launondie, may 7-8, night
(juste avant les interventions au tc)
(
soundtrack)
in the night i lay awake
a shadow danced across my face
a silver line that i could trace
growing fainter
the memories i kept and stole
trapped inside my heavy soul
will they stay in while I grow old
a timeless chamber
- On décolle Marlys. Maintenant. Le fracas de la porte entrouverte avec hâte aurait pu tirer la jeune noble de son sommeil d'un sursaut affolé si tant est qu'elle puisse encore dormir ces derniers temps. Un monde qui s'effondre, ça n'est jamais un spectacle très attirant, pas dans son cas, pas quand ce monde là est le sien et que chaque jour semble l'éloigner un peu plus de l'idéal de vie qu'elle s'était forgée, durant des années de rêveries insensées et utopiques. Fuir, voilà à quoi elle était réduite, pure vérité qu'elle maquillait d'excuses farfelues, qu'elle justifiait par le désir d'une nouvelle étreinte, à présent vitale, quand les draps eux restaient froids et vides de toute compagnie, inlassablement. Seule. Elle se sentait si horriblement seule Marlys. Enfermée dans sa prison lugubre, entourée des corbeaux n'attendant que sa chute pour se repaître de ses entrailles, forcée de cacher les marques et les ecchymoses parcourant sa peau laiteuse et délicate. Seule. Pendant qu'
il était auprès d'une autre, celle qui avait tout gagné, quand Marlys, elle, croyait avoir tout perdu, à cause des jeux de pouvoir dont elle n'avait jamais été qu'un pion, à cause d'un homme qui semblait la haïr avec un acharnement singulier et à qui elle rendait si magnifiquement bien la pareille. Seule. Ou plus vraiment. Car si Marlys avait bien des défauts, elle n'avait pas celui de nier ses faiblesses et à présent plus vulnérable que jamais, s'entourer, personnellement, et non plus par le biais de sa famille et donc d'Ernest, s'était imposé comme une nécessité capitale qui aujourd'hui encore ne lui faisait pas défaut. Alden avait cette mine renfermée, sérieuse, presque trop sérieuse d'ailleurs, un visage qui pour autant avait cessé d’inquiéter Marlys, trop habituée à la voir déambuler auprès de son père sans qu'aucun réel malheur ne l'afflige. Pourtant, cette nuit, le tourment qui l'agitait était bien réel et Marlys, ignorant encore à quel point le cours de sa vie s'apprêtait à être bouleversé, commença alors à s'offusquer de cette visite nocturne pour le moins impromptue.
- Je vois qu'on ne t'a pas appris à frapper, tu as de la chance que... - Que tu sois seule ? Comme si j'étais sensé l'ignorer... On a pas le temps de discuter Marlys, mets ça, coupa Alden en lui lançant un pardessus bien trop large pour la demoiselle.
- Et on décolle. On quitte la ville. Elle aurait pu rire Marlys, elle aurait pu lui sourire avec ce petit air faussement choqué qu'elle a si ardemment pratiqué pendant des années mais au lieu de ça, son regard s'assombrit et son corps se refroidit. Sans un mot, juste un regard intrigué, son corps se défait des draps satinés qu'elle a elle-même rapportés dans la cache et ses pieds délicats enfilent les bottines de cuir jouxtant des souliers bien plus raffinés. Alden n'a jamais été très porté sur l'humour, et encore moins sur les fausses alertes alors elle sait Marlys, elle sait à ce moment précis que quelque chose cloche, quelque chose qui ne manque pas de l'alarmer plus que de mesure.
- C'est Tarehk ? Lâche-t-elle avec dégoût alors qu'elle arrive finalement à la hauteur du mercenaire, sa dague à présent bien harnachée le long de sa cuisse droite.
- Non. Mais il se passe des choses, et ça ne sent pas bon du tout. Alors on quitte la ville. Marlys acquiesce, en silence, avant que finalement sa curiosité ne l'emporte et que ses lèvres se délient pour assommer Alden de questions. Il lui parlera alors de cette conversation voilée entendue à demi-mots dans une taverne de Jui N'Ghuri, deux esclaves dont la liberté soudaine aura étonnée le maître du feu en vadrouille. Puis les quelques bagarres, ici et là, puis le silence et les va et vient, dans les rues malfamées... Assez pour que le mercenaire aguerri ne soupçonne qu'une attaque se profile, assez pour que le coupable tout désigné ne soit autre que le lambda renégat, assez pour comprendre qu'avec eux, Launondie deviendra vite le théâtre d'un chaos dantesque. Il lui dira ensuite qu'un message a été envoyé à Darius, pour les prévenir et pour qu'eux aussi agissent en conséquences, comme pour la dissuader de revenir sur ses pas et de protéger sa famille, comme si au fond, il savait déjà que Marlys n'était pas femme à se faire commander alors qu'en lieu et place d'une retraite à couvert, c'est à présent vers le Palais des Flammes que la jeune Swanson a décidé de se diriger, au grand dam de son protecteur attitré...
all my wounds are open wide
they won’t heal while you’re inside
try to clear my troubled mind
too many times
L'idée devait déjà être là, bien ancrée, dormante, recroquevillée au fin fond de ses méandres intérieurs les plus sombres, les plus chaotiques, monstre réveillé par le désespoir, noir dessein enclenché par l'odeur du sang à venir. Une idée ayant germée dans l'ignorance, y compris la sienne, une mission sous-jacente que Marlys s'était attribuée presque inconsciemment et qui, cette nuit, lui semblait si naturelle et si incontournable qu'elle n'arrivait plus à contrôler ses propres pas. Ils avaient marché, à deux, pendant plusieurs minutes, Marlys ignorant sans vergogne les invectives d'Alden la conjurant de faire demi-tour et d'oublier cette idée farfelue dont il n'avait pas encore saisi la portée, souhaitant tout simplement l'empêcher de se jeter dans la gueule du loup. Proie, prédateur, chacun devenait tour à tour l'un et l'autre dans ce monde étonnant et si le rôle endossé par Marlys ce soir était encore inconnu de tous, la jeune femme, elle, savait pertinemment, ou presque, dans quelle folie elle allait bientôt perdre corps et âme. C'est par une porte dérobée qu'ils infiltrèrent alors le Palais, un accès connu principalement de la famille royale et de quelques nobles, dont Ernest et par extension, les Swanson. Le genre d'accès plutôt commode lorsqu'il s'agissait d'entrer et de sortir sans être vu des manants et autres serviteurs insipides, le genre d'accès qui débouchait à quelques couloirs et alcôves des appartements du bras droit de la couronne, des appartements d'Ernest Swanson. C'est certainement à ce moment qu'Alden comprit, et à ce moment là qu'il décida de ne
pas s'interposer, se murant encore un peu plus profondément dans son silence, l'esprit tout autant acéré afin de leur éviter tout débordement funeste. A l'intérieur, l'ambiance était encore assez calme, presque reposante. Personne ici ne se doutait des inquiétudes d'un mercenaire parmi tant d'autres, personne ici n'envisageait que cette nuit allait bientôt changer de visage et si Marlys aurait alors pu transmettre au roi ou toute autre personnalité bien placée ce qui bientôt
pourrait se produire, elle restait là, figée, presque hypnotisée par ses démons intérieurs, le regard rivé sur la porte la séparant de son oncle.
- Qu'est-ce-que tu vas faire là-dedans Marlys ? La voix brute d'Alden l'extirpa à peine de sa torpeur magnétique, son corps restant de marbre et ses pupilles dilatées ne cillant pas d'un iota. Qu'allait-elle bien pouvoir faire... La question l'amusait presque, tant elle lui semblait irréelle. Quant à la réponse, évidente, elle ne devait certainement pas échapper à Alden, elle ne le savait que trop bien.
- Parler. Et c'est tout ce qu'elle lui dira, un mot si peu véridique, sur un ton glaçant d'effroi qui en dit alors bien plus. Parler. Oui elle va parler. Et il va l'écouter.
together we bleed
but i won’t heal so
say you’ll always haunt me
say you’ll always haunt me
Lorsqu'elle franchit enfin le seuil de sa porte, prenant bien soin de la refermer derrière elle, Marlys n'est pas vraiment surprise de le trouver là, éveillé, et ce malgré l'heure tardive, ou trop matinale, selon le point de vue. Ernest est finalement comme tous les autres, accablé de divers démons s'étant accrochés à sa carne depuis des décennies et force est de constater que la plupart d'entre eux doivent hanter son sommeil bien plus que de raison.
- Marlys ? Que fais-tu ici... Son ton est las, presque agacé. Oh elle sait Marlys ce qu'elle lui inspire, elle le sait depuis qu'elle a osé lui répondre, quand bien même cet état de fait remonte peut-être à bien plus d'années, détail dont elle ne se formalise pas. Elle sait qu'il aurait préféré voir s'immiscer un de ses fils, un de ceux qu'il a si allègrement brisé, le sourire aux lèvres, quand elle, sa
nièce se voit
presque protégée de sa fureur, ou bien pire, à bonne distance de sa
totale emprise, parce qu'elle n'est pas
sa fille.
- J'avais envie de voir à quoi ça ressemblait... ici. Fini le ton si froid adopté quelques minutes auparavant, Marlys est à présent redevenue ce qu'il attendait d'elle, ce qu'il veut d'elle : rester la parfaite petite idiote juste bonne à baiser.
- Arrête tes simagrées Marlys... Tu n'aurais pas un mari à combler cette nuit peut-être ? Tu ferais bien de te faire engrosser rapidement, c'est bien la seule chose à laquelle tu seras utile dorénavant... Aucune surprise, aucune originalité, Ernest s'accrochant à son air suffisant et supérieur, le tout bien agrémenté d'une misogynie sans pareil qu'elle lui a toujours connu. A quoi bon finalement s'attendre à mieux quand cette enflure pourrie jusqu'à la moelle n'aura jamais eu de cesse de détruire les siens, incessamment et sans aucun remord. Elle aurait alors pu s'amuser encore longtemps Marlys, elle aurait pu le pousser à continuer ses jérémiades insupportables gonflant cet ego asphyxiant les siens mais elle n'en a ni l'envie ni le temps, quand les mots lui brûlent les lèvres, tenus en laisse depuis trop d'années et à présent si avides de se déverser sur cet ignare prétentieux. Un sourire fend son visage délicat, gravant sur ses traits un air sardonique. Quoiqu'il advienne cette nuit, sa vie entière sera chamboulée et si l'exil est sa peine, ou pire, elle aura au moins eu cette satisfaction, celle de s'affranchir d'années de silence et de haine.
- Oh Ernest Swanson... Si grand, si fort, si inébranlable... lâche-t-elle avec un mépris déconcertant.
- Cet imposteur si lâche et si répugnant que tout, tout est envisageable si tant est que la couronne se rapproche de ses doigts teintés du sang, non pas de ses ennemis, mais de sa propre famille... Le regard brillant d'Ernest n'est alors plus alors que son visage s'est relevé face à Marlys et que ses pupilles, à présent noires de colère, la dévisage avec un dégoût prononcé. Pour autant, la jeune Swanson n'arrêtera pas, non elle n'arrêtera plus.
- Tu peux bien me traîner dans la boue et me vendre comme une simple pute à un chien galeux, sache mon oncle que ce n'est clairement pas ainsi que tu te débarrasseras de moi et de cette vérité crasseuse, de l'homme que tu es en réalité, un homme lâche et sans aucun honneur. - TAIS-TOI ! La rage le prend aux tripes et Marlys n'attend que ça, le rendre fou, fou de colère et de rage, le pousser dans ses retranchements pour le voir tituber face à une réalité qu'il ne peut nier.
- Me taire ? Oh mais je n'ai plus quinze ans mon oncle, ni dix, pas même six, je n'ai plus peur de toi et de tes menaces à peine voilées, je n'ai plus peur de ce que tu pourrais me faire tant ce que tu nous a fait subir est bien pire... Te rends-tu seulement même compte du mal que tu as fait à ta famille mon oncle ? Si tant est que tu aies la moindre idée de ce que cela signifie, la famille... Restée de marbre, Marlys se tient droite et fière face à cet oncle qu'elle exècre plus que jamais quand finalement ce dernier se hâte vers elle, empoignant sa gorge sans pour autant la serrer réellement, ou tout du moins pas assez pour que Marlys ne pense sa vie réellement en danger.
- J'ai tout fait pour cette famille, j'ai tout fait pour nous et notre position, pour toi, espèce de petite gamine effrontée bien plus intéressée par sa petite personne qu'autre chose, tu n'as de toute façon toujours été qu'une emmerdeuse et crois-moi, à la place de Darius, il y a longtemps que je t'aurais matée comme il se doit... Et il la lâche, l'envoyant presque valser dans le décor, le silence les enveloppant jusqu'à ce que Marlys se relève, explosant d'un rire peu naturel à l'entente de ces derniers mots. Elle n'a plus peur Marlys, mais ça il l'ignore, et l'ignorance tout comme la suffisance semblent bien se dessiner comme étant ses pires défauts.
- Tu as tout fait ? TOUT FAIT ? La rage la consume, sa mémoire l'inondant de souvenirs douloureux, presque tous habité par le corps tuméfié d'Harald.
- C'est tout faire que de battre ses fils jusqu'au sang, c'est tout faire de nous briser pour nous façonner à ton image ? Et elle rit encore.
- Tu n'as jamais rien fait pour nous mon oncle, tu as toujours tout fait pour toi, pourri par cet égoïsme démesuré, aveuglé par cette soif de pouvoir dont tu n'es même pas à la hauteur... - ASSEZ MARLYS ! Si un seul mot sort encore de ta bouche, tu risques de le regretter très amèrement... Tu n'es rien Marlys, tu n'es strictement rien et quelques soient tes rêves de grandeur, sache que je me ferais un plaisir de les piétiner et de faire de ta vie un enfer... Tu es seule Marlys ne le vois tu pas ? Seule, toute seule et que peut-on bien faire quand on est seule comme toi ? Rien. Alors sors d'ici MAINTENANT. Et fuis, si tu en as la jugeotte, ce dont je doute très franchement.. La tirade se termine par ce rire gras si distinctif, si plein de haine et de condescendance que Marlys n'a jamais pu supporter, un rire qu'elle lui laisse déployer, restant muette tout en l'observant se retourner, lui offrant son dos pour seule vision. Amusée par tant d'ignorance, elle reste silencieuse pendant quelques secondes, avant de finalement franchir à nouveau la limite qu'il venait de lui imposer, sans aucune hésitation.
- Tu crois tout savoir mon oncle mais tu ignores tellement de choses, tellement... Un rictus s'affiche sur son visage.
- Mais je vais être clémente et t'informer de certaines choses. Vois comme je souhaite me racheter mon oncle... Peut-être pourrais-je commencer par ton fils mon oncle. Par Harald. Cet héritier à ton image, forgé par tes coups et tes brimades... Peut-être serais-tu intéressé de savoir qu'il y a une femme dans sa vie. Et que cette femme, c'est moi. Il n'en faudra pas plus pour qu'Ernest Swanson, ulcéré, ne se retourne, récupérant entre ses doigts la gorge de Marlys qu'il vient plaquer contre le mur adjacent, ses pupilles injectées de sang se plongeant dans le regard glacé de sa nièce.
- Tu ne peux pas t'en empêcher espèce de petite salope, à raconter des... La phrase se coupe net, accompagnée par une grimace enchaînant ses traits, ses doigts renforçant leur emprise brutale sur la trachée de Marlys, guettée par la suffocation. Ce n'est qu'en baissant le regard qu'Ernest découvre la dague venant de lui transpercer le ventre, tenue avec fermeté par la main délicate de Marlys qui n'en a par ailleurs pas terminé. La blessure n'est alors pas encore considérée comme mortelle, mais cette lame, elle, est bien plus dangereuse qu'il n'y paraît, si habilement aiguisée que son tranchant n'a pas d'égal, capable de tailler la peau avec une efficacité déconcertante. Un simple geste précis et brusque sera alors nécessaire pour sceller le destin du patriarche Swanson, une entaille longue et profonde de son flanc gauche à droit, une entaille imprégnant immédiatement et avec abondance ses vêtements d'un rouge carmin, mêlé à d'autres humeurs tout en dévoilant ses entrailles. Les doigts emprisonnant Marlys perdent de leur fureur et elle finit par s'en dégager, Ernest posant un genou à terre, ébranlé par cette plaie béante, offrant un spectacle répugnant mais néanmoins libérateur à sa meurtrière.
- Des mensonges mon oncle ? Réfléchis bien le temps qu'il te reste à vivre, réfléchis bien... Ernest suffoque, le sang commençant à emplir sa gorge et à envahir sa bouche, tandis que la flaque de carmin l'entourant s'étend à vue d’œil. Le corps tremblant, la rage exacerbée et un certain déchirement au fond du palpitant, Marlys s'écarte légèrement avant de s'agenouiller à la hauteur de son oncle agonisant.
- Tu n'aurais jamais du me sous-estimer, tu n'aurais jamais du faire de nous tes pions... J'aime Harald, tout comme il m'aime en retour et tout ça, je le fais pour lui, pour nous et pour toute notre famille, celle dont tu n'as jamais su faire partie, celle que tu as si cruellement utilisée... Dis-moi donc à présent qui de nous deux finit seul ? Dis moi mon oncle... Et sur ces mots, sur une dernière œillade emplie de haine, Marlys se relève, essuyant sa dague avec le tissu de sa robe maculée de sang avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte du lieu. Elle attendra silencieusement face à cette dernière le dernier souffle de son oncle, son esprit s'embrumant d'un tourment inédit alors que son âme, déjà fort amochée, s'est brisée un peu plus. Ernest ne pourra plus rien contre elle à présent mais elle sait, elle sait pertinemment que les conséquences seront énormes, parce qu'elle vient d’ôter la vie du frère de son père et pire, du père de l'être aimé. Elle pourrait tout perdre Marlys, sa vie, sa famille, son amour. Elle pourrait tout perdre mais elle l'aurait libéré
lui, elle les aurait libérés eux et cette simple répercussion valait la peine d'un tel sacrifice. La porte qui se referme sur elle est alors bien lourde de sens et Alden, pourtant silencieux, ne peut masquer l'inquiétude sur son visage face à la vision de Marlys ensanglantée.
- On peut partir maintenant, lâche-t-elle enfin d'une voix brisée, sans pour autant n'avoir aucun regrets...
all my wounds are opened up
they won’t heal without your love
try to clear my troubled mind
too many times