Alderan n'avait pas eu le moindre de regret en laissant à son sort l'homme vivant mais inconscient, et cela lui glaça le sang. Mais qu'importe, lui était vivant, et c'était le principal. Peut-être que des secours arriveraient pour sauver l'Osoryd, peut-être pas. En compagnie du jeune maître de la terre, il arriva dans une sorte de place où des survivants s'étaient réunis. Les barrières sociales semblaient avoir été réduites à néant lors de cet attentat, car roturiers et nobles étaient réunis au coude-à-coude. Son compagnon de fortune reconnut ses proches en premier, et après un dernier regard envers ce jeune homme pour ancrer son visage dans sa mémoire, Alderan s'éloigna. Soudain, et après avoir déambulé pendant de longues minutes, il reconnut un visage. Lula ! Le marin se faufila parmi les survivants, à son rythme car il souffrait de son poignet cassé et de ses côtes sûrement fêlées. Il leva sa main valide et la posa délicatement sur l'épaule de la jeune @Lula Osanos. « Hey, » souffla-t-il en prenant soin de ne pas l'appeler par son prénom au cas où on les espionnerait. « Tu vas bien ? » Il sonda son regard puis sa silhouette pour s'assurer qu'elle allait bien, mais de toute évidence, il n'était pas médecin. Il gratifia la jeune femme d'un sourire qu'il voulut rassurant, puis regarda autour de lui à la recherche d'autres visages familiers, espérant de tout cœur trouver celui d'Atalante.

Le chaos l'entourait, les gravats, les cris, le sang, la mort. Pourtant Ido ne ressentait pas une once de regrets ou même de honte, lui qui avait repéré les lieux avec ses compagnons de l'armée de Pollux, des semaines durant, lui qui avait aidé à la confection de ces engins de mort, lui qui avait posé des explosifs, aux endroits les mieux choisis, les plus stratégiques. Pourquoi regretter ? Pourquoi se torturer l'esprit ? Ce n'était, à ses yeux, qu'un juste retour des choses, un coup pour un coup et rien qu'à son niveau, au niveau du seul humain insignifiant qu'il était, des coups, il en avait beaucoup à rendre. Alors oui, cet acte était cruel, cet acte avait tué certes mais pas seulement des maîtres, pas seulement des mêlés vaniteux. Il avait du prendre des humains également, des esclaves n'ayant rien demandé, et surtout pas de se trouver là, dans cet événement pompeux voué à la gloire d'une impératrice régicide aux doigts rougis par le pouvoir et à l'esprit corrompu par la folie. Tout ici lui avait donné envie de vomir, ces tenues somptueuses, ce déluge d'alcool enivrant, cette indécence nauséabonde. Jusqu'à ce que la première détonation se fasse entendre, jusqu'à ce que le joli petit tableau bucolique ne se transforme en scène d'horreur. S'étant mis à l'abri, Ido dut cependant s'aventurer sur son terrain miné, l'une des bombes semblant réticente à opérer son destin funeste. Avec ses vêtements déchirés, sales, parfait petit costume d'esclave, il s'était donc rendu s'assurer que son travail ne serait pas vain. Une mèche éteinte, pas grand chose en soit mais la proximité du lambda avec la bombe lui laissa un petit souvenir, une brûlure, certes superficielle, sur le bras droit. De quoi parfaire encore un peu plus sa panoplie et passer inaperçu au milieu de la pagaille. Évitant avec soin les gardes venus en renfort, Ido rattrapa un petit groupe, feignant la peur et l'horreur, histoire de s'accorder avec l'ambiance générale. Il reconnut quelques visages ici et là, certains plus amochés que d'autres mais là encore, les regrets n'attaquèrent pas son esprit. Non, il contemplait juste son œuvre, le regard froid, le visage las, l'esprit presque apaisé d'avoir enfin pu combler ce besoin de vengeance cruelle qui l'animait depuis tant d'années.

Lumière. Elles arrivent enfin à l'extérieur. Diana n'a cependant pas le temps de remarquer à quel point le monde n'est désormais que désolation, apocalypse ayant ensevelie ce monde dans les abysses du purgatoire. Elle se prend un amas de pierre dans le dos, qui l'a fait chuter. Elle pousse un cri rauque. Lionne que l'on vient de piéger dans un piège. Elle voit la blonde tomber au sol aussi, mais n'y prête pas attention. La douleur est beaucoup trop importante pour ça, et ça la déchire. La tension monte, et la déesse n'a désormais plus qu'une crainte. Avoir perdu l'utilisation de ses jambes. Elle se dit malgré tout, que si la douleur est là, lancinante et brûlante, c'est que ce n'est pas encore le cas. Elle se tire sur le sol, déchirant encore plus ses vêtements pour s'extirper des dernières roches. Son souffle est court. Poussière qui tourbillonne autour d'elle, ouragan d'un attentat. L'odeur de chaire brûlée vient effleurer ses narines, et elle se met à tousser. Le monde autour d'elle, s'il est sécurisé, n'est que l'orée d'un monde mit à feu et à sang. Elle reste allongée la princesse, tentant de récupérer le peu de force qu'elle possède encore. Il faut qu'elle continue. Elle s'apprête à rechercher les siens, à retrouver @Lula Osanos @Rei Osanos et @Atalante Osanos, lorsque son regard se pose sur @Wanda Oshun, la blonde venait de sortir de leur dédale souterrain, et était blessée au niveau du bras. Elle perdait beaucoup de sang, beaucoup trop. Elle attrape les morceaux de tissus répandus sur le sol, et s'approche d'elle en tentant tant bien que mal, de se relever. La douleur est intense, mais désormais supportable. Elle s'arrête à sa hauteur, et lui fait un bandage. « Viens avec moi. » Elle reste appuyée sur le bras de la blonde, le tenant fermement. Elle l'avait sauvée pour plusieurs raisons. Premièrement, elle n'avait aucunement l'intention de la laisser mourir six pieds sous terre, deuxièmement, si Isaure et elle s'étaient perdus de vue, l'amitié était quelque chose de sacré aux yeux de Diana, troisièmement, Wanda pourrait faire un excellent otage pour sortir de ce guêpier. « Ce n'était pas une question, » dit la princesse de la nation de l'eau, en plantant ses ongles dans le bras de l'Oshun. Il ne lui restait désormais plus qu'à sortir d'ici et retrouver les siens.

La dague qui l'accueillit lorsqu'il posa sa main sur l'épaule de @Lula Osanos arracha un sourire en demi-teinte à Alderan. La prudence était évidemment la clé de leur survie en tant que résistants, et il ne pouvait en vouloir à la princesse pour sa brusquerie. De plus, il était trop heureux de constater qu'elle semblait aller bien, malgré les événements épouvantables qui étaient survenus. Dieu seul savait où se trouvaient sa sœur et sa tante, et Alderan priait de tout son cœur pour qu'elles s'en soient sorties. Lula lui affirma aller bien et lui demanda de ne pas s'inquiéter. Il hocha la tête face à ce mensonge destiné à minimiser l'ampleur des dégâts que chacun avait subi, et lorsqu'elle lui demanda s'il était blessé, il choisit lui aussi le mensonge. « Rien de grave, » souffla-t-il. « Et non, » ajouta le marin en réponse à la question de la brune. Un peu plus bas, il prononça : « Il faut les retrouver, et foutre le camp d'ici. Viens. » Il proposa son bras à la jeune femme après un regard à sa cuisse bandée. Inutile de jouer les fiers dans une situation comme la leur. Alderan commença à chercher autour d'eux, à dévisager tous les gens qui passaient, s'affaissaient, se redressaient, criaient, geignaient, pleuraient. Il chercha longtemps, avant de finalement se dire que si Diana et Atalante avaient survécu, elles ne se seraient pas fondues dans la foule au risque de tomber sur des soldats. Elles étaient recherchées, et connues en plus de cela. L'officier opta donc pour des lieux isolés. Tout en restant près de Lula pour l'aider à avancer, il les fit s'éloigner dans une ruelle, discrètement. Se déplacer devenait compliquer pour le colosse et son ossature malmenée de parts et d'autres, mais il n'avait guère le choix. Tandis qu'il s'enfonçait dans une ruelle parallèle à la place, il aperçut une silhouette au lieu, recroquevillée dans l'embrasure de la porte d'un habitation. Il la reconnut au premier coup d'œil. Alderan sentit son palpitant se serrer dans sa poitrine, et il serra le bras de Lula. « Ta tante, » dit-il, le souffle court. « Ta tante est là. » Comme s'il s'agissait d'un mirage, le gaillard avait presque du mal à y croire. Il se dirigea vers @Atalante Osanos, et la peur s'accapara sa figure lorsqu'il vit qu'elle saignait au niveau du ventre. « Ata, » ne put-il s'empêcher de prononcer, sans parvenir à dissimuler l'inquiétude dans sa voix. « Par les sept, tu es en vie. » Il posa une main sur le tissu vermeil qui recouvrait le flanc de la jeune femme, et sentit immédiatement l'hémoglobine recouvrir sa paume. « … Ça va aller, » s'entendit-il prononcer avec une douceur infinie. Il jeta un regard terrifié à Lula. Comment arriveraient-ils à se sortir de cette merde sans nom ?

Le simple fait de respirer devenait de plus en plus douloureux car son buste qui se soulevait tirait sur la chaire meurtrie plus bas. Tendait sa plaie, faisait couler le sang. Et chaque fois qu'elle happait l'air, c'était avec la gorge et les lèvres tremblantes, faibles. C'était une question de minutes avant qu'elle ne soit plus en mesure de se défendre si quelqu'un venait à l'attaquer, un peu plus avant que ses jambes ne lui fassent défaut. Dans sa tête, comme un tic tac qui résonne avant qu'elle ne se condamne elle-même en perdant connaissance dans l'allée d'une nation dont elle est l'un des principaux ennemis. Alors elle réfléchit. Mais ses pensées se tourne inlassablement vers sa famille dont elle n'a aucune nouvelle et qui pourrait tout comme elle être dans une mauvaise posture. Elle avait perdu Aymeric. Manqué de perdre ses deux nièces dans une mission douteuse et maintenant... Maintenant quoi ? C'était à son tour de jouer avec le feu ? De tendre la main vers son neveu ?

Non.

Elle valait mieux que la mort et ses pièges sordides. Elle n'était pas n'importe qui, ne se laisserait pas prendre sans s'être battue. Alors elle se redresse, non sans que sa tête ne lui tourne, dans un gémissement plaintif qui lui échappe. Chaque mouvement réveille sa plaie, sa douleur, qui lui brûle jusque dans ses entrailles. Atalante déglutit, inspire, s'apprête à bouger et tenter de trouver un endroit où se cacher. Peut-être un partisan de sa cause lui offrirait-il l'asile ? Mais des bruits de pas résonnent dans la ruelle et elle se fige, attrape d'une main une de ses dagues accrochées à sa cuisse sous le tissu qui devient de plus en plus pourpre. Son autre main est plaquée contre sa plaie, tentant d'y apporter une pression même minime pour s'empêcher de se vider de son sang. Son coeur bat fort, mais mal. Irrégulièrement, ça et là ses battements sont désordonnés et creux. Mais elle laisse tomber la dague lorsqu'elle reconnait les deux personnes qui s'étaient approchées. @Lula Osanos. @Alderan Krane. Ils sont en vie. Ils sont là. Un élan d'optimisme la gagne alors qu'elle soupire soulagée mais faible et c'est sans attendre qu'elle se radosse à la porte lourdement laissant tout son poids s'y loger. La résistante les fixe sans rien dire, les lèvres qui bleuissent et la respiration qui se fait complexe. « Ata, par les sept, tu es en vie. » Mais elle ne répond pas et se contente de le regarder, la poitrine qui se soulève avec difficultés. Sa voix lui parait loin, trop. Et c'est soudain qu'elle attrape son poignet avec toute la force qu'il lui reste alors qu'il tente de poser sa main sur sa blessure. Tout mais pas ça, elle souffre déjà assez pour supporter le contact de quelqu'un d'autre. Elle souffle un  "non..." faible alors qu'elle éloigne son poignet du bas de son ventre, badigeonnant ce dernier sans le vouloir de sa propre hémoglobine. Son non est plaintif, lourd de sens alors qu'elle inspire à nouveau fortement pour se redresser et regarder Lula. C'est un poids qui s'enlève de ses épaules que de la voir en vie et jamais son visage ne lui avait semblé plus précieux. « … Ça va aller.» Ses mâchoire se serrent alors qu'elle force sur ces dernières pour se concentrer sur autre chose que sa blessure. Son regard s'éloigne de Lula pour se poser sur Alderan, elle insiste sur ce dernier. "Vous devez partir, maintenant." qu'elle leur dit d'une voix brisée mais ferme. Son visage s'étire dans une grimace sous une nouvelle vague de douleur. "La garde va arriver pour sécuriser l'endroit, ils chercheront des coupables." Elle s'étonne elle-même d'être capable d'articuler tant de mots. "Partez." dernier mot qu'elle prononce et qui meurt dans un ordre, dans un souffle puissant et tremblant. Elle ne s'y inclue pas, car elle sait. Elle sait que sans elle ils pourront passer entre les mailles du filet.