Mon cher Achille,

Tu ne devais certainement pas t'attendre à une missive de ma part. Je dois bien reconnaître, que je ne pensais pas un jour t'écrire. Mais un événement particulier m'a poussé à coucher ces mots sur du papier.
J'ai appris la tragique disparition de ton épouse, Nevenka Valaeris. Quel malheureux incident qui, je l'espère, ne restera pas impuni. Mais je me doute que tu cherches déjà activement le ou les coupables. La sentence sera certainement à la hauteur de ta réputation. Je sais que tu sauras trouver le moyen de pardonner ce crime odieux. Les Sept te montreront la voie mon ami.
Je t'adresse donc mes condoléances les plus sincères. Perdre son épouse aussi rapidement, cela ne devrait être infligé à personne, si ce n'est aux traîtres. J'ai eu vent de certaines rumeurs au sujet d'un héritier à venir. Je te prie donc d'accepter doublement mes condoléances pour cette perte tragique, qui met certainement à mal la noble famille des Vasara.
Malgré ce que tu dois penser, sache que je n'ai, hélas, rien à voir avec tout cela. Mes nouvelles fonctions me demandent un temps fou. Temps que je n'aurais pu mettre à profit pour organiser un tel coup de génie. Les Sept ne sont pas aveugles mon ami et leur colère n'a d'égal. J'espère que des jours meilleurs sont devant nous.

Embrasse Scylla et Silke pour moi.

Agaçante petite chose,
Je te remercie de ta sollicitude envers mes pauvres malheurs. Nevenka portait effectivement mon héritier et elle n’est morte que par la fureur ridicule d’une reine qui n’a désormais plus aucune légitimité. Je crains que notre chère Elizaveta ne sente le trône vaciller sous elle. De terribles jours arrivent, pour Aeristin. De terribles jours qui verront mon accession au trône. Quel dommage que temps d’intérêts contraires nous opposent. Je suis certain que tu te serais plu dans le monde qui va être le mien. La religion des Sept et les pires engeances humains sont de mon côté. Elle n’a aucune chance. Je sais bien que tu n’as rien à voir avec tout cela. Heureusement pour toi sinon, j’aurais dû t’ôter la vie. Peut-être aurais-je ressenti une pointe de remords ? Non, oublie cela, je crois que j’aurais jubilé. Tout comme tu l’aurais fait, si tu étais parvenu à me tuer. Enfin, je doute que tu en sois réellement capable. Toi et moi savons que si je suis amené à disparaître, la peau de ta chère sœur ne vaudra plus très chère. Je sais parfaitement qui a versé le poison dans notre nourriture. Et cette personne va connaître la pire déchéance de toute l’histoire d’Aksana. Préviens ton cher Cal qu’il aurait tout intérêt à se rallier à moi. L’empire Vasara a des envies de conquêtes, figure-toi. Et la nation du feu s’élevant contre moi … Enfin, je suis certain que je n’ai pas besoin de te faire un dessin. Et puis, n’est-ce pas ton travail de rapporter à ton maître et seigneur tous les piaillements des petits oiseaux qui te servent ?
J’embrasserais les deux précieuses de ta part. Et ta sœur te salue bien humblement. (Quelle parfaite petite chose ! Bien plus docile et agréable que toi, si tu veux mon avis.)
Avec tous les plus mauvais sentiments du monde,
Tien pour toujours,
Achille Vasara

Mon cher Achille,

Je vois que tes envies de grandeurs ne t'ont toujours pas quitté. Fait attention Achille, ou tu pourrais finir par te brûler à imaginer plus que ce que tu ne pourras jamais avoir. Ton monde aurait pu m'intéresser si j'avais eu un quelconque intérêt pour ta personne, ce qui, tu le sais, n'est absolument pas le cas. Elizaveta est bien plus forte que tu ne le crois, il me tarde de te voir tomber puis sombrer dans l'oubli le plus total, mon cher Achille. Mais tout cela ne me concerne pas, je suis déjà bien occupée à Flamaerin, comme tu dois certainement le savoir.
Il est vrai que tu aurais été certainement heureux de pouvoir m'ôter la vie, mais sache que ce moment n'est pas encore venu et qu'il n'arrivera probablement jamais. Mais peut-être que tu devrais faire attention à tes arrières. Nous avons bien vu qu'un empoisonnement est si vite arrivé, il serait dommage que les Vasara s'éteignent. Ne me sous-estime pas Achille, je crois que cela t'a déjà porté préjudice par le passé non ? Si l'occasion m'était donnée, sache que je serais la première à te planter ma lame.
Je doute que mon roi ait quelque chose à faire des manigances d'une famille qui n'aurait jamais dû accéder à l'argent. L'empire Vasara n'est qu'une invention de ton esprit mon pauvre. Mais je prendrais soin de lui parler de ce qui se trame à Aerinstin, l'armée de Flamaerin sera sûrement ravie de se dégourdir un peu les jambes. J'espère juste que l'on me laissera le privilège de t'achever. Cela aurait un côté poétique, tu ne trouves pas ?
Parce que tu me sers maintenant ? Tu m'en vois ravie. Hélas, je crains que tu ne sois mal informé Achille. Je ne suis que l'humble conseillère de sa Majesté Cal Oshun.
Ma sœur ne sait réellement pas où placer ses pions, mais je suis ravie de voir qu'elle te plaît autant, épouse là si tu veux, tue la pour ce que cela m'importe. Je ne la considère plus comme de la famille. Mais permets moi d'émettre des doutes la concernant. Même la personne la plus naïve de ce monde n'irait pas te rejoindre, je doute que ma sœur comprennent réellement les enjeux d'Aksana. Mais soit, si tu pensais faire pression sur moi en la menaçant, sache que cela ne m'atteint pas.

A Rae Skonos,
Hélas, que serais-je sans mes ambitions démesurées ? Du moins, je ne serais plus vraiment moi. Plus qu’un simple mortel appartenant à une indistincte foule. Or, comme tu le sais parfaitement, je suis fais pour briller. Et pour régner. Si ta confiance en Elizaveta est si haute, faisons un pari, ma douce. Si je gagne, tu te soumettras. Tu plieras le genou. Et je ferais ce que je voudrais de toi. Si tu gagnes, offre donc tes conditions. Tu crois dans l’alliance de ton Maître Oshun mais tu es ignorante de ce qui se passe actuellement à Aeristin. Du soulèvement populaire et de mes manigances diaboliques pour obtenir cette couronne que je porterais bien mieux qu’aucun Valaeris. Quant à sombrer dans l’oubli total, je ne m’en inquiète nullement. J’ai déjà bien plus marqué le monde que tu ne le feras jamais, même si tu vivais trois cent ans.
Une menace d’empoisonnement ? Je suis quelqu’un qui se préoccupe de sa sécurité. Désormais, la moitié adorable de la gémellité Skonos goûtera tous mes plats avant moi. Voilà qui devrait me mettre à l’abri, n’est-ce pas ma grande ? Quant à l’armée des Oshun, je ne la crains nullement. J’ai entendu dire qu’elle était déjà bien trop occupée ailleurs. Ah les affres de l’amour et de la guerre, qui poussent Cal à intervenir loin, si loin, d’Aeristin. Ce n’est pas par la puissance militaire que je prendrais le pouvoir. Je laisse cette arme aux sots, aux crédules et aux abrutis. Non, l’esprit est ma force et c’est bien grâce à lui que je compte m’emparer du trône. J’espère te voir à mon couronnement. Promis, j’aurais un sourire victorieux rien que pour toi.
Avec le plus grand dédain au monde,
Achille Vasara.

Mon cher Achille,

Tes ambitions démesurées seront ta perte mon pauvre, mais soit, si y croire te permet d'avoir une courte vie heureuse, fait donc des plans sur la comète. J'aurais bien accepté ton marché, mais je ne marchande pas avec ceux de ton espèce, ceux qui poignarde dans le dos. Je ne suis que trop bien placé pour le savoir. Mais je sais que tu trouveras une autre source d'amusement.
Tes espoirs me feraient presque ressentir de la pitié pour toi, mais je n'ai pas le temps pour cela. Je ne cherche pas à marquer les esprits, et c'est sans doute cela qui causera ta perte. Je m'en délecte d'avance.
Si ma sœur se ravit d'être ta goûteuse, qu'il en soit ainsi, je deviendrais rapidement l'unique membre de ma famille, ce qui ne me déplaît pas. Et mon ami, sache que le poison n'est qu'une des mille et unes manières possible pour t'ôter la vie.
Ta confiance est remarquable, mais bien mal placée. Nous nous reverrons à tes funérailles mon cher et tendre.

Petite chose,
Tu peux m’encourager ouvertement, dire que tu m’admires. Je te promets que je garderais ton secret bien au chaud. Personne n’a besoin de savoir à quel point tu adules mon esprit tortueux et machiavélique. Et, pour ton information, poignarder l’autre dans le dos a toujours été la meilleure façon de survivre. Tu devrais pourtant le savoir mieux que personne, petite traîtresse. J’aurais pu te l’apprendre, si tu étais passé sous mon joug. Tu n’aurais pas simplement été la reine des espionnes. Tu aurais été bien plus. Mais tu as fait ton choix. Tu le regretteras, tôt ou tard. Je crains cependant que, même après la mort de ta très chère sœur, tu ne sois pas véritablement fille unique. Un demi-frère avec Pollux, c’est bien cela ? Peut-être pourrait-il se ranger sous mon ordre, lui aussi. Collectionner les Skonos est devenu une véritable passion pour moi, désormais.
A mes funérailles ou aux tiennes, nos chemins se recroiseront très bientôt,
Tendrement,
Achille Vasara.