Palais de Merle Osanos

Cruauté que de s’éprendre d’une démone qui n’a d’yeux que pour son frère. Ce frère qui se tenait devant le fils de l’eau, qu’il ne voulait que trop bien voir disparaître. Une haine sans borne ? Probablement pas jusque-là. Achille n’était pas l’être qu’il détestait le plus au monde, ceux qui lui avaient pris son fief et sa famille, oui. Et pourtant, si sa présence pouvait s’effacer auprès de celle qui faisait battre son cœur, à son grand regret, il ne s’en sentirait que mieux. Volonté personnelle, mais pas seulement. Cette relation adultérine et immorale ne les mènerait à rien, tout comme la néfaste influence du frère sur la sœur révulsait le Sorensen. Anwar le savait, il y croyait même dur comme fer. Scylla sans Achille, elle serait libérée de ce joug nuisible. Achille l’avait déjà prouvé par ses actions passées, il répandait bien plus le mal que le bien autour de lui, pourquoi serait-ce différent avec la Vasara ? Mais Anwar n’y pouvait rien, il se voyait impuissant, et ça le frustrait, au plus haut point. Lui n’avait que ses poings pour parvenir à ses fins, et il savait pertinemment que tabasser à mort le Roi du triple A ne l’aiderait en rien. Au contraire. Mais avait-il quelque chose à perdre ? Peut-être désormais, peut-être qu’il réfléchirait plus aux conséquences de ses actes, maintenant qu’il avait sa place à Azurite, à la tête de cette religion, héritage du pater. Religion qui ne l’aiderait pas vraiment non plus dans cette situation. Scylla était livrée à elle-même, et son chevalier n’avait pas les armes pour la défendre cette fois-ci. Réelle gigantomachie entre l’eau et l’air, le vainqueur restait encore à trouver. Mais Anwar s’en doutait déjà, il n’était pas aveugle. Dans le cœur de Scylla, aussi obscur soit-il, il ne faisait pas le poids face à ce frère. Il ne le ferait jamais.

Et pourtant ils sont là, à se regarder en chiens de faïence. Tous deux n’appréciaient probablement pas la présence de l’autre, mais le Vasara était sur le territoire du Sorensen. Ce n’était pas à lui de partir, il n’était pas l’intrus ici. « Quel plaisir de te revoir, mon cher ! » Hypocrisie à crever les yeux, à faire suffoquer le fils de l’eau. Ce n’était qu’Achille et ses milles masques, Achille que jamais personne ne parvenait à percer à jour. Ce même Achille qu’il avait longtemps côtoyé pour leurs petites affaires, pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ? Probablement parce qu’il n’y avait plus Asghari. Et sans Asghari, le pire pouvait arriver. « Ah, je t’avouerais que la beauté d’Aguarini me manquait énormément. Des années que je n’étais pas venu, le sais-tu ? J’étais occupé avec mes associés. » Anwar tique sur le dernier des termes. Des associés, ici, à Azurite ? Il craignait le pire. Une alliance Osanos-Vasara ne lui disait rien qui vaille, du moins, une alliance avec Achille plus précisément. Merle ne connaissait probablement pas le maître de l’air comme lui le connaissait, sinon elle n’y aurait prêté aucune attention. Enfin, il l’espérait. Peut-être était-ce une raison pour s’éloigner de Merle, et de rejoindre ces autres qui l’avaient approché. Mais avant toute chose, il devait mettre la situation au clair. La souveraine elle-même lui expliquerait probablement la situation, auquel cas il agirait en conséquence. Se protéger, ainsi que ses propres intérêts, il n’y avait toujours eu que ça dans le crâne du brun. « Je crains de ne pouvoir passer la soirée avec toi, à évoquer nos années de jeunesse. Quelqu’un m’attend à la maison. Ou devrais-je dire quelqu’une, en réalité. » Le regard du fils des flots se fait dur, froid, tandis que son poing se ferme. Anwar ne savait pas mentir, au grand jamais il n’avait dissimulé la colère quand elle colorait son âme. Et ça ne commencerait probablement aujourd’hui.

Le Vasara le provoquait, comme il l’avait toujours fait. Et le Sorensen n’avait désormais qu’une envie, le néantir. Tant d’année à se retenir pour Asghari... Parce que c’était à ce moment précis qu’elle s’interposait normalement. Mais elle n’était plus là. Les jointures du brun se blanchissaient, mais il parvient à se retenir. Frapper un potentiel allié des Osanos à même le seuil du palais, mauvaise idée. Une inspiration se fait entendre, tandis qu’une obsécration muette se forme dans l’esprit du Sorensen. Il demande simplement à pouvoir se contenir, rien de plus. - Je ne comptais de toute façon pas t’inviter, tu m’en excuses. Les moments passés à tes côtés n’ont pas été les plus beaux de ma vie, bien qu’Asghari relevait clairement le niveau. Un haussement d’épaule indifférent. - Mais c’est vrai que la liberté de l’époque me manque parfois. Anwar ne disait que la vérité, qu’elle soit à dire ou non, qu’elle plaise ou pas. Le mensonge n’était pas dans ses cordes, il ne l’avait jamais été. Cependant, il ne craignait rien avec Achille. Il le connaissait, tout comme il ne se vexerait sûrement pas de choses aussi futiles, qu’elles soient véridiques ou falsifiées. - J’imagine que tu parles de ta sœur ? Insistance sur le terme, bien que la parenté ne les ait jamais dérangés. Seulement un rappel qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. - Scylla a probablement autre chose à faire de son temps que de t’attendre bien sagement comme un petit chien. Elle peut se débrouiller toute seule, je te rassure. Crois-tu qu’elle ne jure que par toi ? Peut-être dans une certaine mesure, mais sache qu’elle peut très bien survivre sans ta présence. Tu ne fais que la détruire, toi. Le ton ne se faisait pas encore des plus agressif, mais il n’était pas des plus sympathique non plus. Achille le savait, il avait touché une corde sensible. Il avait enclenché le bouton, et Anwar était parti au quart de tour, l’impulsivité souillant chacune de ses veines.