La roche, parée de sa robe baillet, murmurait à l’oreille de Braam que le temps fut venu. Ayant toujours prêté grande attention à l’environnement dans lequel il évoluait, le soldat avait remarqué à Nytthus une foule de détails qu’il conservait jalousement en sa mémoire. Comme si son esprit avait exprimé le besoin de partager quelque chose d’intime avec cet endroit, comme si la moindre particularité que Braam était parvenu à identifier entretenait un lien fragile l’unissant à ce village et à ses habitants. Ainsi, quand les puissants rayons de l’astre solaire frappèrent d’une délicatesse inédite le minerai de la caverne et qu’ils lui donnèrent alors cette teinte rousse, tirant avec légèreté sur le blanc, le superviseur se souvint alors qu’il avait prévu une entrevue avec l’une de ses collaboratrices. A la vérité, ces nuances brunes, rousses et briques imprégnaient la grotte d’une atmosphère qu’elle ne détenait que sur une plage horaire particulière, quelques peu après quatorze heures, l’heure à laquelle il avait prévu de rendre visite à Echo. Traversant l’agora sans porter la moindre attention aux passants, il progressa jusqu’au domicile de celle qu’il peinait à  considérer comme une amie. Les regards insistants, les murmures échanges à son passage ; tout à Nytthus laissait entendre que Braam n’était pas parvenu à s’intégrer. Le rejet, cet amer sensation à la saveur âpre. Ce fantôme oscillant indolent au-dessus de la silhouette de sa malheureuse proie. Pourtant, quand le guerrier travaillait auprès d’Echo, il se sentait vivre à nouveau, comme si sa présence, irradiant la pièce, chassait le spectre de la solitude. Mais aussi glorieuse fut la présence de la superviseuse de la faction diplomatie, l’esprit tourmentant avec malice le corps du soldat parvenait à s’agripper à sa victime, lacérant son âme mortifiée de ses griffes aiguisées.

Parvenant enfin là où vivait sa comparse, il pensa alors que toutes les maisonnettes qu’abritait la caverne se ressemblaient toutes plus les unes que les autres. Chacun vivait là, dans le même foyer que son voisin. Ce nouveau détail relevé, il consolidait une conviction née dès son arrivée à Nytthus ; il œuvrait ici pour la meilleure des raisons, rendre ce monde juste et équitable. Il voyait en ce village niché en haut des montagnes le début d’une ère nouvelle, mettant un terme aux privilèges acquit par le sang, au servage continu d’admirables populations.
Il frappa deux coups secs sur la porte. Le visage rayonnant de sa collègue surgit aussitôt, elle l’invita à entrer en sa demeure. Un lieu qu’il avait apprit à connaître à mesure que leurs rendez-vous se régularisaient, concrétisant à la fois une amitié naissante inavouée et le projet sur lequel ils planchaient alors depuis plusieurs semaines. Une collaboration inédite qui serait susceptible de devenir la plus grande œuvre jamais entreprise en faveur de l’idéal qu’ils avaient bâtis ici, la Démocratie. Braam dissimulait difficilement toute l’euphorie que suscitait pour lui ce projet. Aux côtés d’Echo, il osait espérer quelque chose de nouveau. Il s’autorisait à croire qu’il valait plus que ses muscles et son agilité, que le guerrier qu’on admirait chez lui n’était pas le seul à habiter son corps, qu’une seconde nature s’éveillait doucement dans son être. « C’est bientôt la fin ! » lançait-il à l’adresse d’Echo, sur un ton mêlant excitation et soulagement. « J’ai apporté quelques modifications au texte. Rien de très important, simples questions de formulation, de syntaxe… » Il posait alors sur la table à manger le brouillon tant de fois raturé, tant de fois repris des deux superviseurs et pointa du doigt les rares changements qu’il avait opéré depuis leur dernière entrevue. « Je crois que du côté  des institutions on a terminé comme tu l’avais dit, pour ce qui est du reste, on devrait peut-être prendre un peu de temps pour parler du territoire ? »