Elle lui en voulait, Ariane. Non pas d’avoir demandé la couronne d’Eartenara, mais de lui avoir caché sa relation avec Cal. Elle savait qu’Adonis couchait avec qui il voulait, mais elle ne se doutait pas qu’il était tombé amoureux du prince des flammes. Ils n’avaient jamais été très proches, certes, alors pourquoi lui aurait-il avoué une chose pareille ? Néanmoins, elle ne s’en sentait pas moins blessée.  Blessée par son frère et dans son amour propre. Comment avait-elle pu ne pas le voir ? D’un pas certain, elle avançait vers les cachots pour voir son frère, enfermée à cause de son ambition. Ariane le maudissait d’avoir précipité les choses de la sorte, elle le maudissait de ne pas lui en avoir parlé avant et surtout, elle se maudissait elle de ne pouvoir rien faire pour le sortir de là. Elle avait essayé, mais rien n’avait changé. Pour l’instant, elle voulait simplement le voir et simplement lui parler, car il lui manquait. Elle l’aimait, son frère, bien plus que ce qu’elle ne laissait paraître. Lorsqu’elle arrivait aux cachots, elle le trouvait allongé sur le ventre, comme à son habitude. Un sourire nostalgique naissait sur ses lèvres en le voyant dans cette position. Doucement, elle prenait une chaise pour s’asseoir devant sa cellule. « Adonis.. Adonis.. » L’appelait-elle pour le réveiller. Sa voix était douce, presque maternelle. Il ouvrait ses yeux cernés et plongeait ses prunelles dans les siennes. « Si seulement ce rêve pouvait être une réalité. » Elle lui adressait un regard compatissant, comme si elle voulait le rassurer. Seulement, elle savait ce qui l’attendait, tout comme lui-même le savait. Il allait être tué pour ce qu’il avait fait. Le voir s’agenouiller devant elle l’embarrassait, mais surtout, cela l’attristait au plus haut point. Il était vraiment désespéré, six pieds sous terre, prêt à tout pour ne pas mourir. Ses sourcils se fronçaient. Non, elle ne le laisserait pas mourir. Quiconque s’en prendrait à lui le payerait de sa vie, telle était la promesse qu’elle souhaitait tenir. Elle repoussait la chaise et s’avançait encore plus près des barreaux. Elle jurait avoir entendu un garde lui dire de s’éloigner, mais ce dernier avait vite fermer son clapé en voyant son regard assassin. Lorsque ses prunelles ambrées se posaient à nouveau sur le visage de son frère, toute colère s’évaporait. « Je ne le laisserai pas faire, ni lui, ni personne d’autres. » Elle passait la main dans ses cheveux en admirant le moindre détails de son visage, comme si c’était la dernière fois qu’elle le voyait. Certes, il l’avait trahi, mais il était aussi son frère. Et elle, n’était-elle pas prête à en faire autant pour la démocratie qu’elle envisageait ? Ariane était quelqu’un de doux, de compréhensif et elle savait que son frère était prêt à tout pour la couronne. Mais Adonis était comme ça et elle ne pourrait jamais le changer, elle l’avait accepté. « J’ai essayé de te faire sortir, vraiment Adonis. J’ai tout fait mais.. » Sa voix se brisait. Elle ne pouvait pas formuler son échec à haute voix. Elle détournait les yeux un instant. « Tiens, je t’ai apporté ça. » En arrivant, elle n’avait pu s’empêcher de remarquer qu’il avait les joues creusées, il devait surement être affamé. Discrètement, elle sortait un en-cas et lui tendait. « Manges, ça te fera du bien. » Quitte à ne pas le faire sortir tout de suite, elle pouvait au moins rendre son affreux séjour plus agréable.

Ses prunelles ambrées n’exprimaient aucune pitié, simplement une tristesse infinie. Ariane avait beaucoup de peine à voir son frère dans cet état, cerné et amaigri. Lorsque ses yeux s’embuèrent de larmes, son cœur se brisait en mille morceaux. Par les Septs, qu’est-ce qu’elle n’aimait pas voir Adonis dans cet état. Elle n’avait pu s’empêcher de lui amener un de ses gâteaux favoris de Greenstall, sachant pertinemment qu’il ne refuserait pas. Il était fier, Adonis, mais pas au point de refuser de la nourriture alors qu’il était affamé. Ce dernier lui rendit la moitié du gâteau, lui demandant de le donner à Aléa. Ariane acquiesçait. « Je passerai la voir en repartant. » La mêlée et elle n’avait jamais été très proches et ses derniers temps, leurs rapports étaient plutôt tendus. Leur dernière conversation remontait à il y a quelques semaines, au moment où Aléa avait clairement fait comprendre à Ariane qu’elle voyait clair dans son jeu et qu’elle n’était pas aussi innocente qu’elle voulait bien le faire croire. Et malgré ses réticences, elle ira la voir. Parce-qu’elle tient à Adonis et qu’Adonis tient à Aléa. Ses iris regardaient son frère manger le gâteau, le savourer. « J’ai déjà fait tout ce que je pouvais, et Eros aussi. » Ses lèvres se pincent. Qu’est-ce qu’elle s’en veut de laisser son frère croupir en prison. « Je suis vraiment désolée, Adonis. » Ses yeux sont mouillées, mais elle ne pleure pas. Elle est ne veut pas pleurer devant lui. Elle allait bien, Ariane. Elle allait vivre. Adonis allait surement mourir, c’était à lui de pleurer et non à elle. Comme toujours, elle voulait se montrer forte et invincible, mais envisager la mort de son frère la rendait bien plus vulnérable qu’elle ne voulait l’admettre. . « Mais tu ne peux pas me demander de faire ça. Jusqu’à la dernière seconde, on tentera de trouver une solution et on trouvera. » Il y a peu de conviction dans ses paroles, qui sont plus pour la rassurer elle que lui. Elle a peur, peur de le perdre à tout jamais comme elle a perdu Isaiah. La Griffith sourit en voyant Adonis prendre un second biscuit. Il le savoure comme si c’était son dernier repas. « De rien. Tu as besoin d’autres choses ? » De l’eau ou d’autres biscuits ? N’importe quoi ? Ariane aurait pu déplacer des montagnes s’il en avait besoin, histoire que ses derniers instants lui soient agréables.

Ariane avait tout essayé, elle avait tout fait pour sortir son frère de prison et elle n’avait pas réussi. La brune vivait très mal cet échec et ne comptait pas laisser tomber. Elle était déterminée, Ariane, et rien ne pouvait l’arrêter. Néansmoins, elle ne pouvait s’empêcher de laisser quelques larmes coulaient le long de ses joues, voyant l’état dans lequel était son frère et aussi, parce-qu’elle s’en voulait de ne pouvoir rien faire. Elle était désespérée, elle aurait fait n’importe quoi pour l’aider à sortir de cette foutue prison, même si leur relation n’était pas parfaite et qu’Adonis n’avait cessé de la repoussée depuis des années. Ariane serait toujours là pour son frère, même si ce dernier n’était pas d’accord.  « On ne finira pas dans une cellule, je te le promets. Nous sommes prudents, nous sommes des Griffith. » Et les Griffith s’en sortent toujours, voilà ce qu’elle avait envie de dire. Elle souhaitait faire comprendre à son frère qu’il allait s’en sortir, qu’elle trouverait une solution pour le faire sortir de là. Et même si ce n’était pas elle qui le délivrait, il finirait par sortir de là tôt ou tard.  « Cal est moins dangereux qu’il n’en a l’air, et puis, je sais le gérer. » Elle ne prétendait pas savoir le gérer mieux que son frère, vu la relation qu’ils vivaient avant son emprisonnement, mais elle le connaissait par cœur. Ils avaient été amis, très proches pendant un temps et elle savait comment lui parler.  Un sourire apparaît sur ses lèvres, pensant à la réaction d’Adonis s’il apprenait ce qu’il s’était passé entre eux peu de temps après la mort d’Isaiah. « Enfin, je ne prétends pas le connaître mieux que toi, mais disons que je le connais sous un autre jour. » Façon indirecte de dire à son frère qu’elle ne lui en voulait pas, qu’il était libre d’avoir la relation qu’il souhaitait avec qui il voulait, même si c’était un homme. Ariane était ouverte d’esprit, contrairement à beaucoup de maitres et mêlés ici. Elle regardait son frère poser son front contre les barreaux, l’air désespéré et les paroles qui suivirent donnèrent l’impression à Ariane de se sentir pousser des ailes. Son frère, qui n’avait jamais voulu qu’elle ait la couronne, lui demander de récupérer la nation qu’il n’avait jamais voulu lui confier. « Nous allons récupérer Eartanera, et tu seras avec nous, Adonis. On le fera tous ensemble. » Elle lui caresse la joue, le regarde une dernière fois pour imprimer son visage dans sa mémoire et se relève. « Je dois partir, père m’attends. Et je dois passer voir Aléa avant de le rejoindre. » Elle lui adresse un dernier sourire, dans l’espoir de le réconforter et lui tourne le dos pour s’en aller. Et puis, elle s’arrête et soupire. Elle tourne la tête une dernière fois vers son frère, les yeux commençant à s’embuer de larmes. « Je t’aime Adonis. » Et puis elle repart, ses talons claquant sur le sol et donnant du rythme à sa démarche princière.

THE END.