La musique, les corps qui se frottaient les uns contre les autres. La chaleur ambiante qui ne faisait que grimper. L'ivresse était présente, on pouvait la sentir à plein nez. Debout, face à eux, debout face à son oeuvre. Le vile tentateur avait à nouveau rencontré un franc succès, fête de débauche, fête du pêché. Tout était parfait. Dans ce beau quartier de la nation des flammes, les corps se laissaient happer par cette chaleur enivrante. Divers excès étaient proposés, mais l'intérêt était sans doute de tous les explorer. Pourtant le soleil de Breizin n'en avait que faire ce soir. Les boules de feu brillaient dans le ciel, et la douce brise de la nuit réchauffait son corps dénudé. Ce qui le couvrait ? Une simple pièce de tissu pour cacher le bas. Son corps juvénile à découvert, la pudicité n'était pas le fort du mâle Grimsrud. Exposer ses formes, observer les formes, un véritable plaisir. Pour lui tout n'est que beauté dans le corps physique. Observer toute la sensualité que peut dégager un corps, à peine vingt ans le gosse et pourtant une confiance aveugle en son corps et celui des autres. Il est celui qui découvre la beauté physique, celle qui est intérieur ne l'intéresse guère. Du moins pas à tous. Mais la beauté physique l'obsède, parcourir différents corps, savourer les plaisirs féminins, masculins. Aussi différents puissent-ils être, le plaisir qu'il prend est le même. Différent, mais égal. Le bellâtre n'était plus présent parmi les invités. Un peu de calme, un peu de plénitude ne pouvait être que bénéfique. L'aurore pointerait bientôt le bout de son nez, une heure ou deux tout au plus et il serait l'heure d'aller se coucher. La capitale qui s'éveille et la jeunesse dorée qui s'endort. Sublime paradoxe pour certains, véritable honte pour ces délaissés, pour les laissés pour compte que Solal n'a jamais réellement considéré. Défendre les pauvres, les orphelins, bien sûr qu'il pourrait y penser, l'enfant est roi, l'enfant est acclamé. Alors il lui arrive de tenter d'exécuter de bonnes actions. Est-ce réellement sincère ? Est-ce réellement obligatoire ? Pas vraiment. Le fils du feu avait pris refuge dans une pièce qu'il appréciait. Le piano trônait fièrement à gauche de la pièce et la vue était tout simplement splendide. La ville dormait, les étoiles scintillaient. Son corps se déposa délicatement sur ce petit banc de velours à la couleur pourpre. Et naturellement ses frêles doigts vinrent commencer à jouer. Somptueuse virtuosité, plaisir caché dont il n'appréciait pas forcément partager l'intimité. User de sa voix, faire vibrer les cordes vocales, c'était assez simple, pourtant l'expression de la musique est bien plus intime. Il est un artiste, lorsque ses doigts se posent sur ce piano, la passion d'un homme avide du monde se lit dans cette musique si mélancolique et pleine d'espoir. Une mélancolie bien naïve, puisqu'il n'a connu que la richesse et le bonheur. Mélancolie de sujets bien peu intéressants pour le commun des mortels, mais pour lui cela prend une place bien particulière. Alors il aime se laisser aller, la fenêtre à moitié ouverte sur Launondie et la brise fraîche qui vient caresser ses belles boucles brunes qui viennent coller son front brûlant par la soirée d'excès. Et le temps s'écoulait lentement au rythme de la musique, douce berceuse qui agissait sur toute la ville. Petite comptine qui apaisait le petit cœur du jeune Grimsrud. Sans prévenir, un bruit le tira de sa rêverie. Léger bruit qui se fit entendre en raison du calme ambiant qui régnait dans la pièce. Le corps de Solal se tourna brusquement pour faire volte-face à la personne qui était présente avec lui. Dans la pénombre il reconnaissait les boucles blondes, le visage pâle et le regard scintillant du fils des cieux. Andrei. Bel Apollon de la nation de l'air. Être royal à la beauté enivrante. Une douce attraction s'exerçait entre les deux hommes. Connexion physique, connexion psychique. Juste deux âmes qui se comprennent et savent partager des plaisirs de la vie. Les deux hommes étaient l'archétype de la jeunesse dorée. Le beau brun laissa son regard détailler celui qui lui faisait face à quelque mètres. « Andrei. » Le son traversa la pièce vide pour rompre le silence qui régnait. « N'as-tu trouvé aucune compagnie ce soir pour te faire plaisir ? Depuis combien de temps es-tu ici je ne semble pas t'avoir entendu rentrer. » Peut-être était-il là depuis le début ? Peut-être pas. Sa présence n'était pas pour déplaire le sang de bronze qui appréciait particulièrement la compagnie du beau blond. Parce qu'il était la conversation de fin d'une belle soirée. Le dialogue intéressant pour clôturer la débauche et les pêchés. Celui avec lequel son corps appréciait s'embraser et se laisser aller. Le peintre et le pianiste, deux âmes, deux artistes, et une simple connexion.