─ C’est moi aujourd’hui. Elle l’observe avec questionnement. ─ Pourquoi ? Elle est impatiente, visiblement agacée. ─ Ca n'te plait pas de voir ma tête c’est ça ? Il sourit, parce qu’il sait qui elle attendait avec impatience. Même sans lui parler. Même sans qu’il ne la regarde. Au moins elle pouvait le voir. Au moins elle pouvait savoir qu’il allait bien. Elle croise les bras. ─ Pourquoi ? qu’elle insiste. ─ Il ne viendra pas aujourd’hui Hedda, ça sert à rien de m'demander pourquoi. Tu sais que j'fais ce qu’on me dit, rien d'plus. Elle soupire, relâche les bras en regardant autour d’elle. Mais il va bien. qu’il ajoute avec un clin d’œil lorsqu’elle reporte son attention sur lui. Elle lui sourit pour le remercier avant de se tourner pour rejoindre l’intérieur du palais. ─ Pas d'coup d'main ? Il cri dans sa direction, la Wolffhart sait pourtant porter les caisses de poissons. Elle s’arrête avant d’entrer, hésite un instant. ─ Ca t’apprendra à me faire attendre ! Elle lui sourit de plus bel, s’éclipsant derrière l’imposante porte.

Des jours qu’il ne vient pas. Des semaines. Et chaque fois la même question : pourquoi ? Elle sait qu’il n’est pas reparti. Mais peut-être a-t-il trouvé une autre femme. Ou peut-être que sa femme est revenue. Peut-être qu’il sait … pour Diovenys. Son ventre se serre et son cœur manque un battement. Elle tourne en rond depuis qu’il n’est pas revenu et sa patience, sa concentration, finissent par lui jouer des tours. Elle ne fait pas attention aux entrainements, manque de blesser ceux qu’elle combat comme s’ils étaient l’ennemi. Ca ne va pas. Elle perd le contrôle. Et cette fois, personne n’est à l’autre bout pour la faire chavirer. Elle est seule. Complètement. La jambe qui s’agite, la tête entre les mains, elle cherche une solution. Pour se calmer. Elle sait qu’il est la réponse. Mais elle ne peut pas. S’il voulait la voir, il viendrait, n’est-ce pas ? Tu n’es qu’une enfant Hedda. Rien de plus. Mais l’enfant a le cœur qui palpite et la tête qui va exploser. Alors elle se lève et enfile une veste avant de sortir de sa chambre trop luxueuse. Elle marche dans les couloirs du palais, l’hésitation tirant ses traits. Elle passe devant la porte qui mène aux appartements de Merle et s’arrête une seconde. Peut-être qu’elle saura ? La brune secoue la tête en soupirant. Elle n’a pas d’autre choix que d’affronter ces questionnements seule. Hettie n’est pas là pour prendre la décision à sa place. Hilde n’est pas là pour apporter le moindre conseil. ─ C’est à toi de décider cette fois. qu’elle s’encourage.

Le pas rapide, elle avance dans les rues d’Azurite à la recherche de cette enseigne. Il y en a plusieurs faisant référence à l’eau, à l’alcool, et aux plaisirs d’un bon verre après une dure journée de labeur. Mais celle qu’elle cherche, c’est celle-ci. L’Ivre Vague. Plantée devant la porte, elle s’interroge. Se demande s’il n’a pas tout simplement envie d’être tranquille … Loin d’elle. Mais elle ne saura jamais si elle ne franchit pas cette foutue porte caressée par les rayons de la lune. Alors elle la pousse, sans grande conviction. Le regard balaye la pièce à la recherche de son visage, de ses yeux trop bleus. Il n’est pas là. Les ongles s’enfoncent dans la paume, énervée, elle ne sait pas ce qu’elle doit faire. Et toujours cette question. Pourquoi ? Une profonde inspiration, elle se dirige vers le bar. Autant profiter de l’endroit qu’elle se dit. Alors elle commande une liqueur de pomme, accoudée sur le bar, elle observe le lieu avec attention, chaque détail, à la recherche de cet homme. Et lorsqu'elle récupère son verre pour aller s’installer, il est là. ─ Hedda… Elle est désemparée, ne sait plus quoi faire. Pourquoi était-elle venue ? Pourquoi est-ce qu’elle avait voulu le trouver ? Toutes les questions se bousculent dans un esprit trop encombré par les battements du cœur. Elle sourit, bêtement, comme la gamine qu’il a connu des années auparavant. La gamine amourachée du grand garçon. ─ William. qu’elle lance avec la plus grand gêne qu’elle ait éprouvé jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi était-elle si sûre d’elle face au monde, mais ridicule face à lui ? Ce seul être qu’elle devrait impressionnée. Elle s’avance jusqu’à lui, un geste désespéré pour le retrouver, pour ressentir d’avantage sa présence. ─ Tu ne viens plus au palais. C’est une sorte de question. Pour savoir s’il a une excuse pour ne plus venir la voir. ─ Alors je… Je suis venue voir si tout allait bien. La moue gênée sur son visage la rend si enfantine, si fragile. Une Hedda que bien peu ont eu la chance de trouver depuis quelques années. ─ Tout va bien ? Elle a peur du silence. Elle a peur qu’il ne réponde pas. Ou pire. Qu’il lui dise qu’il ne veut pas la voir. Pas ici. Nulle part.

Ils sont seuls à cet instant, seuls face au reste du monde. Elle ne voit que lui, ne trouve que lui et ne cherche personne d’autre. Les paroles et les regards qui leur sont destinés ne forment qu’un fond sur lequel s’appuie le visage de l’être attendu. ─ Tout va bien ? qu’elle demande, intriguée  et apeurée. L’un face à l’autre, sans bouger, sans se toucher, il ouvre la bouche pour répondre. Le son d’une voix connue, le son d’une voix qu’elle cherche depuis trop longtemps. Elle l’écoute avec attention, juste lui, soutient la gêne d’un rire par un mimétisme ridicule. ─ Mais rassure toi, je vais bien. Promis, la prochaine fois, je viendrais en personne. Les lippes s’élargissent pour laisser paraitre la dentition d’une gamine qui obtient satisfaction. Elle voudrait le prendre dans ses bras pour lui dire merci, mais merci pour quoi ? Le regard de l’autre fixé sur sa silhouette, elle tourne la tête pour observer la pièce, l’assemblée, sans réellement se poser, juste un moyen de ne pas lui faire face d’avantage. ─ Tu ne voudrais pas monter ? Le cou arrête de se tordre pour le retrouver d’un sursaut. Les yeux écarquillés, elle le laisse continuer. Des marins ivres, ce n’est pas la meilleure compagnie qui existe pour une charmante jeune femme comme toi. Elle pouffe de rire, arquant un sourcil. Elle ? Une charmante jeune femme ? Elle se demande bien dans quel livre il a pu trouver pareil conte. Crois-moi, tu ne voudrais pas savoir à quoi penses ces gars… Elle mordille sa lèvre inférieure, par anxiété. Et quand je penses que ce sont mes gars… Elle ricane de nouveau. ─ Je te suis. Et elle le suivra n’importe où ce soir, peu importe les obstacles. Son cœur bat la chamade, ses mains sont moites, mais elle lui emboite le pas pour monter jusqu’à l’antre qu’elle n’avait jamais vu.

Elle entre avec hésitation. Et si tout ça n’était qu’une énorme erreur ? Elle s’avance pour que la porte se ferme. Elle observe les murs, les meubles, le sol, évitant soigneusement de retrouver sa silhouette à lui. ─ C’est donc ton chez toi. Pas de question, une simple constatation, pour briser la glace et la gêne. Elle sirote une nouvelle gorgée de son verre, le ventre noué, le cœur serré, puis se tourne finalement vers lui. William Jacobson. Un sourire étire son visage, le regard se fait plus doux. ─ Je crois que je vais avoir besoin d’un peu plus qu’un verre. dit-elle sans plus craindre de réaction.