Azur d’une vague s’implosant contre le rocher, ce mouvement perpétuel du chaos et la reconstruction, ce fluide si doux qui n’était fureur en ces temps de capharnaüm. Vaste tentative d’ordre dans ce désordre absolu, ce froid s’installant entre une famille désunie après le massacre. Perte de deux membres, famille incapable de s’en relever. Leader et gamin, ils héritaient d’un gamin leader à présent. Anwar. Ce prénom dont la furie l’entourant venait à l’exaspérer. Correspondance d’une enfant à jamais perdu dans le sang et les braises, sa propre maison perdue aux mains des barbares. Tête haute, chagrin latent, gamine dont le sort s’aggravait à une vitesse exponentielle. Unique fille d’une famille. Unique personne capable d’assurer la pérennité de son héritage. Fille dont la pureté du don lui offrait un embarras du choix. Impératrice répudiée pour sa mutation, gamine prenant conscience d’une valeur marchande. Inutile objet qu’elle devenait pour fomenter une alliance politique, vie à échanger pour satisfaire les desseins destructeurs de son aîné. Son estomac retourné, enfant incapable de rester plus longtemps nécessaire dans les quartiers de sa famille. Tout partait dans un chaos le plus parfait, lien solide s’effritant sous le désir de vengeance des hommes sorensen. Enfant qui n’avait fait que déambuler dans le palais, effrayée à chaque couloir de revivre cet épisode. Traumatisme ancrée dans son âme, cet être de positivisme ne devenant que pragmatisme. Sourire éteint à la seconde où son frère avait versé sa première perle carmin sur le sol familial. Oskar. Estomac contracté à ce simple prénom, cette rage contenue pour son propre bien, des larmes sèches depuis des jours. Barbares de Pollux se rapprochant du château, peur tacite d’une nouvelle invasion, peur de vivre son dernier jour. Cruel destin des dieux. N’était-elle donc que leurs pantins ? Leur jouet pour les amuser lorsque ces derniers en ressentaient l’envie. Destin fou qu’elle avait. Un mariage politique qui s’approchait plus rapidement qu’elle ne voulait. Un coeur destiné à une femme mariée. Sa famille implosant sous la vengeance. L’enseignement des aînés n’était plus. Pacifisme oublié lorsqu’on s’attaquait à leur héritage, gamine qui n’avait pas oublié ces leçons, celle prenant encore le temps de réfléchir plutôt qu’écouter son impulsivité. Prise de tête avec le chef de famille. Encore. Toujours. Titre autoproclamé par des lois archaïques, ce gamin belliqueux qui les conduira sûrement à leur déchéance. Perte future des Sorensen. L’affronter en privée pour ne rien laisser paraître de l’affront en public.

Robe s’assombrissant avec le deuil, couleurs plus dures contre son teint d’ivoire, ce bleu marine contrastant avec l’habituel blanc cassé. Enfant qui n’était plus. Enfance embrasé par les crimes de l’armée de pollux. Innocence perdue ce jour précis. Une peur sans nom venant s’implanter dans son être. Difficulté pour fermer l’oeil, l’image constante d’un frère en agonie venant faire écho. Oubli difficile. Un monde s’écroulant pour ne plus être sien, cette puissance ressentie auparavant ne devenant que faiblesse. Regard de l’enfant perdue dans la marre de sang. Être céleste perdant chaque plume, tombant comme un oiseau blessé pour se réfugier dans le palais de l’eau. Demeure de fortune en attendant la prochaine décision, demeure devenant presque sienne grâce à sa reine. Enième dispute sur un héritage perdu dans la rancoeur. Enième mot blessant. Enième fois que la jeune femme partait en trombe. Sa crinière d’or s’emmêlant sous la douce brise marine, une larme versée. Unique perle salée tombant sur le tissu de sa robe. Personne pour la prendre au sérieux, incapable de voir un autre point de vue que le leur. Femme invisible dans des décisions qui l’impliquaient. Croissants de lune s’ancrant sur l’ivoire de son épiderme, paume de main meurtrie par la colère. Eau furieuse, communion de son élément avec la colère l’animant. Inutile. Incapable. Pathétique. Gamine. Naïve. Mots en boucle dans son esprit, orbes azurées se formant sous son simple commandement. Elle voulait blesser. Il avait raison. Elle était pathétique, révulsée par l’idée de blesser son prochain. Ses ongles embrasant ses paumes de main, orbes fluides implosant pour retourner à leur origine. Colère grondante et pourtant incapable de la diriger vers l’auteur. Incapable de se mettre sa propre famille à dos et pourtant une désunion évidente avec la distance dont son cousin faisait preuve, l’aîné qui la mettait hors d’elle. Seule contre tous, ses parents se rangeant de l’avis du chef de famille, un père incapable de réclamer un leadership qui devrait lui revenir, quarantenaire se faisant diriger par un simple gamin. Ridicule situation. L’âme en paix de savoir que son unique frère ne vit plus pour assister au chaos d’une famille.