Saeko,

Où que tu sois au moment où tu liras ces mots, j’espère de tout cœur que tu vas bien et que tu es en sécurité, ou du moins autant que tu peux l’être en ces temps difficiles. En dépit de ce qu’il s’est passé entre nous dernièrement, sache que mon opinion de toi n’a en rien été altérée. Tu ne m’aimes pas de la manière dont je t’aime toujours, mais cela ne change en rien mon ressenti vis-à-vis de toi. Je pensais ce que je t’ai dis lors de nos retrouvailles, moment qui me semble à la fois être infiniment proche et lointain. Je crois en toi. Je crois en toi depuis que j’ai posé les yeux sur toi et ça n’a jamais changé. Rien ni personne ne pourrait changer ça.

Malgré cela, je ne t’envoie pas cette lettre pour préparer mon trajet jusqu’à chez toi. L’envie ne me manque pas de te rejoindre, mais je m’en sais franchement incapable. Où que tu sois, tu es avec lui et il me faut du temps pour faire le deuil de ce qu’il y a eut entre nous il y a bien longtemps. Je déteste l’idée de t’abandonner, mais je me console avec la certitude que quelqu’un est présent pour veiller sur toi (non pas que tu aies besoin de qui que ce soit pour cela, tu es très certainement plus forte que tous ceux qui se prétendent capable de t’offrir la moindre forme de protection). Même si cette personne est Idriss. Idriss que j’espère apprendre un jour à connaître en des temps plus faciles, quand ma rancœur sera consumée par les biens faits du temps. Idriss dont je sais qu’il fera toujours tout pour assurer ta sécurité, au péril de sa propre vie.

Quant à moi, ma place est avec ma famille, ou du moins ce qu’il en reste. Je dois apprendre à dompter les facettes les plus sombres de ma personnalité au risque de me perdre dans le processus. Mon don est une malédiction qu’il me faut apprendre à muer en force pour pouvoir en user si ma vie se voyait menacée. Ma cousine peut m’y aider et j’ai l’intention de le lui demander.

Au moment où je t’écris, je n’ai absolument aucune idée de ce de quoi demain sera fait. L'avenir ne m’a jamais paru aussi incertain. Nous pourrions tout aussi bien mourir demain, laissant derrière nous ce monde qui nous a pris autant qu’il nous a donné.

Quoiqu’il en soit, je n’ai aucun regret. Je ne regrette pas de t’avoir aimée. Je ne regrette pas de t’aimer toujours. Cette peine exige d’être ressentie. De cette douleur finira par émerger quelque chose de plus grand et de plus beau. C’est ce que je me répète inlassablement à chaque fois que mes pensées dévient vers toi.

Quoique tu fasses, sois prudente et prends bien soin de toi.

Avec toute mon affection,
Hyppolite.