Isaure Oshun. La princesse avait éveillé sa curiosité dès lors qu'elle avait prêté attention aux rumeurs qui circulaient, parfois contradictoires, parfois prétentieuses, toujours fondées sur le spectre d'une vérité alléchante. Enfant divergente, étoile contraire noyée dans une mer d'astres menaçants, maculée de la crasse indélébile de ces années sombres que la mêlée avait reconstituées pièce par pièce, la fille Oshun se distinguait de sa fratrie – autant par le dévouement de sa brute de frère que par le scandale d'un passé aussi consternant que divertissant. Oh, s'aventurer dans les appartements de l'engeance de l'impératrice était un jeu risqué, mais ses mains malintentionnées étaient trop avides de secrets pour ne pas s'obstiner à creuser et creuser, jusqu'à trouver. Perchée sur ses vertigineux talons, abandonnant une discrétion de rigueur pour l'audace claquante qui la caractérisait si bien, l'assassin parcourait les couloirs comme s'ils étaient siens. Elle pariait, l'insolente, pariait sur cette confiance qui transpirait du moindre de ses pores, ce rôle qu'elle endossait à la perfection, celui d'une femme qui vivait entre ces murs et qui s'était élancée tant de fois dans ces couloirs qu'ils portaient encore la trace de ses pas.

Alors même qu'elle virait à droite, à peine à quelques dizaines de foulées encore de l'appartement d'Isaure, elle lui parvint, sonore. La cavalcade d'une proie que l'on pourchassait à grand renfort de cris inutiles. Le réflexe de la brunette fut fulgurant ; à peine le fuyard passa à côté d'elle qu'elle frôla sa carne d'une dextre foudroyante – il s'affaissa dans la seconde, et la Norhalis ne put empêcher un petit sourire satisfait d'étirer ses lippes lorsque celle qui avait donné l'alerte arriva jusqu'à elle. « et bien, on dirait que quelqu'un va m'être redevable » susurra t-elle, dévisageant de haut en bas la jolie rouquine plantée devant elle. Une servante, selon sa tenue – un gâchis, selon la mêlée. Lorsque l'on avait pour soi cette beauté candide, on pouvait convaincre n'importe qui de faire n'importe quoi, et la diablesse lui aurait appris avec grand plaisir l'usage fallacieux de ses charmes si ç'avait été le moment pour. « ma débitrice aurait-elle un nom ? » questionna t-elle, malicieuse, avant de se rapprocher de la rousse. C'était bien ça, l'unique raison qui motivait les actes de la brunette ; faire une faveur pour en réclamer d'autres, enchaîner à elle ses obligés jusqu'à leur trouver une utilité avantageuse. « je t'en prie, je suis sûre qu'il possède quelque chose qui t'appartiens, pour que tu le poursuive avec tant de ferveur » fit-elle, un brin moqueuse, en s'écartant légèrement, désignant d'un geste large la carcasse inconsciente de l'intrus. Elle désirait juste savoir ce que l'espion avait bien pu dérober dans les appartements d'Oshun, et plutôt qu'à chercher elle-même ce que l'autre mêlée devait sans doute savoir où trouver, elle la laissait faire de bonne grâce, prête à suivre le moindre de ses mouvements de son œil inquisiteur.

« intéressant » qu'elle commente, souriante, lorsque la mêlée se présente. Elle y voit l'occasion de laisser tomber ses fouilles, d'abandonner la labeur de recherches qui, peut-être, n'auraient pas été fructueuses. Le titre que s'octroie la mêlée est bien plus alléchant que ce que la Norhalis avait préalablement prévu ; il amène avec lui son lot de secrets, de discussions murmurées à l'orée d'oreilles indiscrètes. Un raccourci que la jaune ne se ferait pas prier d'emprunter. Aussi se retint-elle d'émettre un léger rire lorsque la Lankford la remercie, se contentant d'un rictus affreusement sarcastique ; comme si elle avait la moindre chance de s'en tirer aussi facilement. Calmement, la diablesse observe le manège de son interlocutrice, qui récupère vivement l'objet de tous ses tourments pour le dissimuler dans l'une de ses poches, espérant sans doute tourner les talons avec. D'une naïveté presque touchante, la rouquine n'a évidemment pas la moindre petite idée de ce qu'est la femme en face d'elle. Une démone tout droit sortie de l'outre-monde pour semer au cœur d'une terre malade ses indémodables tragédies. Elle est l'envie, l'orgueil, l'ombre dansante de milles petites vanités qu'entretiennent passionnément l'égo et l'ambition, la grâce profane de l'inconditionnelle liberté que détiennent ceux qui n'ont jamais vécu que pour eux. Elle est la débauche, élégante, provocante, chaotique & erratique ; entité dessinée de la main d'un ange et forgée dans le feu de l'enfer, dévouée à nulle autre qu'elle-même. Elle est le loup face à l'agneau. Et si jouer des apparences est pour elle d'une facilité étonnante, elle sent la méfiance suinter de tous les pores de la petite Svea. Qui pourrait l'en blâmer ? Pourtant, avant même que l'assassin n'affirme la nécessité d'une petite discussion entre filles, elle est interrompue par le tumulte d'une course lourde, appuyée par des dizaines de pas tambourinants. Des gardes. Qui feront leur apparition dans quelques minutes, pour découvrir l'étonnant spectacle de deux femmes causant au delà de la carcasse d'un intrus probablement mort, et demander des explications que la ténébreuse brune n'était pas d'humeur à leur fournir. Il lui faut à peine quelques secondes pour réagir ; elle agrippe la rouquine par le bras et l'entraîne derrière elle, poussant la première porte sur laquelle se porte son regard vif. Rapidement mais silencieusement, elle ferme la porte derrière elles, plaquant sans ménagement la Lankford contre le mur, sa paume contre ses lippes. « shhh » qu'elle siffle, concentrée sur le vacarme extérieur. Ses iris caféinés plongés dans ceux, clairs, de la rouge, elle retire sa main lentement, respirant la confiance. Elle est sûre d'elle, sûre que la mêlée ne sortira pas, car lorsque qu'elle avait coincé la rousse contre le mur, ses doigts agiles s'étaient glissés dans sa poche pour récupérer son précieux petit secret. Ainsi, chacune avait son moyen de pression ; Jaehaerys, le papier, Svea, le pouvoir de la foutre dans un beau pétrin avec la garde royale. « nous savons toutes les deux que si je lisais ce petit bout de papier, je n'y trouverais pas une liste de remèdes, Svea » qu'elle lâche, s'écartant de la mêlée de quelques pas, brandissant le-dit papier devant ses yeux. La rouquine n'aurait pas été aussi empressée de rattraper ce voleur, pas juste pour quelques vulgaires remèdes – elles le savent toutes les deux. « mais puisque nous sommes toutes les deux d'horribles petites menteuses, je suppose que ce ne sera pas difficile de trouver un terrain d'entente, mh ? » qu'elle laisse échapper dans un gloussement, avant de se laisser choir sur un fauteuil avoisinant, croisant ses jambes fuselées avec grâce. L'un de ses coudes repose sur un accoudoir, son poignet pendant avec paresse, le bout de papier coincé entre son index et son majeur – menace latente, implicite. « mais, je t'en prie, fais comme chez toi » qu'elle ajoute dans un demi-sourire, plongée dans le clair-obscur d'une lumière filtrée à travers les rideaux masquant la majorité des fenêtres.