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Spoiler:

Il a d'abord vu ses cheveux noirs, et son port de tête altier, fier. Il a su immédiatement qu'elle était une princesse. C'était évident, planté là, à la disposition de tout le monde. Une princesse de la nation de l'eau. Et elle n'a pas eu un seul regard pour lui. Mais Lazar, du haut de ses onze ans a su. Il a su que ce serait elle. C'était comme si un lien s'était déjà formé entre eux, seulement elle l'ignorait encore. Et Lazar, quand il a une idée en tête, il se donne les moyens pour l'obtenir. Diana Osanos en fait partie.

Diana lui a faussé compagnie. Il sait qu'elle avait besoin d'être un peu seule, quand il lui a demandé où elle allait, elle a simplement répondu qu'elle devait méditer. Lazar a bien essayé de la suivre, mais la sécheresse dans la voix de la belle l'en a dissuadé. Il faut savoir choisir ses batailles. Celle-ci n'en vaut pas la peine. Et tant pis pour son cœur qui souffre à chaque fois que Diana lui rétorque qu'elle n'a pas besoin de lui, tant pis pour son sang qui ne fait qu'un tour quand elle crache qu'elle ne veut pas le voir. Une part de lui sait qu'il l'a cherché, une part de lui sait qu'il est responsable. Mais il ne veut pas l'admettre. Lazar est fier, Lazar est en peine. Lazar a regardé sa belle quitter le palais et il est resté, attablé devant un livre, espérant qu'elle n'irait pas se mettre en difficulté. Encore une fois. Il déteste ne pas pouvoir la protéger, et pourtant, il sait qu'elle peut se passer de lui. Il sait que sa maîtrise de l'eau peut lui servir de bouclier.

Lazar observe l'eau s'échapper du lac, et se mouvoir au gré des mouvements de Diana. Il fronce les sourcils, son cerveau fonctionnant trop vite. L'alarme danger s'est activée, alors qu'il réalise que Diana est réellement un maître de l'eau. Pas un de ceux qui ont le titre simplement parce qu'ils sont nés ainsi, mais de ceux qui contrôlent réellement leur élément. Éclairée seulement de la lune, elle lui tourne le dos, et l'eau l'entoure, tourne, et s'arrête, en suspension. « Tu te doutes que tu ne dois en parler à personne. » La voix de Diana est toujours un peu froide, mais il y a quelque chose d'autre cette fois-ci. Elle partage un secret avec lui, un secret qui pourrait lui coûter très cher. Qui pourrait leur coûter cher à tous les deux. Lazar acquiesce, mais elle ne le voit pas. « A quel point est ce que tu maîtrises ? » Lazar fait un pas vers elle, et enfin elle se retourne. Au même moment, l'eau se remet en mouvement et fonce droit vers l'adiutor. Il lève instinctivement les bras, mais pas une goutte ne le touche. Diana sourit, sûre d'elle, sûre qu'elle pourrait le blesser là tout de suite. Et pour être honnête, Lazar n'en doute pas. Ses bras se baissent, et il continue d'observer l'eau en suspension. « Je peux me défendre toute seule. » Une rengaine qu'il entend pour la première fois, mais qu'il ne manquera pas d'entendre de nouveau dans les années à venir. « Je te protégerai quand même. » Une promesse de Lazar. Il la protégera des autres, mais aussi d'elle même.  Diana est peut-être têtue, mais Lazar l'est tout autant.

« Ne fais plus jamais ça. » Lazar attrape le poignet de Diana, l'arrêtant. Les autres quittent la pièce, mais il l'en empêche. Elle baisse les yeux sur sa main, avant de la relever vers elle. Il peut voir un reflet des éclairs qui dansent dans ses yeux. « Enlève ta main. » Elle ne pourrait pas être plus glaciale, mais Lazar s'en moque. La colère, la peur, son cœur bat sourdement et trop vite. Il doit faire attention, contenir l'électricité qui tourbillonne en lui.  « Si tu n'avais pas réussi à t'en sortir, nous aurions pu être découverts. Pire encore, tu aurais pu mourir. » il n'a toujours pas ôté sa main, continue de tenir son poignet comme si sa vie en dépendait. Ce seul lien dont il a besoin, désespérément besoin, plus que d'air. « Nous aurions pu mourir. » ajoute-t-il. Sa vie dépend d'elle, mais il se demande s'il s'agit seulement du lien qui les lie. « Cette conversation n'a pas lieu d'être, je m'en suis sortie. » Il veut l'attraper par les épaules, la secouer, lui faire comprendre qu'elle s'en est peut être sortie aujourd'hui, mais qu'elle aurait pu mourir, et qu'il ne veut pas la perdre.  « Maintenant, retire ta main, avant que je ne te fasse regretter ton geste. » Lazar fronce les sourcils, son cœur battant encore à tout rompre, mais il la lâche, comme si le contact le brûlait tout d'un coup. Il sent presque l'électricité alourdir l'espace autour d'eux. « Diana.. » Le mot est lourd, lourd de sens, lourd de non-dits. Il l'aime. Il l'aime comme jamais il a aimé. Mais il s'interdit de dire quoi que ce soit, parce qu'elle réagirait mal, parce qu'elle le repousserait, parce que Diana le regarde avec le feu dans les yeux. « Je t'emprunte Lazar pour la nuit, il a bien travaillé lui aussi, alors je fais une sortie entre... hommes. » Aymeric les interrompt, et Lazar respire à nouveau, sans réaliser qu'il avait retenu sa respiration tout ce temps. Il ne sait si le prince le sauve ou le noie.

Lazar frappe à nouveau, par la droite cette fois-ci, il évite un coup trop lent de son adversaire en se baissant. Et quand, finalement, l'autre type s'effondre, sonné, Lazar se redresse de toute sa hauteur, et contemple la foule qui crie autour de lui. Des maîtres, des mêlés. Et finalement, ses yeux s'arrêtent sur l'un d'entre eux. Celui qui lui ressemble le plus. Aymeric le fixe, les bras croisés, un sourire satisfait flottant sur le visage. Lazar a le souffle court, sa poitrine nue se lève et se baisse au rythme des acclamations du public. Et son visage reflète le sourire d'Aymeric.
Un moment, il vit seulement la satisfaction d'avoir gagné, avant que sa conscience ne lui revienne, et lui fasse payer. Avant que sa conscience lui rappelle qu'il n'est qu'un esclave, le coq d'un maître, bien éduqué et suffisamment fort pour être exhibé et utilisé dans des combats. Il entend encore les mots d'Aymeric, la première fois où Lazar a dit non. « Tu veux vraiment qu'on sache ce que tu ressens réellement pour Diana ? » Sourire carnassier comme pour appuyer ces mots durs. Lazar grimace comme s'il avait reçu une gifle. Il n'a pas eu le choix. Il ne peut rien refuser à Aymeric. Pas seulement pour ce chantage minable que le plus âgé pratique sans vergogne. Pas seulement parce qu'il est un maître et qu'il est supposé lui devoir le respect. Mais aussi parce que Lazar aime Aymeric. Il l'aime sincèrement, pas du même amour qu'il porte à sa cadette, mais comme un ami, un frère. Parce que parfois, Aymeric semble vraiment concerné par la situation des sang-mêlés, parce que parfois, Aymeric lui tend une main pour l'aider à se relever lorsqu'il se fait battre. Parce que parfois, Aymeric l'aide à soigner ses blessures. Et aussi parce qu'il se répète qu'Aymeric l'aime aussi, pas seulement comme un chien qu'il fait combattre, mais comme ce gosse qui lui ressemble beaucoup trop. Parce que parfois, Aymeric s'amuse à faire passer Lazar pour lui, et que Lazar accepte, heureux de mener la plaisanterie avec l'Osanos. Lazar aime Aymeric, et il accepte de se battre pour lui, et il en vient même à aimer ça. Et quand Aymeric surgit, alors que Lazar s'emporte contre Diana parce qu'il a eu peur et qu'il s'inquiète, alors Lazar se détend, et sait qu'il va pouvoir enfin sortir toute cette angoisse, à travers ses poings.


Ce n'est pas si différent des combats qu'il menait pour Aymeric. Rien qu'en pensant à lui, sa ferveur redouble, il met plus de force dans les coups qu'il assène aux hommes de la nation du feu. Aymeric, Aymeric, Aymeric. Le sourire du prince lui revient en mémoire, et il abat son poing sur un visage, avec toute la force que son cœur réclame. Une vengeance, un exutoire. Il se fiche complètement du fait que cet homme ne soit pas celui qui a tué le prince. Peu lui importe. Ils paieront tous. Jusqu'au dernier. Mais une vive douleur à l'épaule l'arrête soudainement, et par réflexe, il porte la main à l'endroit de la blessure. Pourtant, là où il s'attendait à sentir le sang, il ne sent rien. Diana. Il n'a pas besoin de se retourner vers elle pour savoir. C'est elle qui a été blessée, et la douleur, c'est lui qui l'a ressentie. Deux autres hommes remplacent celui qui vient de tomber face à Lazar. Mais cette fois-ci, ce ne sont pas seulement ses poings qui cognent sur eux. Cette fois-ci, il laisse parler son pouvoir, ce pouvoir si dangereux. Les éclairs se joignent aux coups, et les mercenaires ont comme un mouvement de recul. Lazar ne fait plus dans la dentelle, il n'a plus de pitié. Cette fois, il ne va pas se contenter de les mettre hors jeu. Il va les tuer. Les tuer comme ils veulent tuer Diana. Et Lazar s'acharne, les éclairs le traversent et touchent leurs cibles au moment où ses poings entrent en contact avec leurs corps. Il ne va pas en laisser un seul en vie. Ce n'est plus seulement pour Aymeric. Ils n'auraient pas du toucher à Diana. Lazar ne réfléchit même plus, il n'est qu'instinct de survie et colère. Son souffle est court, et toute l'électricité qui le parcourt et déborde le fait légèrement trembler.
Et soudain, il se sent tiré en arrière, et avant d'avoir pu comprendre, il est entouré par les eaux sombres du lac. Diana. Il lutte contre le courant, contre la force qu'elle peut mettre dans sa maîtrise, et remonte à la surface pour hurler son nom. De toute la force de ses poumons, comme si rien d'autre ne comptait, fou de colère et d'angoisse, il crie son nom. Une fois, deux fois. Diana, Diana, Diana. Et soudain, il la voit chuter. Son corps tombe dans le lac, inconsciente.

Lazar l'entraîne vers la rive, luttant contre son propre épuisement. Ils s'en sont sortis, et il peine à le croire. Elle suffoque, elle crie, elle pleure, et le cœur de l'adiutor se brise. Sa princesse, la princesse de toute une nation se brise elle aussi, et tout ce qu'il peut faire, c'est l'aider à marcher, et lui répéter plusieurs fois qu'il est là, que ça ira, promis Diana, ça ira. Je suis là. Ca ira. Une litanie autant pour elle, que pour lui.
Parce que plus rien ne sera jamais pareil.
« Tu sais que la résistance ne prend pas les intérêts des sangs-mêlés à cœur n'est ce pas ? » Lazar s'immerge complètement dans le lac. Les mots de cet homme continuent de lui revenir en mémoire. Pour la première fois, Lazar est perdu. Il a besoin de réfléchir, et il a profité que Diana soit occupée avec sa sœur pour prendre un répit. Et encore et encore, il y repense. Il sait, bien sûr. La résistance est là pour les maîtres, il l'a vu, il le sait. « On pourrait avoir besoin de quelqu'un comme toi. » Lazar remonte à la surface et inspire longuement. Oui, il y songe. Cette ligue l'intéresse. Le type l'avait approché lors des combats illégaux. Un sang-mêlé dont il n'avait pas aperçu le maître. « Réfléchis-y. » Oui, il y réfléchit. Depuis des semaines, il y réfléchit. Mais Diana a besoin de lui. Même si elle ne l'admet pas, lui, il le sait. Mais Lazar est fatigué de défendre la résistance, alors que la résistance ne le défendra jamais. Et plus il y réfléchit, plus la ligue lui semble être la seule solution.