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Evodia l'électron libre.
Aux souvenirs nuancés.
Des émotions aux milles teintes d'ivoire. Des sentiments aux couleurs pastels. Des sensations au parfum sensible. Evodia. Cette gamine perdue entre les parcelles de son existence.

Éclats de rire. Le temps de quelques instants. Enfant couvée, enfant heureuse dans les abysses d’Eartanera. Des pas indécis sur les sentiers d’un retour imminent. Petites scandales qui piétinent ce bitume brûlant, victime du courroux d’un soleil impérial. Délice de l’âme, douceur candide sur les traits de cette princesse. Comme si les astres avaient semé en elle, une clémence innée. Légère fossette qui fend sa joue potelée et pupilles qui idéalisent ce firmament d’un azur parsemé de quelques couches nuageuses, rappelant l’écume de la mer. Et ses géniteurs lui déposent une sérénité certaine. Etre dont le sang bouillonne de curiosité et d’ambitions. Elle, l’enfant du désert, dont les aspirations se limitent à ce rôle privilégié. Ce statut impossible qu’être princesse. Femme de pouvoir. Et femme d’élégance. Deux atouts qu’elle disposera certainement mais le sang souillé fanera son cœur et ce rêve utopique brisera ses os. Pourtant ils laissent son esprit dérivé, douce fleur sensible qu’il ne faut pas chiffonner, puis songes indomptables peut-être envisagés par eux-mêmes. Les rues étroites laissent place à de plus grandes artères et la gamine se faufile et file à travers la foule. Tel qu’une forêt humaine, les arbres sont les jambes et la cime le visage. Mais dans tout ça, l’enfant perd la trace. Recule et bouscule, jusqu’à être prisonnières d’une ruelle ésotérique pour ce regard lumière. Ses parents s’inquiètent de ne plus apercevoir cette archange à l’horizon. Poupée de porcelaine trop fragile encore pour ce monde. Ses membres tremblent. Un frisson rampe le long de ses bras, glisse sur son échine. Tandis que l’ombre de deux silhouettes se modèle sur les façades abîmées, la petite pousse un soupir d’une élégance modérée. Soulagée de savoir ses parents prêts. Or, ce n’était qu’une illusion enfantine. Dupée par la peur d’une vérité effrayante. Les pupilles qui détaillent cette pénombre rougeâtre alors que son palpitant trop abrasif martèle ses côtés. Un râle qui déchire sa trachée à l’approche, trahissant une panique effrénée. Le contrôle oublié, les paupières se ferment, comme si ce n’était qu’un délire éphémère imaginé par cette phobie du néant. Et dans un geste mécanique, ces mains gigotent devant elle. Grouillant d’une sensation curieuse. Des étincelles. Des falots galopants. Un halo d’éclat jaune qui virevolte tel que des arabesques gigantesques. D’une main, la gamine éclaire la terreur sur les visages cramoisies. Les regards pourris par des pensées dépravées effrayés par ce souvenir. « Evodia. » Au milieu de ce maelstrom, de ce requiem dissonant provoqué par les derniers éclairs fidèles, elle était là. La tête dans les bras, le corps qui tremble. Les perles qui caressent les joues éraflées par la crainte. Enfin le palpitant s’apaise dans un rythme d’incompréhension. La peur s’envole ; ils étaient là.
Respire.  

Vivre les malheurs d’avance, c’est les subir deux fois. Pupilles dispersées à travers ces fragments de pensées. Reflet dénudé de toute lueur vital alors que ses iris fixaient la porte. Douce agonie. Attente indéfinie. Et le souffle saccadé, elle patiente. Le visage au sein de ses genoux repliés. La douleur dans la cage thoracique qui lui tord le ventre. La nostalgie à la pulpe de ses doigts, elle caresse délicatement sa chair. Comme une façon de se rassurer. L’air est lourd pour ses poumons fébriles. Elle le sent, toxicité rampante qui lui glisse contre l’épiderme, qui lèche sa trachée de ses flammes ardentes. La corrosion du vice qui grimpe dans les veines, ne fait plus avec l’hémoglobine carmine. Elle est rongée.  Et les hurlements qui parviennent tels que des trémolos dans le crâne, ne cessent les tremblements incessants de la gamine. Elle pleure. Dans un silence âcre, elle laisse l’émotion l’envahir. Déjà, de la jalousie. De la rancœur. De la colère. Mais aucun éclat de lumière. Maman souffrait. Mal incompris par l’enfant à l’innocence aux bords des lèvres. La porte s’ouvre et laisse échapper une cohorte assourdissante. La jeune fille lève le menton, le regard qui se faufile jusqu’à la profondeur des prunelles de son paternel. Elle demeura assise jusqu’à ce que l’insistance visuelle du père faiblisse. « Evodia. » pria-t-il. Formule intolérable. D’un coup tous les oripeaux de fausse rancœur s’évaporèrent avec l’envie incessante de revoir sa mère. D’un pas las, elle s’introduit dans la chambre pour y voir maman. Mais elle n’était pas seule. Voulant se dérober de cet attendrissement naturel, elle ne s’approcha pas. Un seul regard suffit à la jeune fille pour se sentir consumer d’un feu puissant qui rongeait le creux de ses côtes.
Feyre.

Larmes indéfinies. Tristesse qui borde la mélancolie du cœur. Elle a mal. Le sang lui chauffe les joues et ses pupilles ne quittent plus cette peluche, devenue chiffon que papa lui avait offert. Papa. Il n’était plus là. Un vide qui lui fend le cœur. Une absence qui lui brise les esprits. Et cette présence dissonante, sans cesse dans ses pensées. Comme si chaque fois, elle y pénétrait pour chercher les profonds secrets. Reflet d’une vérité pure, il n’y avait rien. Juste quelques parcelles de mépris à son égard. A Feyre. Alors qu’elle tente de se consoler. Une nouvelle, bourdonnement. L’esprit lutte. Se débat. Puis se noie. Essoufflée par cette force. Pourtant les étincelles qui quittent les mains, blessantes et zèles, ne parviennent pas à la cible tant la maîtrise est incomplète. Alors elle agît comme toujours. Des mots, des hurlements assassins. Des cris transperçant et répétés jusqu’à l’abdication. Et maman qui glisse sa main contre son échine. Mouvements de caresse réconfortante alors que le corps tremble. Toujours après ses inquisitions malsaines.  « Calme toi, Evodia, ce n’est rien. » Mais c’était tout. Sous le sceau de la fatalité, enfant persuadée que ses malheurs sont inévitables, que toute cette souffrance pesant sur son cœur fait partie d’elle. Elle ne peut l’abandonner. Comme un poids mort sur son âme. Qu’elle se doit d’emporter avec elle vers son chemin, vers les étoiles. Elle se dit que tout a une raison, que la moindre de ses larmes sont justifiées, que c’est ainsi. Et qu’elle doit vivre avec. Lutte impossible. Force éphémère. Elle tente. Elle se débat. Se noie. Fatalement. Pourtant, elle attend. Dans un coin de son cœur, qu’une main vienne la sauver, se tendre vers elle, la délivrer de son éternelle suffocation. Elle attend que quelqu’un s’approche d’elle et lui murmure,
respire.

Son regard se perdit dans l'espace et un sourire âcre vint à ses lèvres, froid et acerbe la fois. Comme si ses yeux, perçant les brumes de l'avenir, avaient soudain vu cette confuse aspiration.
Sa mort.