Il marche, le petit Yinren. Il marche sans se retourner, sans respirer. Il faut qu'il sorte, qu'il se dégourdisse les jambes. Il n'en peut plus de rester enfermé dans ce palais, cet endroit qu'il aimerait bien brûler jusqu'aux cendres. L’atmosphère était pesante, autour de lui, depuis un moment déjà. Il sentait les regards, il entendait les murmures sur son passage. Ou tout du moins il pensait les entendre. Toute cette situation le rendait complètement paranoïaque. Il n'avait pas les épaules pour supporter cette pression. Non, il était comme une cocotte minute prête à exploser à tout moment, et il ne voulait pas le faire devant un public. Alors il marche encore plus vite, pour mettre de la distance entre lui et ce palais de malheur, pour mieux respirer. L'air chaud de la capitale entre et sort de ses poumons à une vitesse folle. Son coeur bat la chamade. Non, il ne se sent pas très bien. Il s'arrête, à bout de souffle, pour retrouver un semblant de contenance. On devait le prendre pour un taré et il ne voulait pas éveiller les soupçons. Doucement, il apporta une bouteille d'eau à sa bouche et bu le liquide jusqu'à la dernière goutte. Il s'étouffa à moitié en déglutissant. Il avait marché sans vraiment savoir où aller. La destination importait peu, à vrai dire, il voulait juste prendre l'air, se retrouver seul avec lui-même, avec ses pensées. Il ne savait pas combien de temps il allait pouvoir tenir. Sa sœur n'était pas là pour le protéger, et si quelqu'un découvrait son double jeu, cela se finirait très mal. Il eut un flash de lui, enfermé dans les cachots du palais, amaigris, affaiblis, seul avec son désespoir. Cela lui fit froid dans le dos. Il ne voulait pas pourrir au fond d'une cellule, ou pire encore. Tout le monde le pensait du côté de l'empereur, il avait du jouer la comédie depuis des mois maintenant. Et il arriver presque à saturation. La vérité était qu'il ne vivait plus vraiment. Il sursautait au moindre bruit, au plus petit son. Son coeur allait lâcher, il le savait, il le sentait. Il n'était pas aussi fort que Saeko voulait bien le croire. Il ne s'était jamais retrouvé aussi seul qu'aujourd'hui, et il ne savait plus comment gérer la situation.

Il déambule dans les rues de la capitale, dans ce quartier qui transpire la richesse, le pouvoir. Agus s'arrête un instant devant cette place dédiée à la famille Oshun. Il observe les pavés d'or et ne peut s'empêcher de penser aux sacrifices qui avaient très certainement rendu possible la fabrication de cette place. Comment avait-il pu en arriver là ? Tout avait basculé si vite dans sa vie, trop vite. Il n'avait rien pu faire, et il se trouvait désormais piégé à l’intérieur d'une cage dorée, dans la bouche du lion. Il n'était pas un lion, Agus, il n'était qu'un simple agneau attendant son heure. Il reprit sa route, ne supportant plus les éclats d'or revenant à ses yeux. La chaleur était accablante, aujourd'hui, et il n'avait plus rien à boire. Alors qu'il tourna dans un chemin de traverse, pour rejoindre les commerces plus rapidement, une main se posa sur son épaule. Une main ferme, puissante, qui ne voulait pas le laisser partir. Cette fois ci, son coeur avait vraiment lâché. Il se retourna lentement et resta figé sur place lorsque son regard croisa celui du jeune homme qui se tenait devant lui. Il ne l'avait pas vu beaucoup de fois, et la dernière remontait à bien longtemps, lorsqu'il était encore à l’académie. Mais il n'avait pas oublié son visage. Son regard était planté dans celui de Cerberus, et ses membres refusaient de bouger d'un pouce.  

La nouvelle qui fait battre son cœur encore trop fort. Hazel qui a tout retourné, fait valser toutes les possibilités. Vivante, l’idée traverse son petit bonhomme de chemin trop sans doute pour lui. Cerberus qui saute au plafond presque petit nuage dans lequel il tombe sans même le remarquer. C’est facile l’espoir, trop. Ça fait des dégâts l’espoir, bien trop et pourtant il n’en a pas encore conscience. Il oublie un peu trop tout ce que cela peut causer. Tout ce que cela peut entrainer. Il ne pense qu’à cela Nimue en vie et ça change tout, ça renforce trop de choses. Rien qu’un moment, il se sent revivre. Il ressent les bons côtés bien davantage que les mauvais. Il est épris Cerberus d’une énergie nouvelle l’amenant à tout croire possible à pouvoir sans le moindre douce soulever des montagnes, il en est certain. Lac chance semble être de son côté durant son séjour à Launondie. Autre créature, autre moyen d’en apprendre davantage. Il n’approche pas de suite Cerberus, il espionne, épie pour savoir si c’est elle qu’il va retrouver. Aucun signe en ce sens pour le moment, tout ce qu’il aperçoit c’est un homme apeuré. Agus en porte toutefois tous les stigmates. Comme si un danger ne cessait de le poursuivre. Oh, l’être des cieux n’est pas si dangereux. Il est surtout capable du pire quand il s’agit d’une rouquine. L’être du feu a déjà entendu parler de ce mauvais côté chez lui. Maintenant tout est différent, ce n’est pas l’intimidation qu’il, a en tête, c’est une toute autre forme de conversation qui se profile à l’horizon. La curiosité s’empare peu à peu de lui. Pourquoi fuir ? Pourquoi être apeuré ? Il n’en sait rien et finalement ce n’est pas le plus important. Le temps de l’observation se termine. Il est prêt à entrer en jeu d’une main qu’il vient poser sur l’épaule du Yinren. Il ne se rend pas compte Cerberus de la force qu’il emploie bien malgré lui. De tout ce que renferme l’idée d’une Nimue vivante, de combien il pourrait soulever des montagnes pour en avoir la certitude. Il pourrait presque rire Cerberus de le voir sursauter de la sorte. Il ne peut nier l’amusement intérieur que cela provoque chez lui et pourtant c’est un sourire qu’il lui offre doucement. « Oh je ne voulais pas t’effrayer Yinren. »  Qu’il commence à dire dans cette frivolité habituelle chez lui, face à un homme incapable de bouger le moindre muscle. « Je ne me savais pas si impressionnant. »  Qu’il lâche dans un éclat de rire. Premier étape se mettant peu à peu en place. L’approche réalisée il ne restait plus maintenant qu’à délier les langues.  

La peur s'empare de son corps, petit à petit. Ennemie silencieux, implacable, insaisissable, elle s'installe lentement dans tous ses membres, dans son esprit. Il a peur de tout, Agus, d'un rien. Sous ses airs airs de dur, sous son apparence imposante, il n'en mène pas large. Toujours immobilisé devant Cerberus, les paroles du garçon se perdent dans le vent. Il n'entend qu'un bourdonnement lointain, impropre. Bien que le fils de l'air revêt une apparence chétive, inoffensive, Agus sait. Il sait de quoi ce garçon est capable. Il sait ce qu'il a fait à Nimué, il a vu les marques sur son corps de porcelaine. Brisée, voilà ce qu'il avait réalisé. Il avait brisé la jeune femme, telle une poupée de glace. Le Yinren voulait la venger, bien sûr, mais devant ce démon il ne pouvait plus rien faire. Il était faible, encore fois. Il était incapable de protéger les personnes chères à son coeur. Saeko. Nimué. « Je ne me savais pas si impressionnant. » Un éclat de rire. Un rictus diabolique. Il n'en fallait pas plus pour sortir Agus de sa torpeur. La sueur perlait toujours sur son front mais au moins il pouvait bouger. « Je… Non… Je m'attendais pas à te croiser, c'est tout. » Il devait jouer l'idiot, parce qu'il ne savait pas encore pourquoi Cerberus se trouvait dans la capitale du feu, et pourquoi il avait forcé le destin pour tomber sur lui. Il savait que cela avait un lien avec Nimué, il en était certain, il ne savait juste pas ce que le fils de l'air savait au sujet de la belle rousse. Il l'avait laissé pour morte, comme un chien, comme un bout de viande avec lequel il avait fini de jouer. Elle avait faillis périr, par sa faute, à lui, à ce garçon qui se tenait, joyeux, devant Agus. Il ne pouvait s'empêcher de sentir de la haine émaner de son être. Une haine pure, comme il n'avait jamais ressenti, pour personne. De la haine mêlée à de l’effroi. La vérité était qu'il ne voulait pas finir comme Nimué, en sang sur les pavés. Il ne voulait pas non plus attirer l'attention sur lui, et un affrontement en pleine rue, bien que presque déserte, aurait eu cet effet. « Qu'est ce que tu fais là ? » Agus ne savait pas s'il savait Nimué vivante. Et il n'allait certainement pas lui révéler cette information, pour son bien à elle. Il ne voulait pas qu'elle se retrouve de nouveau confronter à cet homme, à ce démon. Il voulait la protéger, et c'est ce qu'il fera, à tout prix. Parce qu'il en avait assez de se cacher, d'attendre dans l'ombre que les histoires passent. Il devait prendre action, il ne pouvait plus rester sans rien faire. Le regard planté dans celui de Cerberus, il attendait patiemment la suite de cette discussion, un nœud de plus en plus fort se créant dans son estomac.