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Rien qu'un petit être. Rien qu'un nouveau-né. Rien qu'un être parmi tant d'autres ramené dans le bâtiment. De ses yeux pas encore bien éveillés, le petit garçon ne se rappellera de plus rien. Il ne se rappellera plus jamais de ce moment où il est arrivé à l’orphelinat. Comme plus personne ne se rappellera de lui quand il disparaîtra. Bien trop petit pour comprendre le monde. Mais déjà bien trop grand pour faire partie de ce genre de personne. De ceux qui ne sont que de passage dans le monde. De ceux qui ne marqueront rien, de ceux qui ne figureront jamais dans un livre racontant le passé. Il n'en laisserait même pas un témoignage. Pour quoi faire ? Parler de sa vie misérable ? Témoigner de la politique actuelle ? Confirmer sa haine des maîtres et de cette hiérarchie ? Trop peu pour lui. L'homme est homme d'action. L'homme n'est absolument pas homme de lettres. Sa vie bien trop courte, ce serait une perte de temps.  

Gamin modèle. Gamin qui se surpasse. Petit garçon qui fait tout pour, parce qu'on lui a promis. On lui a promis la récompense. Être sage contre la récompense. Ah de belles enflures. Cette récompense. Cette soi-disant récompense. Ce personnel de l'établissement. Conneries. Ça n'a jamais marché. Être gentil, ça n'a pas ramené ses parents. Et ça ne lui a pas non plus amené de nouveaux parents. Non, parce qu'il n'était sans doute pas parfait. Sans doute parce qu'il ne faisait pas correctement son lit. Sans doute parce qu'il pleurait un peu trop souvent. Sans doute parce qu'il se faisait gronder quelques fois. Pas beaucoup, mais ça suffisait, selon eux. Eux, ces gens qui s'occupaient des autres enfants et lui. Mais tout ça, c'était juste une grande connerie. Juste un moyen pour eux d'avoir la paix, d'avoir de l'autorité. Faire croire que s'il se comportait bien, quelqu'un viendrait le chercher. Que s'il se comportait mal, c'était la raison de pourquoi il avait été misérablement abandonné, de la même manière qu'un clébard.

Gamin soumis, gamin à l'écoute, devenu tout autre gamin aujourd'hui. Devenu ce gamin rebelle. Ce gamin en colère, ce gamin envoyant tout balader. Autorité. Amitié. Amour. Compassion. Pitié. Envoyer tout balader pour ne recevoir ce qu'il désire. Ouais, faire ce qu'il désire, c'est le pied. Être maître de lui-même. Douce ironie pour un mêlé. L'homme refoule l'autorité du maître, de la maîtresse. Il refoule cette hiérarchie des classes. L'homme est son seul maître, sa propre autorité. Il suit son propre chemin. Ses propres convictions, envoyant valser celle des autres. Gamin devenu ainsi à cause de gamins comme ça. Les durs de l'orphelinat, ces connards. Ceux qui l'ont poussé dans ce puits. Comme un super-héros au masque noir de chauve-souris, l'enfant est tombé dans le puits et a été tiré de là, bien plus longtemps que dans cet imaginaire. Gamin traumatisé quand il a été retrouvé. Gamin mal-en-point. Mais surtout, gamin furieux et violent.  

Quelle horreur. L'homme n'avait pas envie. Ca se voyait si bien sur son visage. Il avait traîné les pieds jusqu'ici. Par obligation. Parce qu'il ne pouvait pas y échapper. C'était l'ordre. C'était la logique des choses. Enfin, ce n'était pas sa logique à lui mais aux êtres supérieurs à lui. Ces gens qui se prenaient ainsi, supérieur à sa personne, à son type de personne. C'était le mêlé. Mais même en temps que mêlé, l'homme ne se gênerait pas pour lui faire savoir à elle, sa future. Son maître. Et l'homme était tombé de bien haut, face à celle qui lui avait été choisi. Thae Yinren. Doux cauchemar. Terrible enfer d'être associé à cette fille, fille d'une famille si bien placée sur la chaîne. Sa mission était claire, protéger la fille. Difficile mission, bien contraire à lui. C'est un lien tout aussi difficile qu'il a eu avec elle. Et l'homme lui a sans aucune doute bien fait savoir au moment de la cérémonie. A ce moment où il a pris sa main. Encore plus au moment où il l'a étreint. Là tout contre lui, il a serré. Bien fort. Bien plus fort que nécessaire mais avec subtilité, d'un seul coup. Une pression qui n'a duré que quelques secondes, une ou deux. Puis, il ne lui a plus accordé le moindre regard. Pratiquement plus, pendant ses deux jours où il a dû rester près d'elle pour achever le processus. Il était condamné à supporter la vermine, la Thea. Parce oui, c'est bien ainsi qu'il la considère, comme de la vermine. Un truc qui est entré en lui. Un parasite. Il s'y habitue à lui, à Thea, dans sa tête. Et toute son aversion ne fait que se confirmer quand il découvre tout. La princesse est une traîtresse. C'est une découverte après l'avoir entendu, analyser. Mais pas tellement une surprise. C'est juste une chose dont il ne veut pas avoir affaire. Son combat n'est pas le sien. Non, il ne sera pas ce pion. Et pourtant, l'homme craint. Il finit par craindre ce lien qui les unit, parce que si elle tombe, il tombe aussi l'égoïste. C'est plutôt elle l'égoïste, de l'embarquer de ce jeu mortel, dans cette guerre de la résistance contre le pouvoir en place. Au final, l'homme n'a pas hésité une seule seconde à s'enfuir quand le virus les a touché. S'enfuir loin d'elle.

Frapper. Encore. Et encore. Avec force. Avec rage. Avec tant de besoins. C'est le besoin d'évacuer toute cette rage. Tout ce qu'il retient au fond de lui. Frapper sur lui, l'autre. Frapper à mains nues. Écorcher ses mains. Ressentir cette aimante douleur sur ses phalanges craquelées et ensanglantées. Frapper sur son corps. Un endroit, puis un autre. Puis l'endroit précis. Le crâne. La tempe. Encore et encore. Le craquèlement. La fissure intérieure. Voir le corps partir, l'âme s'envoler. Ressentir le dernier souffle, le faible. Celui qui annonce la fin. Celui qui annonce la défaite du défunt. Celui qui annonce la victoire du meurtrier. C'est ça, frapper pour pouvoir ressentir ce truc d'après. L'étrange sentiment qui le gagne après chaque combat. Dans le trou, dans cet endroit malfamé. Ressentir cette sorte de drogue, cette adrénaline. Celle qui vient surpasser une quelconque honte qu'il pourrait y avoir. Une quelconque peine. Un immense regret. Mais nan, l'homme, ce grand blond n'a jamais ressenti ça. Pas par rapport à ça en tout cas. Jamais. Ca n'arrivera jamais. Même pas quand il lâche le corps mort. Ce poids mort. Même pas quand il voit le corps se faire emmener. Même pas quand la foule hystérique le scande. Elle scande cet homme qu'on pensait foutu. Celui qu'on pensait suicidaire. Car c'est l'homme qui cache bien son jeu. C'est le sournois. L'homme aux attributs physiques qu'on ne soupçonne. L'homme qui se cache sous un visage qui parait bien tendre. Parce qu'il est là, l'héritage de ses parents. Quelque chose sur lui. C'est quelque chose de physique. Quelque part sur cette terre, ou sous terre, il y a ou avait quelqu'un à demi lui.  Lui ressemblant physiquement. Il y avait deux personnes qui avaient une part de lui. Ils avaient créé cet espèce de sanguinaire au visage d'ange.