Assise aux côtés d'Eros, ton regard balayait la salle et s'arrêtait sur de nombreux visages, connus comme inconnus. A commencer par ta famille, installée non loin de toi. Si ta mère était toujours aussi ravissante, tu ne t'attardas pas plus longtemps sur sa fine silhouette et observas un court instant le sourire de ta soeur, Helana, proche de Balian. Autrefois, ton coeur aurait fait un bond, il y aurait eu ce pique, cette jalousie assassine. A présent, ce n'était que dégoût et rage qui te soulevaient l'estomac. Tu n'avais pas perdu contact avec eux, mais tu avais profité de ton nouveau quotidien pour t'en éloigner le plus possible. N'est-ce pas ce qu'ils désiraient après tout ? Tu n'étais qu'une misérable, une erreur, un mauvais présage. Tes perles émeraudes quittèrent ce tableau qui se dessinait devant toi pour se poser sur les principaux protagonistes. Saeko. Cal. Cal. Tes poings se serraient et ta gorge s'asséchait. Furtive, tu balanças un coup d'oeil en direction de ton adiutor qui savait très bien ce que tu pensais, ce qui se tramait dans ta tête, avant de reporter ton attention sur le prince héritier. Tu rêvais de lui arracher son sourire, de jeter sa couronne et de le voir à tes pieds, un trou béant dans la poitrine. Son coeur dans ta main. Pourtant, il détenait le tiens, le gardait enfermer dans sa poche depuis qu'il avait commis l'irréparable : il t'avait enlevé Adonis. Et il l'avait condamné à une mort certaine. Tu n'étais pas tranquille. Tout comme ton fiancé. Deux chiens enragés qui se cachaient derrière de faux sourires. L'air devenait irrespirable à mesure que tu fixais le futur roi, des images étouffantes te prenant d'assaut. Tu t'excusas, laissas ta chaise glisser contre le sol et sortis du rang que l'on t'avait assigné pour quitter la salle. Croisant des gardes ou mêmes des esclaves, tu feignis une envie pressante avant de tourner dans le couloir à l'opposé des toilettes que l'on t'avait indiquées. Tu savais où tu voulais aller, tu connaissais le chemin par cœur. T'enfonçant dans des couloirs de plus en plus sombres, tu laissais tes doigts caresser les murs pour ne pas te perdre. Le pan de ta robe se mélangeait à l'humidité du sol tandis que tes talons claquaient contre le granit, prévenant de ton arrivée dans les cachots. Il y avait moins de gardes que d'habitude mais on te demanda quand même quel était l'objet de ta visite. Une simple envie disais-tu. Un véritable besoin pensais-tu. Des cellules s'imposaient devant toi, avec leurs barreaux rouillés et leur odeur nauséabonde, mais tu continuais d'avancer, à la recherche de ton adoré. « Adonis ? » dis-tu dans un murmure. Du mouvement dans une cellule te fit tourner la tête et c'est à cet instant que tu le vis. Eros t'avait conté son teint blafard et ses cernes aussi noires que la nuit, mais tu ne t'étais jamais préparée à l'abominable réalité. Ton imagination n'avait pas réussi à tirer un portrait juste du maître de la terre dans de telles conditions. Parce que c'était tout bonnement inimaginable. Qu'avait-il fait ? Il avait été fou, et inconscient. Aveuglé par un amour sans avenir. Dans un geste de désespoir, tu t'approchas rapidement des barreaux et t'y accrochas, tes yeux de malheur attachés à ses traits déformés par la misère. Ô enfant de misère, qui n'a reçu qu'injures et coups alors qu'il attendait tendresses et baisers. Ton rythme cardiaque s'était soudainement accéléré et tu pouvais sentir ta voix se briser « Adonis ! » dis-tu, comme pour prendre conscience qu'il se trouvait enfin devant toi, après tant de jours séparés. Ta paume trouva sa joue dans un geste naturel, presque déconcertant, et tu détaillas un peu plus son visage. « Qu'as-tu fait... » question qui n'en était pas une. Tu savais ce qu'il avait fait. Tu le devinais. Parce qu'il t'avait exposé son plan avant de partir, avant que tu ne le vois plus revenir à Greenstall. T'avais senti ton coeur pourrir et ta haine grandir à l'annonce de sa mise à mort. Mais pouvoir le voir ici, ce soir, était tout ce dont tu avais eu besoin.

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Tes doigts glacés contre sa joue légèrement creusée, tu laissais ton regard se perdre dans ses traits fatigués. Les mots sortirent de ta bouche sans crier gare, sans réfléchir. Qu'avait-il fait, tu t'inquiétais encore, toujours, tu le dévisageais en attendant une réponse qui ne viendrait jamais. Vous saviez autant l'un que l'autre la raison pour laquelle il se retrouvait là, au fond d'une cellule humide, à l'odeur nauséabonde, pourrie. Sa main vint caresser la tienne dans un besoin immédiat, incontrôlable. Une source de réconfort dans un simple toucher. Tu voulais te montrer forte face à lui, mais le voir dans cet état te perturbait. Comment le prince héritier avait-il pu lui faire cela sachant très bien leur affection commune. L'avait-il menacé pour la couronne ? Lui avait-il demandé dans un baiser ? Personne ne savait si ce n'était les deux protagonistes. Ton regard s'abaissa jusqu'à vos pieds alors qu'il t'informait avoir fait une bêtise. Un léger sourire se nicha à la commissure de tes lèvres en même temps que tu relevais la tête vers  ton ami. Idiot. Ses paroles laissaient la place à un doute. Avait-il réellement fait une bêtise ? Oui. C'est ce que tu te répétais depuis l'annonce de son incarcération, depuis l'annonce de sa mise à mort. T'aurais voulu qu'il attende plus longtemps, qu'il t'écoute. Mais il n'avait pu résister et avait vu ses projets s'écrouler. Ses mots étaient doux, ils t'attendrissaient en même temps qu'ils te blessaient. Un baiser déposé sur tes doigts et tu le regardais, à la fois décomposée et énervée. Ta seconde paume rejoignit son visage et tu le forças à te regarder dans les yeux. « Tu ne devrais pas être ici non plus. » dis-tu, la voix tremblante, coincée entre ce sentiment de rage et de tristesse. L'injustice qui se dégageait de toute cette situation te donnait la nausée. Qu'alliez-vous faire ? Eros allait-il réussir à sauver son frère ? Tu l'espérais, tu le désirais. Impuissante face aux gardes qui surveillaient sa cellule, tu ne pouvais rien faire à cet instant à part partager un moment de tendresse aux côtés du maître de terre dont la vie semblait se raccourcir à chaque battement de cil. « Écoute moi Adonis. » prononças-tu dans un murmure à peine audible. Il tendit l'oreille, t'encourageant à continuer « On va te sortir d'ici. Eros. Moi. Les autres. Ta place n'est pas ici, mais dehors. » affirmas-tu d'une voix déterminée. Il avait été ton pilier pendant tant d'années, la seule épaule sur laquelle te reposer, qu'il t'était inconcevable de continuer sans lui dans ton champs de vision. L'avenir était à présent incertain, flou, tu ne savais ce qu'il allait admettre de vous, pauvres créatures. Mais tu basais tous tes espoirs sur la famille Griffith, leurs alliés. Peut-être allais-tu devoir te préparer à aider toi aussi, peut-être serais-tu un pion dans la libération de ton adoré. Un regard en direction d'un des gardes puis tu recroisais les perles marrons d'Adonis, le tirant vers les barreaux pour que tu puisses l'atteindre. Tes lèvres rencontraient son front, mêlant vos deux âmes perdues. « Rappelle toi qu'un prince indigne ne vaut rien. » annonças-tu, sachant pertinemment que ton ami comprendrait de qui tu parlais. La mauvaise graine. Le maître du feu dont l'on faisait l'apologie juste au-dessus de vous. Cal.

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