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Spoiler:

Le bruit que dégageait la foule était lourd, envahissant et impossible à ignorer. La gamine seulement âgée de neuf ans se tenait sur une estrade aux côtés de sa mère serrant sa main plus que c'était supportable, pourtant cette dernière de disait rien, enroulant ses doigts autour de la petite main frêle de sa progéniture. Deux hommes étaient positionnés à la droite de Clysée, tandis qu'une autre femme se tenait à leur gauche. Tous se ressemblaient, habillés de vêtements sales et parfois un peu délabrés. L'on pouvait lire de la peur, de la tristesse mais aussi de la colère dans leurs yeux larmoyants, l'on pouvait imaginer de l'indignation déformer leurs traits sans qu'aucun ne soit capable de contester ce qu'on les forçait à faire. L'on avait appris à Clysée leur condition, qu'ils n'étaient qu'humains, normaux, banals, et que leur place dans la société n'était qu'infime. Difficile pour une enfant de neuf ans, de se rendre compte que sa place dans le monde était inexistante. Que jamais elle ne serait capable de vivre une vie idéale et sans contraintes. Qu'en tant qu'esclave, jamais elle ne serait maître de sa propre vie. Les yeux émeraudes de l'enfant vinrent se poser sur le visage rassurant que représentait celui de sa génitrice. « J'ai peur. » ses mots étaient sortis sans que la gamine soit capable de les contrôler, simple représentation de tout ce qui se passait dans sa tête. La pression des doigts de sa mère se resserra un peu plus sur sa main, pression qui se voulait rassurante et chaleureuse, mais qui ne lui paru que douloureuse et significative d'une mauvaise nouvelle. Sa mère se pencha vers elle, ses yeux humides se posant sur chaque parcelle du visage de Clysée, comme si elle essayait de se rappeler des moindres détails de son faciès. « Je sais Clysée. » un soupire s'extirpa de ses lèvres tandis qu'elle posa ses mains sur les épaules de l'enfant. « Mais tu dois faire abstraction de cette peur. Même si elle ne diminue pas, tu vas devoir l'ignorer. Parce que je ne serais plus là pour t'aider. Tu seras toute seule. » sa voix avait déraillé lorsqu'elle prononça ces derniers mots, une larme s'écoulant sur ses joues rouges. Clysée vint poser ses pupilles sur le visage de sa génitrice tandis qu'une douleur insupportable s'empara de son organe vital, le serrant si fort qu'elle eut l'impression qu'il allait s'arrêter. Un homme mieux habillé qu'eux tous réunis vint faire éruption et attrapa le bras de sa mère pour la tirer vers le devant de l'estrade. Les doigts de Clysée eurent du mal à se détacher des siens si bien qu'elle fut partiellement entraînée dernière sa génitrice, une succession de larmes s'abattant dramatiquement sur ses joues. Des hommes dans la foule tendait des billets tout en ne détachant pas les yeux de sa mère. C'était une belle femme, elle l'avait toujours été, et pour la première fois dans sa vie cela lui faisait défaut. L'on proposa un prix pour sa mère, un sentiment dé dégoût s'empara de Clysée. C'était ce que l'on faisait ici, l'on achetait des êtres humains. Pensée impensable et pourtant bien réelle. L'on vient attraper le bras de Clysée, un geste si abrupte que cela la fit sursauter. « Pour dix de plus vous pouvez avoir la fille. Deux mains de plus ça peut toujours servir. Je vous fais un prix. » Clysée sentit son coeur battre si fort qu'elle était capable de sentir les battements cogner contre ses temps. Ses pupilles passaient de sa mère aux hommes dans la foule. « Trop jeune. Trop encombrante. On se contentera de la mère. » un sourire malsain était accroché aux lèvres des trois hommes. Clysée essaya d'attraper la main de sa mère une dernière fois, tentative qui échoua puisqu'on la ramena à l'arrière de l'estrade à la seconde même où l'homme s'était exprimé. C'était la dernière fois qu'elle voyait sa mère, la dernière fois que ses yeux se posait sur elle et que ses gestes effleureraient sa peau. « Je t'aime Clysée. » l'enfant aurait voulu répondre, Clysée aurait voulu être capable de lui dire qu'elle l'aimait aussi et l'aimerait toujours, mais elle en fut incapable. La voilà qui se sentait clouée au sol, impossible de faire le moindre mouvement, vulnérable. Elle vit la silhouette de sa mère disparaître, dernière image qui hanterait son esprit pour le reste de sa vie.


Ses yeux verts se détachèrent d'une emprise qui semblait trop grande pour que Clysée soit capable de s'en défaire. Ses iris scrutaient encore les yeux marrons qui lui faisaient face, toute trace de lucidité s'étant envolée au moment même où la femme qui lui faisait face s'était exprimée. C'était un rituel qui lui était devenu quotidien, une mélodie qui se répétait dans sa tête sans qu'elle ne soit capable de l'ignorer ou de la dissimuler derrière d'autres pensées. Clysée le pantin, Clysée la dépendante. Nouvelle nuit signifiait nouvelle identité, nouvelle appartenance qui n'était pas sienne. Bien que jamais la gamine n'avait été sienne, jamais avait-elle était capable de posséder sa propre identité. Sa vie, son existence se résumait à un contrôle permanent de son esprit, de ses pensées, de sa personne. Ses gestes ne lui appartenaient plus, ses pensées ne lui appartenaient plus. Son esprit se retrouvait prisonnier de son corps, tandis qu'une autre dirigeait ses moindres faits et gestes. Esclave de son propre esprit. Ses yeux vinrent se poser sur tout ce qui l'entourait, tandis qu'enfin son regard accrocha ce qui suscitait l'attention de sa nouvelle personnalité, de chaque personnalité qu'elle se voyait engendrer tous les soirs. Des hommes, assis, riant, buvant devant un spectacle qui leur était offert. Son pas s'était fait assuré tandis que ses pupilles cherchèrent le visage qu'elle se devait d'occuper le temps d'une nuit. L'on avait susurré les lettres de son nom dans ses oreilles et désormais, seul le son claquant de son patronyme résonnait dans son esprit, telle une mélodie enfantine que l'on fredonnait à un enfant pour le calmer. Ce nom était tout ce qui était capable de croiser son esprit, sa lucidité semblait transpercée par cette âme qu'elle allait devoir divertir. Un rictus se dessina sur ses lèvres abîmées lorsque l'homme en question entra dans son champ de vision, elle avança vers lui, la tête haute et le regard assuré. Ses doigts délicats vinrent se poser ses ses épaules puis vinrent caresser son torse. Au fond, ce n'était plus Clysée et cette dernière était dévastée, impuissante, témoin d'actes qu'elles ne contrôlaient pas et qui, pourtant, étaient les siens. La gamine était encore vierge de toute expérience qui dépassait les ententes et les actes qu'on lui demandait de réaliser, un corps encore pur et immaculé, seul son esprit demeurait torturé et sali.


Voilà que la gamine se retrouvait de nouveau entre des murs qui lui étaient inconnus. Tandis que son langage corporel dégageait un sentiment d'habitude et d'envie, son esprit lui, contredisait tout ce que l'on pouvait voir. Là voilà qui avait revêtue l'allure d'une femme attentionnée et réservée, bien différente de la personnalité qui l'avait habitée hier et de celle qui l'habiterait demain. Ses yeux vinrent se plonger dans ceux de l'homme qu'elle allait devoir divertir ce soir-là. Un parmi tant d'autres. Le bleu de ses yeux étaient un détails qui ne lui avait pas échappé, si bien qu'elle su le reconnaître directement lorsqu'elle croisa son regard pour la seconde fois. Et c'était Clysée, la vraie, la dissimulée, qui avait réussi à l'identifier. Le fait était que son regard lui disait quelque chose sans que pour autant, elle ne soit capable de mettre un nom sur ces traits particuliers. Nombreux étaient les clients, nombreux étaient ses clients, mais elle était parfois capable de se rappeler de quelques uns, ceux qui avaient vraiment su marquer son esprit, le vrai, le sien. Puis, ses iris parcoururent l'appartement qui les entouraient. Ses doigts se baladèrent sur les quelques meubles qui venaient décorer ces quatre murs si signifiants. L'homme vint l'inviter à s'asseoir et elle s'exécuta bien rapidement. Ses jambes vinrent se croiser tandis que, de ses mains, elle vint couvrir ses jambes dénudées que sa robe beaucoup trop courte peinait à couvrir. L'homme vint s'asseoir en face d'elle tandis qu'un sourire narquois se dessina sur ses lèvres peintes de rouge. Clysée voyait les yeux de l'homme se poser sur elle avec curiosité et incompréhension, comme si il pouvait réussir à tout comprendre juste en posant se regard sur son corps. « Qu'en est-il de cette femme aux rires flamboyants que j'ai rencontrée la dernière fois ? » les sourcils de la jeune femme vinrent se plisser tandis qu'un sourire nerveux vint élargir ses lippes. Ses yeux divaguaient parfois, allant de l'homme à tout ce qui pouvait les entourer ; cependant, il semblait difficile de se concentrer sur quelque chose, ou de montrer un quelconque intérêt. Ce qu'il disait lui semblait signifiant et pourtant, c'était comme si cela n'avait aucun sens. Lorsqu'une personnalité spécifique l'habitait, il était presque impossible pour elle de se rendre compte que ce n'était pas vraiment elle. Lorsqu'elle était manipulée, toute trace de ses autres vies, et de sa vraie, semblait volatilisée, inexistante. Tout ce qui comptait pour Clysée lorsqu'elle n'était plus elle-même, n'était que ce pour quoi elle était programmée, tout le reste lui semblait insignifiant, inutile, comme si il n'existait plus. Des paroles s'échangèrent tandis que Clysée restait fidèle au personnage qu'on lui avait assigné, comme si cette personnalité était vraiment sienne. Cette identité s'accrochait aux tissus sa personne si fort qu'elle était incapable de s'en défaire, il fallait parfois des heures pour qu'elle se retrouve enfin, et parfois encore, seule la visite du Mêlé qui lui avait infligé ce changement était le remède. Clysée n'était finalement qu'une enveloppe charnelle que l'on s'amusait à dénaturer à souhait. (...)
Ce fut un courant d'air frais caressant ses épaules dénudées qui la tira d'un sommeil plus profond qu'elle ne l'aurait normalement souhaitée. Clysée eu du mal à ouvrir les yeux, et quand elle en fut capable, la pénombre semblait s'être emparée de tout ce qui pouvait l'entourer. Lorsque ses iris s'habituèrent enfin à cette obscurité, ses pupilles s'empressèrent de parcourir tout ce qui pouvait l'entourer. Un simple lit, des meubles basiques et un corps, allongé non loin du sien, qui lui était inconnu. Son premier instinct fu de vérifier qu'elle était toujours habillée, et c'était le cas. Un soupir s'extirpa de ses lèvres entrouvertes tandis que de nouveau, son regard vint se poser sur l'homme qui lui semblait profondément endormi. Cette nuit n'était que le reflet de toutes celles que Clysée avait endurées, basique copie de ce qu'allait être le reste de sa vie. La gamine vint poser son dos contre le mur froid et un frisson parcouru son échine. Elle vint involontairement poser ses pupilles sur ses poignets abîmés et, de ses doigts, elle vint caresser les cicatrices qui les ornaient. Nombreuses avaient été les fois où l'enfant avait essayé de mettre fin à ses jours, et jamais elle ne fut capable d'arriver à ses fins. Clysée ne supportait pas la vie à laquelle elle avait été soumise, l'idée qu'elle ne pourrait plus jamais être maître de son corps et de ses décisions. La mort lui semblait être paisible, douce, vide, sienne, seule décision qu'elle aurait été capable de prendre de son plein grès. Une larme s'écoula sur sa joue tandis qu'elle vint se blottir contre les draps du lits. Sans qu'elle ne le veuille vraiment, ce fut grâce à ses pleurs qu'elle trouva le sommeil, seul moment de lucidité dont elle fut incapable de profiter.