillet cousin, le droit – voire même le devoir – de disputer sa misérable existence aux coups du sort, plutôt que de caner ventre à terre sous ceux, autrement plus inexorables, du maillet des bouchers. Darius n'a jamais su saisir les subtilités de la philanthropie façon Khodja, lui. Étriper une truie sous le groin de ses porcelets ? ça, c'était moral. Un combat à mort, entre adultes consentants ? c'était inhumain. Oh, il a fini par piger oui, lorsqu'au terme d'une ultime engueulade conjugale, l'Inhumaine lui fit téter le canon de sa pétoire et lui troua la cervelle, sans autre forme de procès qu'on en accorde aux gorets. Encore qu'elle ne l'a pas raté, sinon l'aurait-elle, pour sûr, fait beugler pareil. Mais Alaia dormait déjà. Et puis, les cartouches coûtaient une blinde, à l'époque, et sa bourse était encore trop maigre pour qu'elle puisse se permettre quelqu'effet de style – mais ça, c'était avant.

D'une rossée de godasse, Mama piétine son mégot sur une madrure à la teinte suspecte, que son imagination tient pour une coulure de placenta, une trace du bon vieux temps, avant de traverser l'ancienne porcherie, qui désormais abrite les vestiaires des combattants ; flaire, au passage, les aigres distillats de nervosité ruisselant des dermes nus et bronzés ; lorgne, à l'ombre de ses verres fumés, les gabarits de quelques favoris aux muscles bandés pour lui ravir l'amorce d'un désir. En vain. Songer aux déboires de ses premières noces, ça lui coupe toujours ainsi l'appétit, dans tous les sens que sa voracité légendaire sache donner à ce terme – et par les astres, qu'ils sont nombreux ! Alors sa dégaine de va-t-en-guerre, sans décélérer, s'engouffre par les degrés de fonte jusqu'aux tonitruantes viscères de l'abattoir sous-terrain, puis à devers des baies teintées de l'office, surplombant arène et tribunes aménagées là où s'entassaient déjà, par tonnes, les bidoches imbibées, naguère de pisse –  dorénavant de gnôle. C'est à un saut du vide, trompeusement condamné par l'enceinte des vitraux, que son élan s'en vient in fine claboter, poings au fin fond des poches de l'un de ces futals à la coupe presque masculine, lui valant toujours quelques regards outrés, lorsque son cul roule, ainsi nippé, en de plus précieux salons que celui-ci : antre figé dans son jus qui, des coquetteries, a plus que passé l'âge. « Il est en-bas », siffle alors le boa aux écailles de jade, ayant furtivement serpenté le long de son râble. Parvati, qui dans le reflet de la glace lui sourit, d'une main chasse les noires binocles du nez de sa maîtresse, et de l'autre allonge les diaprures ambrées d'un verre de rhum, que la Khodja siphonne à moitié, d'une seule lampée. « Vous descendez ? » Non, qu'elle rétorque en silence, harponnant à l'instant la silhouette du jeune squale nageant en contre-bas parmi le fretin. « Fais-le monter », décrète-t-elle, en liquidant le nectar entamé. Et d'ajouter, d'un ton badin quoiqu'on ne peut plus sérieux : « En un seul morceau, sois mignonne. »

Une pincée d'instants, c'est ce qu'il lui faut, à Léonte Oshun, pour rallier les hauts quartiers de la matriarche, n'ayant guère oscillé que pour verser à son cristal avide un doigt d'ambroisie. Derrière lui, le battant se scelle sur les calots luisants de la Mêlée, proscrite au seuil de la cage. « Approche. » Familiarité sans maniérisme ; elle est à l'image de ce qui l'entoure, Ashîva. Incommode, et stricte. Pas tant, à dire vrai. C'est qu'étiquette et obséquiosité, simplement, de son outre-monde sont bannis. « Approche, que je te regarde. » Cependant la Corneille ne se retourne pas, orbes rivés sur la lice, n'exhibant que pennage obscur aux calots de l'étranger qui, s'il survit à ses fiançailles, sera sous peu son fils. « Sur lequel veux-tu miser ? », qu'elle s'enquiert alors, désignant d'un geste de mandibule les belligérants qui sur le sable sont, en simultané, lâchés.


Dernière édition par Ashîva Khodja le Sam 21 Avr 2018 - 3:21, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptySam 21 Avr 2018 - 2:42

L’invitation ne plait pas. Métis le devine aux lèvres pincées de son ancien maître, et aux coudes ramassés contre ses flancs ; comme s’il était au combat. « Est-ce que je dois t’accompagner ? finit-elle par demander. » Tandis qu’elle penche afin de lire par-dessus l’épaule, les lignes se dérobent brutalement à sa vue. Le pli, qu’elle a deviné sommaire, est broyé par la pogne. Léonte l’aurait plus volontiers brûlé s’il ne se trouvait au Palais des Flammes et qu’il n’était éduqué comme il l’est. « Non, dit-il sans regarder après la mêlée. Je serai en sécurité. » Pour autant qu’on peut l’être dans Jhiu N'guri, surtout frappé des quatre lettres jadis impériales. C’est différent, naturellement, lorsqu’on est convié par la reine sous les pavés, Ashîva Khodja. L’invitation lui déplaît ô combien mais, bien sûr, Léonte soupçonne qu’elle le fait à dessein. Il n’est pas libre de refuser. Il n’a pas l’intention de le faire. « Est-ce que je dois insister pour t’accompagner ? » Depuis que leur lien a été rompu, il va librement dans tous les endroits mais rarement seul quand il s’agit d’une invitation aussi solennelle qu’une missive apportée et remise en mains propres. Pour ce qui est des tractations nuptiales, Léonte n’entretient Métis de rien. Celle-ci n’en est pas moins sagace, ou attentive, et flaire dans ses silences que ça a trait à ces choses et qu’on ne rencontre les Khodja que dans les fosses de la capitale.

La flaque qui éclabousse les ourlets de son pantalon et les lacets de ses bottes est équitablement constituée d’eau stagnante, d’urine et de résidus de charbon consumé. Sa démarche est assez opiniâtre pour laisser entendre qu’il s’en fiche, alors même que c’est faux. Il répugne à frôler les coupe-gorges, à s’enliser dans la boue, dans la merde, tandis que Launondie est si peu arrosée à l’année qu’on en devine dans quels liquides les déjections de toutes les sortes ont été délayées. Léonte n’est pas assez snob pour s’attacher à ses semelles qui ne prennent pas la flotte. Pourtant, il a quelque horreur à frayer parmi les regards torves, les sourires crapules et les tronches maussades. Ces figures ont une chose étrange – de l’étrangeté, un manque de familiarité qui lui fait tenir sa dague sous deux doigts, dans un repli de ses vêtements. Il a de bonnes chances de saigner celui qui se croira de la chance ou se trouvera de l’audace, avant que le quidam n’ait pensé à la rengaine nécessaire à le dépouiller, cependant qu’il est quasi certain de n’en avoir aucune utilité. Sa dégaine détonne, fâche certaines rétines rencontrées au hasard, encore qu’on ne l’approche pas, comme si une cohorte de la garde battait son sillage. Faut-il qu’il le croit, à tout le moins, pour avancer avec son pesant d’assurance et s’enfoncer dans les fonds comme on court à la gueule d’une bête.

Léonte ne pense rien des combats de mêlés. Ce serait affreusement hypocrite de sa part. Il attache cependant trop d’importance à la vie de Métis pour ne pas, un peu, grimacer en-dedans. L’idée que le meurtre soit un divertissement le fait toujours renâcler et, en même temps, comme il troquerait parfois quelques uns de ses crimes pour une poignée d’argent… Le fait est qu’une volée d’adrénaline s’approprie son échine, se ballade dans sa nuque jusqu’à la base de sa colonne vertébrale. Qu’importe les armes, les cibles, il blaire l’odeur séduisante de l’hémoglobine distribuée. C’est presque plus fort que lui. Il en oublie la masse qui grouille tout autour, le presse de cette façon dont on n’approche jamais un prince et dont il ne pense pas, sur l’heure, à s’offusquer. Durant quelques secondes, Léonte est, quoi qu’avec un peu de honte postérieure, parfaitement bien.

Là où son attention est difficile à obtenir, sa manche est poinçonnée par Parvati. Ils n’échangent aucun mot jusqu’à ce qu’il ait grimpé. Il est, dès la silhouette de la matriarche aperçue dans le cadre, cent fois plus tentant de plonger en contrebas. Pourtant, il entre. Pire, il approche. Si bien dressé, le chiot obéit sans même y penser. À la première semonce, du moins, car, pour sa part, Léonte en découvre assez. Peut-être s’était-il fait une idée d’Ashîva Khodja ou aucune. La mère (si pas par la biologie, par le reste) lui importe autant que la fille ; oui, il avait oeuvré avec une certaine imagination mais rien qui approche son saisissement à deux pas de la ténébreuse. Il s’autorise à déglutir, sous couvert qu’elle ne puisse pas le voir. Une politesse quelconque serait la bienvenue. Léonte les renie toutes. Quelques mots rebondissent dans son crâne, rien que ses lèvres daignent cracher. Il est à la fois furieux qu’elle ne le regarde pas et, sous la surface, tel le courant invisible depuis le ciel, indiciblement soulagé. Alors, pour la satisfaire autant que pour se changer l’horizon, Léonte s’avance assez pour la flanquer à bonne distance et jeter un œil scrutateur aux adversaires du soir. D’abord, il compte sur une banalité pour le dédouaner de répondre. Puis ses rétines s’attardent, machinalement. Elles luisent d’un nouvel éclat et la bouche articule aussitôt : « Celui de droite. » Ravi que son timbre ne flanche pas (comme si causer d’une chose qu’il connaît le distrayait de sa nervosité principale), Léonte poursuit : « Il est plus jeune, plus léger. » Et maladroit. Trop impatient. Sans la moindre technique à peu près valable ; mais qui s’en soucie dans ces circonstances ? « Je dirais que ce sera fini en sept coups, s’il est possible de miser jusque-là. » Légèrement, le menton se dresse. Il s’autorise une oeillade mais s’interdit de quitter la lutte non plus.
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MessageSujet: Re: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptyVen 4 Mai 2018 - 20:22

« Celui de droite. » La scrutation oblique aussitôt dans la direction du héro désigné. Sans toutefois franchir la surface vitrée. C'est, de fait, sur le portrait flottant de l'Oshun, fait prisonnier du verre, que l'intérêt s'en vient serpenter. Traînard, froid, écrasant. Reptilien. Monstre de regard qui, entre paupières charbonnées, capture ce que sera sa première impression, et la gobe ; la mémorise. C'est le garçon d'abord, que Mama rencontre. Rien qu'un mioche qui cède volontiers, tant à l'attrait du jeu qu'à l'examen auquel on le soumet. Sans broncher. Un enfant-soldat, éduqué à obtempérer – à aimer ça. « Il est plus jeune, plus léger »... que son père, mais l'un ne saurait renier l'autre, depuis le roussi clairsemant mêmement leurs crinières, aux prédilections pour les arts de la guerre. « Je dirais que ce sera fini en sept coups, s'il est possible de miser jusque-là. » La matriarche opine à la négative, tandis que l'attention réintègre l'arène. « Si c'était une simple rixe oui, peut-être », s'accorde-t-elle à lui concéder, car sans doute aurait-elle misée sur le même preux, si c'eut été en effet quelque banale bagarre de ruelles. « Mais c'est un spectacle, regarde. » Et ce disant, ce sont sur les gradins bondés que, d'une rotation de l'index, elle invite la considération du jeune homme à se porter. « Écoute-les », qu'elle susurre, doigt en suspension, à l'instar de quelque baguette de maestro, qui à l'orchestre infernal dicterait une partition cacophonique. Mais l'harmonie, soudain, se précise ; on reconnaît certains accords, tissant la ligne musicale qu'elle désire lui faire entendre. Mélopée barbare, presque incantatrice. « Ces cabots-là veulent du sang. » Et ils en auront. Car c'est ce que Mama leur vend. En témoigne la légion de bookies, grouillant dans les tribunes pour glaner les mises, qui n'ont de cesse de grimper, tandis qu'au centre de la scène, les lutteurs se sont mis à valser. Chorégraphie de damnés qui excite la foule, taquine dans les bedaines une autre forme de lubricité. « La victoire, ci-bas, est une faveur qu'on accorde à celui qui satisfait cet appétit-là... et ce n'est pas toujours celui-là qui la mérite », précise-t-elle, comme confirmant à demi-mot ces rumeurs, l'accusant de truquer l'issue des combats ; inepties de ceux qui n'ont pas saisi que l'enjeu n'est pas toujours la fin. Mais parfois le moyen d'y venir. C'est ainsi à celui des deux qui attisera le mieux les ardeurs des parieurs que les lauriers du triomphe seront décernés. Quitte à ce que le destin, en la personne de l'arbitre, lui file un coup de main. « Les règles du jeu ne sont pas si différentes, là d'où tu viens. » Toupillant caboche vers lui, Ashîva dévoile une canine ; sourire incisif, provocateur, assorti d'une œillade qui ne rit pas. « Nos deux mondes ont cela de commun, n'est-ce pas ? On fait tous grand cas du mérite, mais ce n'est pas lui que l'on couronne souvent » Pique gratuite, qu'elle lance à tâtons, pour tenter de déterminer si l'héritier est chatouilleux, ou non, sur la question soulevée. Elle sait, de fait, qu'Hector n'aura pas dressé son fils à attendre que le succès lui tombe tout droit dans le bec ; mais Léonte, qu'en pense-t-il, des privilèges inhérents à sa naissance au sommet, faisant de lui l'homme important qu'il est aujourd'hui ? et Léonte, qu'en pense-t-il, qu'on sous-entende sans grand tact, qu'il n'en est peut-être pas si digne ?

Avec l'alcool, le rictus est ravalé d'une traite ; la Matrone s'éloigne jusqu'au massif fauteuil en cuir usé, que le temps a raviné de crevasses grinçantes, lorsque de tout son poids, elle s'y affale. « On m'a dit que tu étais doué, une lame à la main. » Allongeant le bras, elle saisit un deuxième verre et le col de la bouteille de rhum. « Je me demandais... », qu'elle ânonne, versant pour eux deux phalanges d'eau-de-vie, « Pourquoi n'as-tu pas suivi, alors, les traces d'Hector ? » Et de la dextre, ce disant, lui désigne le sofa d'en face. Quoiqu'elle ait une idée plus que précise des raisons ayant conduit le père à placer son précieux aîné aux commandes de l'empire minier, la curiosité sincère porte sur les aspirations personnelles du fils. « L'armée ne t'intéressait pas ? »
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MessageSujet: Re: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptyDim 6 Mai 2018 - 20:42

Léonte sait qu’elle le regarde, qu’Ashîva l’examine jusqu’au clinique, cependant qu’elle sait – au moins aussi bien – qu’il fait semblant de n’en rien percevoir. Les rétines céruléennes du jeune Oshun dansent pour les os qui saillent, les muscles qui bombent, et font des arceaux sous la peau. Il se demande quelle vie on a, quelle vie il faut, pour se battre de la sorte et crever comme une bête dans les galeries puantes de Jhiu N'guri, loin, très loin d’une gloire quelconque ou d’une dignité minimale. Pas que la pitié l’étouffe ou que l’exercice intellectuel l’intéresse foncièrement : il tâche de se distraire le trac. Léonte ne se fait aucune illusion sur ses capacités à séduire Ashîva Khodja. Il est probable qu’elle le méprise, comme il est certain qu’il le fait. Quand même pourrait-il lui plaire qu’il le refuserait sur-le-champ. Depuis l’annonce de ses fiançailles, il a convenu en son for intérieur qu’il leur faudrait, les Khodja et lui, demeurer sur deux versants distincts, qu’au surplus il exige opposés. Moins il convient à sa belle-mère, plus il est satisfait de sa conduite. Tout le passe-passe consiste donc à trouver un point d’équilibre qui obtempère aux désirs de son père mais ne le dégoûte pas plus avant de lui. Ce soir, la théorie lui paraît relever de l’impossible, car il regarde et il écoute, et quoi qu’il ne soit ni surpris ni spécialement ému de la machinerie derrière les protagonistes, Léonte reste pétri de répugnance pour ces jeux de brutalité et de sang. Il se bat. Il tue. Pour d’autres vues que le divertissement. Il y prend un plaisir modéré, assez pieux et assez égoïste, ce qui lui confère, croit-il depuis toujours, une supériorité morale sur les autres ; y compris sur Ashîva Khodja.

Leurs deux mondes n’ont rien de commun que le partage d’un même planisphère. Léonte n’est pas suffisamment susceptible ou suffisamment audacieux pour le faire remarquer. Il faut beaucoup d’injures pour le faire tressaillir, alors il ne bronche pas. C’est, de toute évidence, ce qu’elle entend jauger. Le menton flanche, opine pour moitié, tout en laissant le soin à l’autre d’aviser quelle moitié ; il ne nie pas que le mérite épingle la combinaison de bon nombre de garçons et filles de sa naissance sans qu’aucun ne s’en soit montré·e vraiment digne (quand ils ne se précipitent pas à l’inverse) ; il ne défend pas non plus son propre bilan, au compte duquel on ne pourrait verser que des efforts et une certaine humilité. En vérité, Léonte est si certain de lui qu’il est tenté de rétorquer. Si seulement il livrait ses opinions comme d’autres des coups de surin… Or, à chaque point d’interrogation qu’il ne discerne pas dans le timbre, l’héritier prend toute sa permission de garder les lippes vissées l’une à l’autre. Poignets ramenés, croisés, entre ses reins, Léonte s’écarte légèrement de la vitre pour suivre le sillage de la matrone à travers la pièce. Elle s’installe, il demeure. À l’exception des broderies soignées à son col et à ses manches, il serait quelque porte-glaive au service d’ Ashîva Khodja qu’un spectateur soudain ne verrait aucune différence. Si sa distance pouvait passer pour de la déférence, Léonte ne serait jamais aussi fier de lui qu’en ce moment.

« On m'a dit que tu étais doué, une lame à la main. » Encore une affirmation, alors le jeune homme ne commente rien. Il ne glose jamais. Poliment, il accorde une oeillade à l’alcool écrasé dans le fond d’un verre qui, a priori, sera bientôt sien. Puis : « Je me demandais… » Assurément, ces trois mots sont de ceux que Léonte aime le moins quand il s’agit de débuter une conversation – de surcroît lorsqu’elle se joue en terrain hostile. La question, néanmoins, est redondante, habituelle ; pourquoi. Les ignorants ignorent, les autres devinent pourquoi. En fin de compte, il n’y avait peut-être que Léonte pour ne pas le voir, ou ne pas l’admettre. Ce garçon-là n’est pas tout à fait mort mais jeté aux fers et bâillonné dans un donjon de son esprit depuis quelques temps, déjà. Alors la répartie lui vient naturellement, en même temps qu’il approche le sofa sur lequel il ne s’assoit pas. Son silence ne dure presque rien : « J’ai cru que l’armée m’appellerait. » Un devoir à la fois héroïque et sacré auquel il n’a pas entièrement renoncé. Cependant, le fait est qu’on ne l’a jamais conscrit. S’il fallait du symbolisme, le lacet du fourreau à sa cuisse est détaché de sa ceinture et l’épée le désencombre de telle sorte qu’il peut s’asseoir à son aise. « Mais nos deux mondes ont cela de commun que nous devons tous faire ce qu’il faut. »
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MessageSujet: Re: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptyLun 4 Juin 2018 - 20:38

D'un gendre, qu'attendre ? sinon qu'il soit pétri par le sens du devoir, et pénétré de la sage conviction que son vouloir n'a pas le droit de cité en ce monde qui n'est leur qu'à la condition que chacun fasse ce qu'il faut. La leçon qu'il crache devrait lui suffire, voire même lui convenir. Pourtant, le menton se refuse à opiner, et cabre plutôt devant tel stupide élan d'humilité. La Corneille croasse, sardonique, songeant à ces mots qu'on lui rabâchait naguère. Le destin n'appelle que les égarés. Un proverbe de nomade, né du navrant silence des immensités. Là où les seules voix, que l'homme seul entend, sont celles de ses démons. Dans le fond du verre, la liqueur tourbillonne, chahutée par le poignet d'une matrone pensive, comme absorbée justement par les soliloques de sa psyché. « Que sais-tu de ce qu'il faut faire ? », qu'elle grogne enfin, agressive, après un instant à lorgner les reflets ambrés, cillant de nouveau en direction du jeune homme interrogé. Un rictus insaisissable se faufile d'une canine à l'autre. Après tant d'années, elle-même continue de douter, questionnant sans cesse les astres pour espérer voir plus haut, plus loin, que le bout de sa truffe, salement balafrée à force de barouder au travers de sa nuit noire d'existence. Oh, bien sûr, à son âge aussi, croyait-elle savoir ce qu'il fallait faire : se marier, sortir du désert, engendrer. Ça semblait si simple, ou plutôt si confortable, de se laisser aller à en découdre contre des obstacles identifiés. Parce qu'elle aussi, oui, pensait pouvoir deviner l'issue de tous les combats. Son museau toupille vers la baie vitrée, tantôt quittée. Un excès d'assurance mal placée. Car au nom de ce qu'il faut, elle en a livré bien d'autres, des batailles, plus secrètes. De celles que nul n'augure, avant qu'il ne soit trop tard. Ce n'est pas en se préparant au pire qu'on s'en montre à la hauteur, une fois qu'il se présente ; c'est en tâchant de savoir pourquoi on veut l'affronter. Parce qu'il faut faire ce qu'il faut, n'est pas une réponse satisfaisante. Ce n'est qu'une tournure, un rond de jambe coquet. « Trois poils aux burnes, et ça s'pense être un homme fait.. », elle marmonne, matoise. Prunelles braquant derechef le portrait de l'ignorant, elle ment, tente une autre approche, plus affinée — plus risquée, aussi — au regard du peu de cartes que l'Oshun a daigné allonger. « Ces fiançailles sont une mauvaise idée. Tu n'es pas prêt... dis à ton père qu'on annule tout. » Puis ponctue sa fausse déception d'un soupir las. « À moins que tu n'préfères que je me charge moi-même de la besogne, si tu redoutes sa réaction face à ton échec ? » Une grimace désolée lui froisse les babine ; un soupçon de pitié, semble-t-il. « Ou bien... » Arrachant son buste au confort du dossier, la joueuse se penche, caboche inclinée de côté. « Tu m'épargnes ton baratin de bon garçon, et tu essayes de me convaincre que j'ai tort, en commençant peut-être par me dire ce que tu attends, toi, Léonte Oshun, d'une telle union... si tu en penses quoique ce soit, sinon eh bien... dégage, car j'ai d'autres choses à foutre. »
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MessageSujet: Re: prove me wrong. (ashéonte) prove me wrong. (ashéonte) EmptyLun 4 Juin 2018 - 23:20

Léonte subodore d’avance que sa réponse ne siéra pas. En réalité, elle ne sied à personne, pas même aux maîtres de la complaisance et aux artisans de l’étiquette. La formule est creuse – après tout, c’est ce que c’est : une formule – comme tout ce qui passe de la bouche à la bouche dans le milieu dont le fils d’Hector Oshun est issu. Si ses interlocuteurs convoitaient sincèrement le fond de sa pensée et la lie de ses instincts, ils ne tolèreraient pas un monde bardé de règles complexes, de codes rigides, qu’il faut une éducation pour apprivoiser et les savoir utiliser. Même Ashîva Khodja n’a aucun intérêt pour ce qu’il est. Léonte soupçonne qu’il est une distraction, un entracte supposément reposant en comparaison des tâches qu’elle accomplissait avant qu’il n’entre et des autres qui patientent que la reine achève de gober le petit prince. En un sens, il doit subir ; il le faut. Il n’est pas résolu à autre chose, à moins que son orgueil ne le tiraille de plus en plus, comme lorsqu’elle se moque de la réponse qu’il lui fait. L’avait-il deviné que ça n’en est pas moins doucement cuisant.

Malgré son âge et compte tenu des dogmes plus ou moins éclairés dont on lui farcit le crâne depuis l’enfance, Léonte a une idée extrêmement précise de ce qu’il faut faire. Ce n’est pas uniquement affaire de devoirs : honorer les Sept, son père, sa mère ; ne point tuer, tromper, voler ; s’abstenir d’envier et de tenir rancune ; s’astreindre à une morale inatteignable et, en cela, qu’il convient de rechercher toute sa vie durant. Il y a une sagesse plus naturelle derrière sa conduite, naturelle au sens qu’elle précédait toute chose et surtout tous les hommes. Par exemple, il ne croit pas qu’il faille obéir à son père car il est son père mais parce qu’une autorité irrésistible émane de lui. Léonte ne pourrait pas agir différemment, refuser d’épouser Asrae ou de se présenter à la mère de celle-ci. De même, Ashîva Khodja n’est pas une créature qu’il pourrait vaincre, si bien qu’il est avisé de ne pas même tenter de la défier. Ni de rétorquer qu’il n’a pas peur d’en informer son père ni de purement foutre le camp.
D’un côté, Léonte sait que ce n’est pas à propos de lui ; il ne peut ni échouer ni réussir, l’arrangement le devançait et le surmontera sans peine. Cette décision ne lui est jamais revenue et n’a pas le moins du monde besoin de le satisfaire. Il le fera, voilà tout. D’un autre côté, il se méfie furieusement de l’impression qu’il est en train de rendre à la difficile matriarche. Certes, il est réellement stoïque, policé, le plus neutre que l’on puisse imaginer et proportionnellement irritant pour les esprits vifs et canailles. Or, les circonstances ne se prêtent pas à ce que Léonte soit prosaïquement ce qu’il est. À l’arrivée, il se sait menacé, qu’importe que ça ne soit pas forcément à la manière dont Ashîva l’organisait.

Léonte réfléchit vite, aussi hardiment que s’il était à la guerre. D’ailleurs, il l’est – et, sous la peau à l’endroit du coeur, ça frémit. « Je suis un bon garçon, dit-il d’abord. » De toute évidence, il ne l’annonce pas : il le rappelle. Que de précepteurs et de nourrices se sont alignés pour lui fournir de bonnes manières, une attitude irréprochable et de l’esprit afin de survivre aux joutes verbales de la cour (jadis) impériale. A contrario, on ne l’a guère entraîné aux bas-fonds et autres caniveaux – encore qu’il ait appris par des traverses. « J’attends de cette union ce qu’on attend de tout mariage : des alliés. » Léonte ne s’est jamais figuré que la fille qu’on lui choisirait lui plairait, n’est-ce que ne lui déplairait pas. Les unions arrangées sont incommodes, c’est dans leur essence. En revanche, sans doute espérait-il qu’il n’aurait pas à se salir. « Et je crois mon père lorsqu’en me donnant au nom des  Khodja, il suppose ou il sait qu’être un bon garçon ne me suffira pas. » Dans la façon dont il opine (une nuance empruntée à Métis, maudite soit cette mêlée), il y a de la condescendance. Les exploitations minières des Oshun peuvent avoir besoin des mains poisseuses de sang des Khodja et leur administrateur mépriser malgré tout qu’on lie si étroitement son sort au leur. En dernière insurrection, Léonte se redresse. Il ne fait même pas mine de sortir. Il ajoute simplement : « Faites-moi descendre parmi eux, ne désigne-t-il qu’à peine le verre crasse derrière lui. Je ne vous ferais plus perdre votre temps. »
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