Ses petits talons claquent sur le marbre. Un air royal fixé sur le visage, la vipère avance fièrement. Sa robe frôle le sol alors qu’elle s’est encore parée de bien trop de bijoux. Mais elle aime ce qui brille la poupée, et elle n’a que faire des excès. Alors qu’elle traverse les allées du palais, un air grave se forme doucement. Une information de la plus haute importance lui a été transmise par un de ses espions d’Aguarini, et elle ne peut pas la garder pour elle. Rae pourrait la vendre, au plus offrant, et les Sept savent qu’il y a foule cherchant à nuire les Oshun. Mais la bronze ne pourrait jamais trahir celui qui est presque comme un frère pour elle. Merle Osanons ne perd rien pour attendre, elle finira par tomber de son trône, à force de trop s’y admirer. Il finira par se briser, l’oisillon, à trop vouloir s’émanciper du nid. Et ce jour-là, Rae sera aux premières loges. Rapidement, elle arrive en direction des appartements du prince Maven. Elle les connaît par cœur, et elle n’a pas besoin de montrer patte blanche pour qu’on la laisse y entrer. Comme si elle était reine en ces lieux, elle ouvre les deux larges portes, faisant une entrée triomphale. Elle sait pertinemment qu’il n’y a personne, mais il ne devrait plus tarder à arriver. La poupée connaît les emplois du temps de chacun des membres de la famille royale par cœur. Aucune information ne peut - et ne doit - lui échapper, pas alors qu’elle est maîtresse de tous ces petits oiseaux sillonnant Aksana.
Elle fait le tour des appartements, admirant les mille et un trésors du prince. Elle préfère, et de loin, la chambre de Cal, mais ça n’est pas à lui qu’elle est venue apporter une information, pour une fois. Rares sont ceux à connaître la véritable occupation de la Skonos, mais Maven en fait parti. Un sourire se glisse sur ses lippes alors qu’elle essaye une cape en velours rouge. Elle s’admire dans un miroir non loin de là, tournant sur elle-même. Elle a certainement dû être reine dans une autre vie, le luxe lui va si bien au teint, que cela semble être l’unique explication. L’or de ses boucles d’oreilles imposantes contraste à merveille avec sa chevelure ébène bouclée. Perdue dans ses songes, elle sursaute alors qu’un raclement de gorge se fait entendre. – Ah, Maven, te voilà. Elle retire ce qu’elle avait enfilé et se tourne en direction du prince des flammes. Elle passe délicatement sa langue sur ses lèvres alors que son regard s’attarde sur la plastique parfaite de l’Oshun. La famille a définitivement hérité des meilleurs gênes d’Aksana. Passant sa main dans ses cheveux, elle s’avance en direction de son ami. – Quel est cet air surpris sur ton doux visage ? Les esclaves ne t’ont donc pas prévenu de ma présence ici ? Nous sommes vraiment entourés d’incapables. Elle lève les yeux vers le ciel avant de se pencher dans sa direction, embrassant longuement sa joue gauche. Pas de révérence, il n’y avait jamais eu ça entre eux. – Enfin, maintenant que tu es là, nous allons pouvoir discuter. Elle claque des doigts et un lambda s’empresse de fermer la porte, trop inquiet de subir la colère de la vipère, qui n’était pas réputée pour être tendre. – Je ne sais pas vraiment comment t’annoncer ça Maven… Cela me fait de la peine, alors que tu viens juste de nous revenir. La période de folie du prince l’avait fortement inquiété, mais il avait fini par reprendre ses esprits, grâce à la fille de l’eau et elle craignait qu’il ne sombre de nouveau, une fois que les mots seraient sortis. – C’est à propos de Merle. Elle n’est pas ce qu’elle prétend être Maven. Un air sincèrement désolé se greffe sur son visage alors qu’elle attrape la main du blond.

« Ah, Maven, te voilà. » Le terrible prince Oshun sentit surprise et joie se mêler en lui, alors que la silhouette de la divine Skonos se dessinait devant ses yeux. Toujours insaisissable, discrète et imprévisible. Reine des espionnes à la solde de l’empereur déchu. Mais avant tout une amie, pour le solitaire et sauvage enfant du feu. Rapidement, la rusée avait su apprivoiser le tempérament impulsif et paranoïaque du jeune homme. Jusqu’à ce que la confiance naisse, entre ces deux âmes que tout opposait. Rae était solaire, diablement intelligente et sachant jouer la comédie comme personne. Maven était réservé, affreusement humain et si aisément manipulable. La brune aurait pu prendre l’ascendant sur lui. Se jouer de sa douce naïveté, qu’elle avait si bien perçu sous ses atours de brute sanguinaire. Mais elle n’en avait rien fait. Dès les premiers jours, elle s’était montrée d’une honnêteté déroutante. Et le royal ne l’en avait que plus apprécié. Il était plus grand, plus musclé, plus fort qu’elle sur tous les points. Mais pourtant, de façon inexplicable, il se sentait en sécurité lorsqu’il se trouvait près de l’araignée. Et même cette affreuse balafre qui le défigurait ne le gênait pas autant qu’elle le faisait d’ordinaire. « Quel est cet air surpris sur ton doux visage ? Les esclaves ne t’ont donc pas prévenu de ma présence ici ? Nous sommes vraiment entourés d’incapables. » L’impétueux ricana, un sourire fendant son visage marqué par de trop nombreuses guerres. De trop nombreuses batailles qu’il avait mené pour autrui et notamment pour son propre sang. Parce que jamais il ne pensait à lui, l’enfant aux yeux dorés. Jamais il ne s’y autorisait. Parce que sa personne ne comptait pas, face aux autres Oshun, ces jumeaux qu’il avait élevé au rang de véritables divinités. La Skonos déposa un baiser sur sa joue, avant de reprendre : « Enfin, maintenant que tu es là, nous allons pouvoir discuter. » Un claquement de doigt et l’esclave s’empressa de déguerpir. Il ne connaissait que trop bien le caractère irascible de sa maîtresse. Maven haussa un sourcil surpris. Il ignorait qu’une réunion stratégique servant les intérêts de Cal devait avoir lieu. Notamment parce qu’il n’y comprenait jamais rien et seuls les ordres clairs et précis faisaient écho chez lui. Tue. Torture. Capture. Les trois mots qui étaient devenus son quotidien. Prêt à tout pour ces aînés qu’il aimait plus que le reste du monde entier, sa conscience et les remords n’avaient pas lieu d’être en lui. Vivre pour eux. Jusqu’à s’oublier. Totalement. Telle était sa maxime. Mais ce qui laissait le fils du feu extrêmement perplexe était l’absence de Cal et d’Isaure. Froncement de sourcils. Le ton de Rae était bien trop sérieux pour que cette entrevue soit chargée de rires et de complicité. Il pressentait quelque terrible secret, sous son attitude. Quelque révélation qui promettait de déchirer ce cœur déjà bien trop calciné par les mauvaises âmes d’Aksana. « Je ne sais pas vraiment comment t’annoncer ça, Maven … Cela me fait de la peine, alors que tu viens juste de nous revenir. » Et le belliqueux se mit à faire les cents pas autour d’elle. Une peur immense remplissant désormais son âme. Il n’avait quitté sa tour d’ivoire que depuis quelques jours et déjà, la réalité le rattrapait. L’espace de presque une semaine, Maven avait été heureux, avait ressenti un bonheur comme jamais il ne l’avait pas auparavant. Il était avec ses deux âmes-sœurs, allait épouser la femme de sa vie. L’avenir lui souriait. Lui tendait les bras. Mais tout cela n’avait été qu’un rêve. Bien entendu. Le chagrin se déploya sur ses épaules déjà trop lourdes. Fardeau supplémentaire à porter pour la meilleure âme de tout le continent. « Dis-moi. » Ton rauque, marqué par la douleur. Il sentait son cœur défaillir. Son estomac se nouer. Il avait cru atteindre le paradis. Et la chute n’en allait être que plus terrible. « C’est à propos de Merle. Elle n’est pas ce qu’elle prétend être Maven. » Ses prunelles dorées se fixèrent sur son amie, durant plusieurs de secondes. Plusieurs secondes qui permirent au silence de s’installer entre eux. Comme l’arbitre invisible du duel qui se préparait. Et rapidement, les angoisses premières du maître du feu disparurent. Un sourire conciliant naquit sur ses lippes. « Impossible, Rae. J’suis désolé d’te contredire mais j’connais Merle depuis toujours. J’lui fais confiance. Jamais elle n’mentirait. » Et il en était certain. Intimement persuadé. Jamais la reine d’Aguarini n’oserait lui faire cela. Elle était amoureuse de lui, elle portait son enfant, allait devenir sa femme. La peur déserta son corps de guerrier alors qu’une douce joie revint éclairer son visage pâle. « Cette fois, tu t’trompes. Mais c’est pas grave, Rae. Ca arrive à tout l’monde et j’te promets que j’le dirais à personne. »

Bronze parmi l'argent. Noble parmi la royauté. La vipère avait su se faire sa place au sein des plus hautes sphères d'Aksana. Elle se trouvait parfaitement à sa place, entre l'or et la soie. L'ascension de la Skonos attisait la jalousie de ceux qui souhaitaient la voir tomber. Mais Rae était bien trop installée sur son trône, qu'elle ferait tout pour ne jamais en descendre. Elle n'a pas de morale, pas de loyauté. C'est le plus offrant qui pourra s'acheter ses services. Enfin, les Oshun font exception à ce qu'elle s'était promis depuis toujours. Elle s'attache la brune, bien trop, bien plus qu'elle ne le devrait. Cela en devenait presque une faiblesse. La preuve en est là, alors qu'elle décide d'informer Maven de ce qu'elle avait appris au lieu de vendre cette information à Adonis par exemple, ou toute autre personne qui aurait souhaité voir le blond sombrer de nouveau. Elle le voit tourner comme un lion en cage alors qu'elle lâche ses mots au fur et à mesure. Elle ne peut pas lui dire tout de but en blanc. Elle ne veut pas le perdre, mais elle ne peut pas non plus continuer à le lui cacher. Tout le monde a toujours pris Maven pour un être inférieur à ses aînés, mais il n'est pas qu'un chien de garde à ses yeux, il est aussi son ami. Et bien qu'elle ne sache pas réellement en quoi l'amitié consiste, elle suppose qu'être honnête doit en faire parti, puisque ça n'est pas quelque chose d'habituel pour elle. Puis elle finit par lui livrer la raison de sa présence ici. Merle. Celle qu'il doit épouser. Et bien évidemment, il ne la croit pas. Rae laisse un soupir effleurer sa bouche alors qu'elle sait que tout ça s'annonce plus compliqué que prévu. La brune se pince les lèvres avant de se tourner pour lui faire face. Le sourire qu'il arbore sera bientôt balayé et elle n'aime pas cette idée. Elle n'apprécie pas non plus cette faiblesse qui se développe en son sein. Elle devrait être plus impitoyable que ça, mais elle n'y arrive pas. Parce que Maven est comme elle dans le fond, une âme perdue qui essaye de se raccrocher à quelque chose. Et la chute risque d'être rude. Le prince continue dans son entêtement, complètement aveuglé par cette fascination malsaine envers la reine de l'eau. Un autre soupir glisse sur ses lèvres alors qu'elle chercher comment lui dire les choses sans être une catin. – Maven ... Son ton est plus doux, du moins elle essaye. – J'aurais aimé me tromper, crois moi. Pour cette fois, j'aurais vraiment aimé avoir tord. Mais elle savait qu'il s'agissait de la vérité, et elle ne pouvait pas le laisser épouser une usurpatrice telle que Merle Osanos. Rae n'avait jamais compris pourquoi Cal avait tant tenu à s'allier à cette princesse sans intérêt. La nation de l'eau n'a jamais porté grand intérêt aux yeux de la Skonos, mais elle avait dû y chercher des espions, pour élargir sa toile. – Mais je tiens mes informations de source sûre. J'ai des oreilles partout Maven, dans tout le royaume, dans chaque village. Aguarini n'en est donc pas exempté. Le bruit de ses talons résonne de nouveau alors qu'elle contourne un sofa pour se rapprocher de lui, se tenant à distance malgré tout. La divine était dans la retenue, ce qui ne lui ressemble pas. – Merle t'a annoncé qu'elle était enceinte, n'est-ce-pas ? La nouvelle n'avait pas été répandue, preuve que Rae détenait la vérité, preuve qu'elle ne lui mentait pas, preuve qu'entre elle et Merle, il était clair que ça n'était pas l'Osanos qui souhaitait son bonheur. Elle installait un silence afin de le faire réfléchir, qu'il puisse comprendre. – C'est faux. Tout était faux, inventé par la démone. Prétexte pour ramener le loup parmi les siens, peu importe les conséquences. Mais elle se devait de rétablir la vérité, et il ne pouvait pas vivre dans le mensonge, il ne pouvait pas penser l'aimer alors qu'il ne savait rien d'elle, en définitive.

« Maven … J’aurais aimé me tromper, crois-moi. Pour cette fois, j’aurais vraiment aimé avoir tort. » Mais peu importait les paroles de cette amie que le terrible prince Oshun avait toujours chéri. Elles étaient semblables à de l’eau coulant sur sa peau ourlée de cicatrices. Elles n’étaient que de passages, ne s’insinuaient pas en lui, ne laissaient aucune trace. Parce que toute rumeur proférée à l’encontre de celle qu’il avait posé sur un piédestal ne l’atteignait guère. Parce qu’il était certain de ses sentiments pour la terrible mais divine Osanos. Parce que, pour la première fois de sa chienne de vie, il était persuadé que l’amour qu’il offrait à la brune lui était rendu au centuple. L’enfant du feu était sûr de lui, cette fois-ci. Et, pour le moment, la Skonos ne parvenait pas à le faire douter. Pour le moment seulement. « Mais je tiens mes informations de source sûre. J’ai des oreilles partout Maven, dans tout le royaume, dans chaque village. Aguarini n’en est donc pas exempté. » L’impulsif s’était laissé tomber sur un sofa, la tête entre les mains. Tentant par là-même de mettre de l’ordre dans ses pensées chaotiques. Bien entendu, il connaissait l’ampleur du réseau de la reine des espionnes, maître des chuchoteurs, qui tissait sa toile d’araignée à travers tout Aksana. Capable qu’elle était de découvrir les secrets les plus sombres, les plus enfouis, que chacun recelait au plus profond de lui. Alors, le blond se triturait les méninges. Tentait d’imaginer ce que Rae allait bien pouvoir lui annoncer. Mais se persuadait également, encore et toujours, qu’elle se trompait. Parce qu’il doutait d’être capable de supporter une énième déception, une trahison, des mensonges odieux. Déchiré en deux de l’intérieur. Comme durant plus de la moitié de sa vie. Sa raison contre son cœur. Sa volonté contre l’infâme fatalité, qui s’obstinait à s’abattre sur ses frêles épaules. Ses frêles épaules qui ne pouvaient, ni ne voulaient, plus supporter aucun poids. Une si courte vie, mais déjà bien trop d’obstacles franchis, qui l’avaient épuisé. Terriblement. Irrémédiablement. Et assis là, le regard obstinément fixé sur le sol, Maven attendait que Rae lui assène un énième coup. Vienne planter ce poignard mordu de vérité au creux de sa chair pâle. Après tout, il était né pour recevoir les coups, même à la place d’autrui. Né pour la guerre, éduqué pour la guerre, vivant pour la guerre. La douleur, il connaissait. Il pensait s’y être habitué. Mais pourtant, cette fois-ci, son instinct aguerri lui suggérait que les choses allaient changer. Que cette fois, l’Oshun allait être à terre. Sans possibilité aucune de se relever. Sans autre possibilité que de laisser son âme quitter son corps. Pour des cieux plus verdoyants, peut-être. « Merle t’a annoncé qu’elle était enceinte, n’est-ce pas ? » La sublime bénie vint se placer tout près de lui. Comme pour tenter d’amortir le choc qui allait subvenir. A la simple mention de celle qui allait devenir sa femme, de l’enfant qu’ils allaient avoir, Maven serra les dents. Rae ne pouvait pas s’attaquer à cela. Pas alors que c’était la chose la plus précieuse, la plus sacrée, qu’il ait. Sa famille. Le grand amour de sa vie. Son sang à venir. Le terrible n’était même pas étonnée que la Skonos ait connaissance de secret pourtant précieusement gardé. Ses chuchoteurs étaient partout, à travers Aksana. Les murs avaient des oreilles, depuis la naissance de Rae. « C’est faux. » Et le couperet tomba. Violemment. Cela faisait encore plus mal que ce que le prince avait imaginé. Comme si des centaines de griffes lacéraient son cœur déjà meurtri. « Elle … Elle a dit que … » Le souffle lui manquait. Les mots lui faisaient défaut, pour exprimer ce qu’il ressentait à ce moment précis. « Comment tu peux l’savoir ? Comment tu peux en être sûre ? » Douleur lancinante qui s’insinuait dans chaque fibre de son âme. Cette dernière tombant en morceaux à mesure que le monde s’effondrait tout autour de lui. « Elle m’ferait jamais ça Rae, j’te le jure … Elle peut pas … Tu la connais pas, elle est pas comme ça je … Pourquoi elle aurait fait ça ? »

Rae avait la gorge serrée. Elle avait été oiseau de mauvaise augure, porteuse de messages qui ont détruit des personnes, des familles, et bien plus encore. Mais jamais elle n'avait eu un seul remord, jamais. Parce que c'était la clé pour continuer ce qu'elle faisait, pour ne pas simplement se tirer une balle dans la tête. Et puis, aussi parce qu'elle n'en avait rien à faire des dégâts que ses informations pouvaient provoquer, sauf lorsque cela concernait les rares personnes qui avaient un tant soit peu d'importance à ses yeux. Ceux pour qui elle réfléchirait à deux fois avant de les trahir. Et parmi ces privilégiés, il y avait Maven Oshun, aussi surprenant que cela puisse être. Sa relation avec lui était bien différente de celle qu'elle entretenait avec son aîné. Les deux cassés s'étaient bien trouvés, dans un sens. C'était presque poétique. Elle se sentait légèrement mal de devoir lui annoncer ça, mais il avait le droit de savoir, c'était une obligation alors que bientôt il ne porterait plus le nom de la famille du feu. Merle était une menteuse, un imposteur qui ne méritait pas d'avoir le coeur du blond entre ses doigts perfides. Son regard suit sa silhouette s'étendant sur le sofa. Elle finit par se rapprocher de lui alors que les mots s'évaporent, jusqu'à la sentence finale. C'est à cet instant qu'elle vient s'asseoir à côté de lui, se tournant dans sa direction, ses billes ébènes plantées dans les siennes. Elle déglutit lentement, ne sachant pas vraiment quelle réaction il allait avoir. Elle avait du mal à l'imaginer violent à son égard, mais tout était possible, elle l'avait vu dans un tel état quand il était rentrée d'Eartanera. Un long soupir s'extirpe de sa bouche alors qu'elle peut sentir la panique l'envahir. Les mots lui manquent, et bien qu'il n'ait jamais été un grand orateur, elle pouvait sentir que ça n'était pas habituel. Rae se mord la lèvre, mais malgré tout, elle ne regrette pas. Elle a fait ce qui était à faire. Elle est désolée pour lui, désolée pour son ami, mais la vérité se devait d'éclater au grand jour. Les questions s'enchaînent ensuite, mais c'était prévisible. Il ne la croit pas, pas encore, pas totalement. Pourtant, elle ne ment pas, pas cette fois. – Maven, calme toi. Elle vient poser sa main contre son épaule avant de la caresser lentement. – Je ne la connais peut-être pas comme toi, mais je connais les femmes comme elle. Crois moi. Ô ça oui qu'elle les connaissait, bien plus qu'il ne le fallait. Aksana en était rempli, envahi de cette pourriture. – Elles sont prêtes à tout pour obtenir ce qu'elles veulent. Et ce que Merle voulait, c'était toi. La brune s'humidifie les lèvres avant de reprendre. – Je t'assure que j'ai fais vérifier mon information encore et encore jusqu'à devoir me résoudre à te le dire. Tu sais que je ne te cacherais jamais rien Maven. Je mens peut-être pour vivre, ou survivre, mais jamais je ne te ferais ça. Pas comme elle. C'est ce que ses paroles insinuaient fortement. – Ce sont des dames de compagnie qui ont relayé l'information, elles sont avec elle tous les jours, elles le sauraient si Merle était vraiment enceinte, tu ne penses pas ? La bronze finit par poser sa tête contre son épaule, entourant le dos du prince de son maigre bras. – Ca ira mieux un jour, tu verras. Je te le promets que ça ira mieux Maven.

« Maven, calme-toi. » Il était dans tous ses états, le terrible prince du feu. Ses mains, agitées de tremblements convulsifs. Sa tête, menaçant d’exploser. Tandis que son cœur se serrait convulsivement dans sa poitrine calcinée. La main rassurante de la petite Skonos vint se nicher sur son épaule. Signe timide qu’elle était là, qu’elle ne comptait pas l’abandonner. Qu’elle le soutenait. Même si elle se faisait oiseau de mauvais augure. Mais c’était pour le protéger. Déchirer le terrible voile de la vérité pour le libérer des mensonges environnants, qui l’empêchaient de porter un regard véridique sur le monde qui l’entourait. « Je ne la connais peut-être pas comme toi, mais je connais les femmes comme elle. Crois-moi. Elles sont prêtes à tout pour obtenir ce qu’elles veulent et ce que Merle voulait, c’était toi. » Mais même les explications les plus implacablement logiques ne pouvait aider l’Oshun. Pas lorsqu’il sentait son âme s’effondrer en un milliard de petits morceaux, à l’intérieur de lui. Parce lorsqu’il avait l’impression que son monde tournait au véritable cauchemar. Que tous les piliers de son existence lui étaient brusquement retirés. « Je t’assure que j’ai fait vérifier mon information encore et encore jusqu’à devoir me résoudre à te le dire. Tu sais que je ne te cacherais jamais rien Maven. Je mens peut-être pour vivre ou survivre, mais jamais je ne te ferais ça. Ce sont des dames de compagnie qui ont relayé l’information, elles sont avec elle tous les jours, elles le sauraient si Merle était vraiment enceinte, tu ne penses pas ? » Il haussa les épaules. Incapable de parler. Comme si les mots étaient désormais bloqués dans sa gorge. Trop de sentiments différents qui chahutaient en lui, s’affrontaient. Véritable tempête à l’intérieur de sa tête. « Ça ira mieux un jour, tu verras. Je te le promets que ça ira mieux Maven. » Mais malgré toute sa bonne volonté, il ne la croyait pas. Pas un seul instant. Comment son existence pourrait-elle reprendre consistance, maintenant qu’il avait parti la pièce la plus importante de son univers ? Merle Osanos était tout pour lui. Absolument tout. Soleil et Lune. Air. Feu sacré. Et il n’était pas certain de pouvoir continuer à vivre sans elle. Non, il en était certain. La présence de Rae, tout près de lui, était une minuscule lueur d’espoir dans les ténèbres qui l’entouraient. Ange venant de chuter brutalement du paradis dans lequel il avait évolué, ces dernières semaines. « J’dois aller la voir. Tu m’attends là ? » Et sans même attendre de réponse, Maven se leva. Le cœur au bord des lèvres. Et les larmes menaçant de déborder de ses yeux dorés. Douleur lancinante qui menaçait de le submerger. De l’engloutir. Sans retour en arrière possible. (…) Lorsqu’il revint, le prince Oshun était encore plus abattu qu’il l’était en quittant la reine des espions d’Aksana. Un fantôme. A peine une ombre. Errante, sans plus aucuns buts. Carcasse désormais vide. Vide de toute cette humanité brûlante qui le caractérisait jusqu’alors. Lui, le plus grand combattant d’Aksana. Et le plus doux de tous les monstres de cet enfer terrestre. « J’veux partir. J’sais pas où. Mais j’ai b’soin de toi, Rae. Plus que jamais. » Voix tremblotante. Brisée. Maintenant que tous ses espoirs s’étaient envolés en fumée. Il ne restait plus rien de ce futur souriant qu’il avait tant dessiné dans son esprit. Il n’allait pas fonder une famille avec le grand amour de sa vie. Grand amour de sa vie qui n’avait pas hésité à lui mentir. Alors même qu’elle savait parfaitement que c’était la limite à ne pas franchir, afin de continuer à posséder l’entière confiance du Maven. « Elle a menti. T’avais raison. Sur toute la ligne. J’peux pas … J’peux pas rester ici. Je t’en supplie, Rae, fais quelque chose … »

Le visage fermé, Rae ne cillait pas. Elle, qui d'ordinaire, adorait répandre les mauvaises nouvelles, briser des êtres, faire chavirer des âmes vers les ténèbres ; elle n'éprouvait aucune joie à cet instant. Elle aurait pu ne rien lui dire, et continuer à le voir heureux avec cette charlatan. Elle aurait pu, si elle n'avait pas eu autant de considération pour le jeune Oshun. Il est l'un de ses plus proches amis, et ceux-ci se comptent sur les doigts d'une seule main. Elle ne pouvait décemment pas le laisser croire que Merle était digne de sa confiance. Cette usurpatrice ne méritait pas l'amour de Maven, il devait s'en rendre compte, un jour ou un autre. Et cela était arrivé plus vite que prévu. La vipère essaye de le réconforter, comme elle le peut. Elle essaye de trouver les bons mots, mais elle n'a jamais été douée pour ça. Elle sait qu'il ne lui en tiendra pas rigueur. A l'heure actuelle, celle qui accapare toute sa haine porte le nom maudit des Osanos. Rae n'a d'ailleurs jamais compris ce qu'ils lui trouvaient tous, à cette soit disant reine. Cal l'adorait, lui aussi. Pourtant, elle n'avait rien d'extraordinaire, si ce n'était une certaine beauté que Rae devait bien lui accorder. Mais elle ne l'avait pas gagné, elle l'avait simplement hérité de ses géniteurs. Qu'avait-elle déjà fait dans sa vie qui puisse justifier la position qu'elle occupait désormais ? Si ce n'était trahir les siens, et continuer à le faire visiblement ? Maven finit par lui répondre, pour lui dire qu'il allait la voir, elle. D'un hochement de la tête, elle le laisse partir. Elle n'est pas inquiète, la reine des espions. Elle sait que si cette Merle est un tant soit peu intelligente, elle lui dira la vérité pour ne pas empirer les choses. Et c'est elle qui recollera le coeur éclaté du blond. Assise sur le sofa, elle s'enfonce dedans avant de croiser ses jambes. D'une main, elle fait tourner le pendentif scandaleusement brillant autour de son cou. L'attente est longue, et elle était sur le point de mourir d'un ennui profond lorsque Maven revient enfin. La vipère se redresse et pose son regard azur sur sa carcasse sans vie. Elle déglutit lentement avant de se lever, lui faisant ainsi face. Elle esquisse un mince sourire au coin de ses lèvres alors qu'il brise le silence. Elle regretterait presque de lui avoir dit, alors qu'il semble encore plus brisé qu'à l'ordinaire. Elle vient alors réduire la distance qui les séparait. Son bras trouve le sien et sa bouche embrasse sa joue. – J'avais justement besoin d'aller à Aerinstin pour affaires. Accompagne moi, tu seras tranquille là-bas, personne ne saura que tu es avec moi, sauf Cal si tu veux le lui dire. Nous partirons quand il fera nuit. Elle resserre un peu plus son étreinte autour du bras de Maven.– Et tu iras mieux, crois moi, je m'en assurerais.

rp terminé