La lame se baladait sur la peau déjà meurtrie par les coups passés. Elle s’arrêtait, piquait par endroit le cuir charnel, avant de reprendre sa route. Seuls des murmures essoufflés répondaient à cette cruelle promenade. Loras se tenait haut et droit, maître de la situation, maître de ces lieux, maître de ce bas-monde. La gamine était clouée à une chaise, poings et pieds liés, impossible de bouger, proie soumise qu’elle était. C’était dans les ruelles crasseuses de la capitale qu’il avait récupéré cet oiseau déchu, là-bas même où l’apparition angélique s’était montrée à lui. Cette gamine d’à peine vingt ans était reconnue résistante, et n’avait pas su courir assez vite pour échapper aux soldats de l’Empire ce jour-là. Cette gamine, dont le courage n’avait d’égal que sa stupidité, n’était d’aucune utilité. Simple recrue au plus bas de l’échelle, nouvelle qui plus est, tous savaient qu’elle ne pouvait leur fournir d’utiles informations. Mais Loras l’avait gardée auprès de lui, malgré l’ordre de son exécution. Elle qui devait se trouver à cette heure dans la fosse commune était encore en vie, petite proie protégée par la torture de l’ogre. Elle devait forcément savoir, un rien, un quelque chose, qu’importe, elle était forcément au courant de la situation de la sœur oubliée. Lyanna était auprès de cette enfant quand le raid avait fait irruption - l’une avait fui, l’autre se retrouvait dans les cachots impériaux. « Tu ne veux donc rien me dire ? » Sa voix se faisait mielleuse, affreux monstre, serpent perfide qui charmait avant de mordre. Sa lame affilée remonta le long du cou de la demoiselle, traitresse se voulant sensuel, adoptant le même chemin que les doigts de l’homme sur le corps de ses partenaires d’un soir. Elle la griffa, à peine, assez pourtant pour qu’un filet de sang s’échappe de sa charnelle prison. « Vraiment rien ? » La main barbare rejoignit sa camarade d’acier autour du cou de la gamine, enserrant ce mince bout de corps, coupant doucement son lien avec la vie. « Où se cache Lyanna ? » Le regard du monstre plongea dans les iris apeurées de la gamine qui pourtant refuser de parler. Elle commençait à suffoquer, son visage tournait au rouge. Loras resserra son emprise. « Où ? » Sa voix se faisait plus dur, le séducteur laissa tomber son masque, le monstre se montrait. Sa main lâcha la lame, qui tomba au sol dans un bruit perçant, et attrapa les cheveux d’un jaune sale de l’enfant. « Dis moi donc ! » La porte s’ouvrit, un homme se fit voir sur le seuil - il n’entra pas, sachant pertinemment qu’ici était le territoire de l’ogre, et que quiconque s’y aventurait le faisait à ses risques et périls. « Harlaw, l’Impératrice te demande dans son office. » Un grognement guttural s’échappa des lèvres du monstre, celui-ci relâcha sa victime et indiqua au visiteur qu’il le suivait. Le bourreau se baissa pour ramasser la lame et, dans un geste des plus ordinaires, trancha la gorge de l’enfant.
La mission était simple : arrêter la Résistance. Ses idées étaient claires : Lyanna s’y trouvait forcément. Cette sœur à la chevelure de blé, ce fantôme de son passé enfantin, envahissait depuis leurs retrouvailles beaucoup trop les esprits du missionnaire. Il n’avait plus qu’un objectif : retrouver celle qui partageait son nom et son sang, et l’arrêter dans son dessein absurde, la convaincre qu’elle s’était trompée. La convaincre avant que l’ordre ne tombe. Tuer, décapiter, annihiler celle dont il admirait l’aplomb autrefois, celle qu’il devait surveiller, avant de faillir à sa mission. Aujourd’hui, il n’allait pas échouer. Accompagné de quelques soldats de l’Empire, il marchait dans les rues bourdonnantes de la ville du feu. Des rues délabrées, et insalubres, là où la richesse n’éblouissait aucun œil vaniteux. L’endroit était idéal pour se cacher, aux yeux et sus de tous. Traîtres parmi les pauvres, juste un tas de vermines sans valeur. « C’est ici. » lâcha le jeune étalon, sa main se plaçant déjà sur l’arme qui le ceinturait. Loras porta son regard sur la baraque, d’un gris terne et sale, d’une odeur peu avenante. Elle puait l’odeur des infidèles. Bientôt, ils entreraient. Bientôt, les armes seraient dégainées. Bientôt, la Mort hantera les lieux, s’abreuvant à même le sol du sang des victimes dominées par la puissance de l’Empire. Le gouvernement gagnait toujours - tous devaient le savoir : leur petit jeu de résistance tomberait bientôt à l’eau, aussi futile soit-il. Il se dirigea, seul, vers l’endroit qu’on leur avait désigné. L’espion prit le dessus, silencieux et discret, vu que lorsqu’il le voulait. Ces soldats n’étaient que des balourds, faits pour la guerre, pour les attaques de ce genre. Lui était la furtivité qui leur manquait. Il s’abaissa, continua de s’approcher, se cacha derrière la porte principale, y colla son oreille. Bourdonnement, pas, voix. Il se concentra sur les voix que la porte rendait inaudibles, se concentra fortement, tentant d’y déceler celle de sa sœur. Lyanna y était forcément. Il allait retrouver sa sœur. Lui parler. Lui dire qu’elle n’était que folie et bêtise. La ramener auprès de leur frère, la mettre sous tutelle. La sauver de cette connerie. « C’est bien ici. » articula-t-il silencieusement à l’attention des autres restés en retrait. Mais Loras ne bougea pas. Loras n’était pas un soldat, seulement le chien galleux de l’impératrice, comme l’avait si justement souligné la princesse insolente. Loras ne donnait pas d’ordre, il ne faisait que les suivre.