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Le charbon s'affole sur le billet. Main tremblantes, le coeur s'échoue sur le papier pour laisser son encre noir. Noir fut le myocarde meurtris, car damnée fut son éther. Ovide pleurant sa Corinne, la lune le tenait à confesse, le vent unique chapelain du martyr. La silhouette se déplaça dans l'obscurité de la pièce afin que ses doigts retrouvent le clavier glacé. Noir et blanc. Le dextre effleura les notes d'une aubade manifeste. Chaque vibration du piano électrisait son âme et flanchait le coeur. Les paupières se closent. Mélodie lancinante, tantôt mélancolique tantôt audacieuse. Rictus apaisé sur le profil de l'éphèbe. Faveurs d'Apollon, les muses dansaient autour de l'aède, quémandant attention, mais l'esprit chaloupait auprès de ses souvenirs.
D'abord fut la pourriture de sa genèse.  Matrone abdiquée, main tendu vers les chaland pour quelques oboles. Roustes écopait-il s'il rapportait trop peu. Bambin traînant dans les échoppes, les bordels. Hypocoristique qu'il cherchait sans jamais la trouver. Nuitée qu'il passait à fantasmer sur une vie altérée. L'illusion d'un amour maternelle prenait son coeur tandis qu'il serrait son bout de lin contre sa poitrine. La vision fut entrecoupée de celle de sa sylphide virevoltant. L'étoffe de sa robe se soulevant au rythme de cette même aubade. Rire cristallin éclatant au milieu de la pièce. Le coeur se serra, une larme se fracassa sur les touches du clavier tandis que le dextre imperturbable maintenait la cadence.
Puis vint l'illusion salvatrice de son éducation. Rêveur fut-il sans l'ombre d'un doute. Baudelaire lettré à l'esprit vif, l'élève fut excellent bien que dissipé. Distrait par l'esprit volant au gré de ses fabulations qu'il griffonnait sur le dos de sa feuille tandis qu'une main s'en emparait afin de la lire devant les camarades. Âme à nue. On scanda son épithète peu reluisante. Exprimant la honte qu'il devrait ressentir à posséder un intellect si bien fait. Néanmoins une main salvatrice prit l'adonis sous sa protection. Professeur fut-elle, admiratrice du jeune aède, elle lui enseigna les arts. Crédulité. Il ne su jamais ses intentions, mais le précepteur s'était amouraché du disciple. Disciple aveugle et innocent, excellant dans le domaine créateur. Pianiste brillant, poète habile. Les muses s'étaient éprises de ses charmes, tandis que lui, l'exilé, le solitaire, jouait les mélodies de sa thébaïde.
Seule l'insolente endoctrina le coeur du jeune premier. Union sacrée. Protection qu'il promettait à l'être l'ayant tourmenté pendant ces années. En réceptacle fut-il transformé. Rien ne lui échappait de ses tourments. Dogue loyal devint-il devant la lumière ancrée au fond des abîmes de l'âme de sa maîtresse. Icare désirant toucher le soleil, il se brûla les ailes. Elle était sa muse, sa sylphide, son coeur ne vivait que pour la choyer de tendresse. Les notes s'affolaient à la pensée de la néréide. Affliction perlant sur le blanc du clavier. Colère. Amour. Tendresse. Baiser échangés dans leur nuitée. Ses mains qui furent autorisées à découvrir le derme, froisser les atours. Passion dévorante. Tourbillon du cyclone. Flamme emprisonnée. L'air jouant de ses ardeurs. Soufflant chaud et froid. Elle le torturait. L'envoyait au combat. Monstre qu'elle faisait naître. Innocence envolée. Sang coulant sur ses mains. Lui, ne désirait que la chérir, lui offrir l'amour dont elle avait besoin sous ses ténèbres impénétrables. Puis de ses bras elle s'échappa. Eros. Ce nom qu'elle avait sans cesse aux lippes. Proserpine enlevée par Neptune. Cerbère aux portes des Enfers. Coeur en charpie. Condamné à regarder son aimée dans les bras du vil. Adieu les confidences sur l'oreiller. Genoux ployé devant la maîtresse de ses anxiétés. Dévot tourmenté devant l'autel sacrificiel.
Lumière, lumière. Où fut-elle lorsque la pandémie l'accablât, qu'on coupa ses chaînes dorées. Le monde sembla si austère alors que ses pieds l'emportaient dans une errance occulte. Quel saint choisir ? Vers qui se tourner à présent qu'il n'avait plus rien ? Son coeur se languissait de son éclat, alors qu'il restait là, comme vidé de son âme, vidé de sa propre vie. Anima agonisante. Les dernières notes s'effaçaient dans le silence de la pièce tandis que ses mains tremblantes cherchaient son vice, tabac qui roula dans une feuille, portant le vice à ses lèvres, tête rejetée en arrière. Résidu de son attachement aux flammes, lui qui s'était brûlé les ailes dans le cyclone de ses ardeurs. Incapable de vivre sans sa madone, il était retourné auprès d'elle. Son aimée, son adorée. Elle le tourmentait la chimère. Il pourrait la tuer son aimée. Resserrer son étreinte autour de son cou, ne l'avoir plus que pour lui, dans la mort ils s'aimeraient. Dans la mort elle serait sienne. L'idée forma un rictus au creux des lèvres de l'aliéné.