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Elle hurle, hurle comme jamais dans sa vie, et pourtant, que trop rapidement ses cris de douleur sont emportés par la tempête, noyés sous les éclats de tonnerre. Et alors que les ondes divines illuminent le ciel, la torture prend enfin fin pour cette femme dont la chevelure flamboyante est imbibée de sueur. Devant cette petite chose que la sage-femme lui tend, les souffrances du passé ne sont que trop rapidement oubliées. Avec tendresse, ses lèvres effleurent ce front rougis par l’effort. Enfant non désiré, enfant imposé, conséquence des avances non-désirées d’un maître habitué à prendre ce qu’il désirait, il n’a pas manqué d’ajouter de par sa venue au monde aux souffrances de cette femme à la silhouette si délicate – et pourtant, de tout cela, rien ne semble avoir d’importance si l’on se fie au frêle sourire qui désormais adoucit les traits de la parturiente. « Nolana. » Trois courtes syllabes, et pourtant, la douceur qui en émane scelle la place si particulière que ce petit être à jamais occupera dans la vie de la jeune mère. Ou du moins, dans son esprit, car que trop tôt, cette petite boule d’énergie si délicate en apparence lui est arrachée : dans les traditions des maîtres, les sentiments des mères ne comptaient que trop peu, et encore moins le bien-être des enfants ayant le malheur de naître avec la tare d’un sang mélangé. Mêlés. Et la triste ironie du sort voulut que cet enfant vivant adorant tant s’enfuir des jupons de sa mère pour visiter l’immense volière de son « maître » et père, est elle-même enfermée dans une cage – et celle-ci était loin d’être dorée. Comme tant d’autres partageant sa « tare », elle a été élevée loin de ce que les maîtres considéraient – et considèrent toujours – comme une potentielle menace : l’influence parentale, qui, inconstante et imprévisible, ne leur était pas toujours favorable. Et si pour tant d’autres, ce jour d’été 2147 n'a été qu’une journée comme toutes les autres, pour la jeune Nolana, il marqua un tournant indéniable dans sa vie. Arrachée à la seule vie qu'elle connaissait jusqu’ici, jaugé et « bagué » tel un de ces oiseaux que, dans une vie antérieure, elle admirait tant, l’enfant ensoleillé et rêveur dépérit, ne persistant que dans les profondeurs de son âme, là où une partie d’elle-même refusait de laisser partir ce doux rêve de revoir un jour cette famille dont le temps flouait les silhouettes. Transformant même ce père qui jamais ne s’était intéressé à son existence en l’archétype de la figure paternelle. Si bien qu’aujourd’hui, de cette tendre enfance au sein de sa famille, elle n’en a gardé uniquement des images bien flatteuses, invention d’un esprit à la recherche d’appartenance. De sécurité. De tendresse.

« Allez Lana, arrête de traîner. D’ailleurs je ne vois pas pourquoi toi t’es si réticente. Je suis sûre que tu vas te voir attribué un membre d’une famille influente.  » Un silencieux soupire émane des lèvres de la jolie blonde, alors que d’un pas traînant, doucement elle se met à la suivre. Durant toutes ces années qui se sont écoulés depuis ce jour la privant à tout jamais d’une mère aimante – cette dernière étant morte depuis – Olena a été son amie, son soutien infaillible. Et aujourd’hui pourtant, pour la deuxième fois dans sa si jeune vie, va-t-on l’arracher au confort que présente cette présence, uniquement pour l’attribuer tel un bétail à un maître auquel elle serait liée jusqu’à dans la mort. Alors devant ce fait pourtant si souvent présenté comme la plus normale des choses, comment pourrait-elle se réjouir ? A ces yeux, ce n’est là que l’ultime expression que cette vie ne lui appartient pas.  Ne lui a jamais appartenu. D’autres mêlés, tels que son amie par exemple, éprouvent peut-être une étrange curiosité voir même une certaine impatiente pour cette cérémonie scellant leur dernière année d’étude, mais Nolana, elle, est bien incapable de ressentir le même enthousiasme ou même fierté de servir une famille influente – après tout, une cage dorée ne reste pas moins une cage. Elle, pour qui le simple mot de liberté ne semble être qu’un concept illusoire, souvent s’est demandée d’où lui venait cette réticence vis-à-vis des coutumes, et pourtant, des réponses, jamais elle n’en a trouvé. Et alors que la jolie blonde une fois de plus s’échappe dans ces rêves éveillés emplis de libertés, la cérémonie débute, dévoilant au grand jour celui avec lequel désormais elle partageait un lien que seul la mort peut défaire : Hyppolite Osanos. Fils d’une riche famille, ce dernier est certainement l’exact opposé de la jeune femme. Danse du feu et de la glace, et là où l’insouciance d’une vie protégée rencontre la froideur engendrée par une vie solitaire, ils sont pourtant aujourd’hui liés jusqu’à la fin de leurs jours – ce qui, en vue de l’actuelle situation, pourrait très bien être demain. Désireux de pouvoir, l’eau se dresse contre le feu, se souciant bien peu qu’en ce faisant, ils entraînent avec eux bien des personnes qui, dans cette guerre, n’ont pas leur place. Des mêlés obligés à les protéger dans le seul but d’eux même pouvoir survivre, personne ne s’en soucie – alors Nolana se tait, restant cette ombre que personne ne semble apercevoir, enchaînant les heures à l’infirmerie provisoire des souterrains afin de se distraire du malaise que ces derniers lui inspirent. Et pourtant, un étrange message perçu quelque temps auparavant peut-être l’éveillera enfin de son inactivité. De quelle manière les mots de son paternel ont trouvé leur chemin jusqu’à elle, elle l’ignore, mais trop grande est la joie que ces derniers provoquent pour qu’elle y accorde grande attention. Et si l’idée que ce magistrat au service des Swanson ne l’a pas contacté par simple amour pour cette progéniture à laquelle il ne s’est pas intéressé durant une vingtaine d’années, mais bien par simple intérêt propre, a bien parcouru son esprit, sans pourtant y prendre racine. Non, celle que le simple concept de famille a toujours fait rêver, jamais elle ne pourrait résister à cette main tendue par le seul parent lui restant encore dans ce monde. Peut-être un poil rêveuse, elle n’écoute qu’avec trop grande attention les mots que ce dernier juche sur des messages cachés, croyant à l’éventualité d’une alliance entre Swanson et Osanos dans ce combat sanglant pour l’Impératrice. Du moins, c’est là la douce promesse des messages secrets lui parvenant, mais la vérité, elle, est seule détenu par le Magistrat Osma.