âme houleuse
Fin septembre 2164.

La foule s'est est allée – cohorte tapage, reflux permanents d'âmes désireuses de ployer l'échine face à leur nouvelle reine. Ambition intime qui se réalisent, fierté de mère que de voir sa progéniture porter tiare avec autant de grâce, contagion amère. Aux abonnés absents, écho du nom de père, patriarche qui ne répond jamais lorsque l'enfant nouvellement femme a répété l'appel, soutien parental qui n'aura eu qu'une représentante unique. C'est qu'elle est solennelle, la Dynerris, qu'elle se tient droite, observe l'étrange ballet des infatués futurs, de ceux qui ne sont là que pour épier la nouvellement régente. Ceux qu'il faudra maîtriser par la force lorsque la rébellion se mettra à gronder, houleuse, que les cœurs océans se feront impétueux. L'ondine s'est assoupie, tous se sont retirés, petites mains silencieuses dont les pas rompaient à peine l’accalmie nouvelle s'était emparée du palais. Époques troubles jouant les remembrances caprices, présence fantôme qui se fraie un passage au dehors, pénètre l'habitacle huis-clos, voudrait se précipiter provoquer l'éveil, sonder les méninges de celle qu'il ne comprend pas reine. Doucette aux yeux trop grands, oiseau pépiant avec l'allégresse insouciante des jeunes années – il n'y a plus rien de ces temps abandonnés, lestés au large avec les espoirs fous des jeunes mariés. Corrosives, les vendettas conjugales, aussi persistantes que ces traits juvéniles qu'ils avaient tant appris à aimer. Fruits d'amours éteintes, ladite souveraine évoquait l'ultime fil rouge, de ces liens que rien ne peut rompre, à défaut de songer à ces noces qu'on ne rompait pas. Qu'on aurait dû rompre, sans doute, que certaines auraient adorées sépulcrales, en vain. A quoi bon s'appesantir en paperasses lorsqu'aucun ne vivait plus avec l'autre, lorsque le ménage était caduque, l'avait été dès la prononciation des vœux. Ce n'était plus un débat depuis des années, mais tout ce qu'on aurait voulu proférer restait en suspens, non-dits diablement destructeurs des mélancolies maniaques. Carcasse négligemment juchée sur le rebord d'une terrasse, soie mordue de quelques brises tardives, c'est un cadavre qui se consume entre ses lèvres, brasier baiser, chimère inconsistance qui se dissipe dans la nuit, sous le joug d'une lune assassine, reflets ocres.

Enjambées souples de celui qui visiblement a trouvé la sirène endormie, revient bredouille de son expédition, corsaire pacotille. Erratum venant trouver compagnie auprès de sa très légitimée bourgeoise, alter-ego salement impétueuse. Exhalaison nouvelle, reflux tabac alors qu'elle ne daigne pas même laisser errer les orbes sur sa carne, s'abandonnant plus volontiers à la dualité océane, orageuse et troublé dans sa quiétude nocturne. Ombre rougeoyante qu'on écrase sur la pierre, désintérêt mutin pour la chose, agacement circonspect que cette présence qui semble récurrente lorsqu'on aurait déjà tant de fois dû la balayer.

« C'est que tu nous fais honneur de ta présence, en voilà une regrettable surprise. Elle dormait déjà, n'est-ce pas ? »

Jamais là assez tôt. Jamais assez conscient de ses responsabilités parentales. Regard qu'elle consent enfin à lui accorder, tandis qu'à ses côtés il s'accoude. Détails qu'aucun ne manque, aurore vieillesse qui surgit au coin des yeux, ridules minimales qui trahissent la rotation des astres, les décades écoulées. Ne subsiste que la colère, l'ire profonde d'un orgueil outragé. Pas qu'elle lui en fasse encore payer le prix – il n'est plus temps de porter de tels fardeaux, elle les a condamnés il y a bien longtemps –, plutôt qu'il l'insupporte encore. Miraculée complicité, semblant de joutes dont aucun ne se délesterait, pas pour le moindre prix. Tendresse absconse. Maigre esquisse disparate qui étire les lèvres alors qu'elle effleure une pilosité faciale pour la moins vivace, appuie de l'ongle sur le front d'un époux et rabroue l'adolescent éternel. Parce que c'est à elle que revient cette engeance pour la moins désagréable. Dureté écume des orbes d'un bleu-gris retors, reproches qu'elle ne pense qu'à moitié. Elle n'a plus à tolérer ses états d'âmes, il a trop de fois perdu ce droit. Ainsi mord-elle, chienne de mère, pour mieux le faire réagir.

« Tu aurais dû venir plus tôt. Elle voulait que tu sois là, et tu étais encore on ne sait où à errer avec ton frère. Ce n'était pas un instant ordinaire, pas une représentation quelconque de ballet avec une enfant, mais le couronnement de ta fille unique. Et tu n'étais pas là. »

Conneries d'amours saturniennes.